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Politique

Obsèques de Sangaré : L'émouvant message de Simone Gbagbo au ‘’gardien du temple’’

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Vendredi 30 novembre 2018 à la mythique place Ficgayo de Yopougon, à l'occasion des funérailles de feu le Pr Abou Drahamane Sangaré, Simone Ehivet Gbagbo, ex première dame de Côte d’Ivoire a rendu  un emouvant  hommage à l’ex 1er vice-président du Front Populaire ivoirien, décédé le samedi, 03 novembre dernier dans une clinique sis à Abidjan-Marcory. Ci-dessous l’intégralité de son message.

En 2014, soit 4 ans en arrière, s’exprimant dans le documentaire intitulé "Simone & Laurent Gbagbo, le droit à la différence", réalisé par la journaliste italienne Nicoletta Fagiolo, notre camarade Sangaré Abou Drahamane, avait prononcé une parole prémonitoire à laquelle nous n’avions pas prêté attention. L’accomplissement de cette parole dans la vie de Sangaré, nous avait en effet, paru invraisemblable. Ce jour-là, expliquant la petitesse de sa personne par rapport à la grandeur de la vision du Front Populaire Ivoirien, Il avait endossé une phrase de Laurent, en disait à la journaliste italienne qui l’interrogeait : "Moise n’est pas entré dans la terre promise. Je ne sais pas si je vais entrer dans la terre promise. Si je n’entre pas, continuez le combat"

Or donc, comme à son habitude, il ne prononçait pas des paroles en l’air. Il nous annonçait, dans le calme et la sérénité qui l’ont toujours caractérisé, les choses à venir. Et comme un séisme qui se déclenche sans crier gare, dans la matinée du 3 novembre dernier, la mort a brusquement, soudainement, frappé. Elle nous a brutalement enlevé notre Sangaré, mon tamis, mon camarade de lutte, notre Prési, notre gardien du temple, le jumeau de Laurent. Elle nous a laissé KO debout.

Sangaré s’en est allé par le chemin de tous les hommes. Nous aurions tellement aimé l’avoir toujours avec nous, mais, nous réalisons comme l’affirme l’écriture, que "l’homme est comme une vapeur qui parait pour un peu de temps et qui disparait ensuite" (Jacques 4, 14). Notre Dieu est celui qui marque le terme de nos vies, ce terme que nous ne pouvons pas franchir. Inclinons-nous donc humblement, devant Sa volonté souveraine. Famille biologique de Sangaré, yako. Famille politique de Sangaré, yako. Yako à nous tous, Yako à la nation ivoirienne, Yako à l’Afrique digne.

L’onde de choc générée par le départ inattendu de Sangaré s’est mise à imprimer en nous, l’idée d’une destruction de l’homme, l’idée de disparition définitive d’un être irremplaçable, provoquant des pleurs et des torrents de larmes. Mais aussitôt, comme pour apporter du baume à nos cœurs, une contre onde s’est instantanément levée, neutralisant, étouffant, annihilant cette vision mortuaire pour installer en nous l’image magnifique de l’homme exceptionnel. Cette onde nouvelle répand depuis, dans un doux murmure, l’écho des mots Fidélité et loyauté. Oui, tous sans exception, s’accordent à reconnaitre que le nom Abou Drahamane Sangaré, rime avec les mots fidélité et loyauté. Fidélité à une vision partagée du Front Populaire Ivoirien.

Fidélité non servile et loyauté à un ami. N’est-il pas celui qui a dit qu’il ne pouvait être ailleurs qu’à la résidence, auprès de son ami Laurent Gbagbo, pendant le bombardement de cet édifice ? Et, il y est venu sous les bombes, avec sa mère, sa sœur, sa fille, et sa belle-mère, jusqu’à être arrêté et être conduit à l’Hôtel du Golf, en même temps que lui. N’est-il pas celui qui a dit que son seul regret était de ne pas être à la CPI avec Gbagbo ? Notons que déjà en 1992, il avait fallu fortement le convaincre, pour qu’il ne rejoigne pas son ami Gbagbo, les responsables et militants du Front Populaire Ivoirien emprisonnés à la MACA.

Cette onde nouvelle répand aussi dans un doux murmure, l’écho du mot Résistance. Sangaré était comme la colonne indestructible qui a soutenu, confiant et imperturbable, la voûte du Front Populaire Ivoirien et l'a maintenue debout. Il était aux côtés de Laurent Gbagbo, cet autre symbole de la résistance de toute la Côte-d’Ivoire patriotique. Il restera l’homme inébranlable dans ses convictions, l’homme rigoureusement ponctuel, la force tranquille.

Oui, Il s’est révélé au fil des ans comme un puissant symbole de la résistance et a, à juste titre, servi de rempart à tout le peuple de Côte d'Ivoire. Nous avons toutes les raisons d’être fiers de lui. Cette onde nouvelle répand enfin dans son doux murmure, l’écho du mot Elégance. Sangaré demeurera pour nous tous, ce mannequin non conventionnel arborant avec une aisance surprenante le même tissu ou la même couleur flamboyante de la chemise à la chaussure.

Hélas ! Sangaré qui, du haut de ses 72 ans, parcourait encore le pays pour non seulement apporter sa compassion aux peuples meurtris, mais aussi les exhorter à préparer leurs plus beaux habits pour le retour triomphal de leurs fils injustement détenus à la Haye, Sangaré ne verra pas la fin du film qu’il était lui-même occupé à impacter de la puissance de tout son être. Sangaré, c’est vrai que tu n’es pas rentré dans la terre promise, mais comme Moise, tu l’as vu de loin et, au moment où nos adversaires, tes adversaires voulaient en refermer la porte, toi, tu as tendu le pied pour les en empêcher. Tu t’es même dressé dans la porte et l’as maintenue ouverte. Tu as fait cela pendant 7 ans et personne n’a pu fermer cette porte.

Aujourd’hui, tu t’es retiré, mais la porte est définitivement ouverte et, par elle, Laurent Gbagbo rentrera dans la terre promise. Par elle, je vais rentrer dans cette terre promise. Par elle, tout le Front populaire Ivoirien, tout le peuple ivoirien, vont rentrer dans la terre promise. Par elle, tous les Africains entreront dans ce nouveau continent développé, démocratique, paisible et moderne. Tu as été le rempart, tu as été le gardien de la porte, tu t’es dressé et tu resteras dressé dans cette porte qui ne se refermera pas.

La mort de Sangaré, bien que très douloureuse, constitue paradoxalement pour nous, une leçon d’humilité : C’est que l’homme propose mais c’est Dieu qui dispose. Nous les hommes, nos projets, nos espoirs, nos actions, doivent être assujettis à cette grande loi divine. Nous devons avoir le souci d’intégrer et de consulter la destinée que Dieu a prévue pour chacun d’entre nous. Tous nos grands plans, nos grandes ambitions, s’arrêteront net, le jour où le Seigneur dira STOP. Alors, soyons humbles, positifs, et de bonne composition. Nous devons veiller à imiter la modestie de ce grand homme, qui n’a juste voulu que faire sa part, sans s’imposer aux autres, sans gêner personne d’autre.
Sa mort bien que très douloureuse, ne doit pas nous enfermer dans la désespérance. Moïse n’est certes pas entré à Canaan, mais sa mort n’a pas sonné le glas du projet de Dieu pour son peuple.

Nous n‘aurons certes plus de Sangaré Aboudrahamane parce qu’il était unique, mais les leçons de vie qu’il nous lègue continueront de rythmer nos vies.

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