Dans une interview exclusive qu'il a accordée à pressecotedivoire.ci, Pr Bamba Moriféré (président du Rassemblement du peuple de Côte d'Ivoire-Rpci) se prononce sur bien des sujets. Notamment la création du parti unifié dénommé Rassemblement des houphouétistes pour la démocratie et la paix (Rhdp). Pour lui, ''il est surréaliste que certains se targuent d'être plus houphouétistes que les héritiers légitimes''.
L’actualité brûlante du moment est sans aucun doute la création du parti unifié. Comment le jugez-vous?
C’est tout simplement pitoyable. Ce qu’il nous a été donné de voir est une mascarade. En principe, ce sont les délégués dûment mandatés qui participent à une Assemblée constitutive; ce qui n’était pas le cas. Enfin, il y avait un problème de légitimité des partis constitutifs du parti dit unifié, dans la mesure où il s’agissait de dissidents illégitimes et non représentatifs de certains Partis politiques ivoiriens légalement constitués ( Mfa, Pit, Upci), dont les représentants légitimes emblématiques sont connus sur l’échiquier politique national. Au total, il s’agissait bel et bien d’une mascarade qui n’honore nullement ses auteurs, mascarade dont l’opinion nationale et internationale a été le témoin.
Le Pdci-Rda, l’un des gros calibres de la politique ivoirienne, a refusé de prendre part à la création du Rhdp. Pensez-vous que cette coalition pourra prospérer sans le Pdci?
Je viens de vous dire qu’il s’est agi d’une mascarade tout simplement. Jugez-en vous-même. En effet, tous les Ivoiriens savent que c’est le président Henri Konan Bédié et le Parti démocratique de Côte d’Ivoire (Pdci) qui sont à la base de la mise en place du Rhdp. Il est de notoriété publique que c’est le président Henri Konan Bédié qui a proposé la mise en place d’un parti unifié lorsque le moment en serait opportun. D’ailleurs, le président Bédié était lui-même l’unique président du Rhdp jusqu’à cette pseudo Assemblée constitutive.
Comment comprendre dans ces conditions que ce soit le Rdr, parti fondé par feu Djeni Kobenan, à partir d’une dissidence du Pdci, qui soit celui-là même qui vienne créer le parti unifié, Rhdp, sans le Pdci ? En d’autres termes, le parti unifié Rhdp ne saurait exister en dehors du Pdci qui en est la matrice. En somme, le Rhdp n’est autre chose que le Pdci élargi à d’autres organisations. D’ailleurs même, les organisateurs de l’Assemblée constitutive auraient dû envisager un autre sigle que celui de Rhdp. Il est quand même suréalliste que certains se targuent en 2018 d’être plus houphouëtistes que les héritiers légitimes du président Houphouët-Boigny, tant il est vrai que «le tigre n’a pas besoin de proclamer sa tigritude». Cette mascarade est donc vouée à l’échec.
Au cours de cette assemblée, le chef de l’Etat, désigné président du Rhdp, a appelé Bédié à les rejoindre, afin qu’ensemble, ils passent le pouvoir à une nouvelle génération en 2020. Croyez-vous que le chef de l’Etat va passer la main?
Tout d’abord, dans un Etat de droit, le chef de l’Etat ne peut être partisan, encore moins le président d’un parti politique, fût-il unifié. C’était d’ailleurs l’une des dispositions majeures et consensuelles de la Constitution du 1er août 2000. Le président Henri Konan Bédié, en tant que seul héritier légitime de feu le président Félix Houphouët-Boigny, président du Pdci-Rda, est bel et bien celui-là même qui doit être rejoint par autrui et non l’inverse, quant à l’incarnation de l’houphouetisme véritable. Je vous rappelle que le président Bédié, qui a occupé tous les postes électifs, député, président de l’Assemblée nationale, qui est donc présent dans la vie politique ivoirienne, dès l’aube de l’indépendance de notre pays, a une légitimité incontestable et reconnue.
Dans un système démocratique, seul le peuple souverain de Côte d’Ivoire a la légitimité de donner le pouvoir par la voie démocratique des urnes, à qui de droit. Ce pouvoir n’appartient à personne d’autre. En ce qui concerne le chef de l’Etat, la constitution de notre pays, dans sa lettre et dans son esprit, ne l’autorise pas à briguer un autre mandat. Les forces démocratiques doivent se mobiliser à cet effet.
Avant cette Assemblée générale constitutive, il y a eu la formation du nouveau gouvernement où l’on note l’absence de l’opposition. Comment expliquez-vous cela ?
En tant qu’opposant, nous ne sommes ni de près ni de loin, intéressés par ce nouveau gouvernement. Vous savez que nous sommes attachés, entre autres, à la bonne gouvernance. Or, ce gouvernement, en son 1er conseil, nous annonce déjà la cession d’un patrimoine immobilier de l’État, pour 8,5 milliards F Cfa environ, sans que l’on nous en démontre l’opportunité et le besoin absolu pour la trésorerie de l’État. Sans que l’on nous précise également les modalités de fixation de la valeur réelle du bien immobilier cédé, ni comment s’est opéré le choix du bénéficiaire, par exemple s’il y a eu appel d’offres. Vous comprendrez que notre place n’est pas dans un tel gouvernement antidémocratique et anti-national. Pour nous, il s’agit ni plus ni moins de ce qui s’apparente à un bradage du patrimoine de l’État de Côte d’Ivoire.
Auriez-vous accepté d’entrer au gouvernement si le Premier ministre vous l’avait proposé?
Je viens à l’instant de vous faire savoir que la place de l’opposition n’est pas dans ce gouvernement. Maintenant, à titre personnel, vu mon âge et mon passé politique, la question ne peut être à l’ordre du jour.
Le gouvernement annonce les élections régionales et municipales pour le 13 octobre 2018. Allez-vous prendre part à ces élections ?
Ces élections s’annoncent dans un climat de fraudes organisées en amont, avec la transhumance des électeurs d’une circonscription électorale à une autre, et ce, avec la complicité de l’opérateur technique Morpho et l’aval de la Commission électorale indépendante (Cei). Les forces démocratiques, patriotiques et républicaines doivent impérativement s’organiser pour créer les conditions idoines pour des élections démocratiques, transparentes, sincères, apaisées et pacifiques, seules à même de sauver la nation ivoirienne du chaos qui s’annonce et dont les conséquences pourraient à nouveau être imprévisibles pour notre Nation.
La coalition « Debout, sauvons la Côte d'Ivoire » que vous dirigez, et bien d’autres partis ont demandé la réforme de la Cei. Rien n’est fait. Pourtant, le gouvernement annonce la tenue des d’élections municipales et régionales pour le 13 octobre prochain. Allez-vous prendre part à ces élections? Qu’entendez-vous faire?
Comme je viens de le dire tantôt, nous nous organisons pour rassembler les forces démocratiques, et exiger l’organisation d’élections démocratiques, justes et transparentes, gage de paix et de stabilité en Côte d’Ivoire.
En moins de 6 mois, c’est la 2e fois que vous rencontrez le président Bédié. Qu’attendez-vous de lui concrètement ?
C’est plutôt la 3e fois que je rencontre le président Bédié. Vous constatez donc qu’il y a une continuité! A chaque fois, il s’agit d’attirer son attention sur la gravité de la situation socio-politique dans notre pays, et chacune de ces rencontres a fait l’objet d’un communiqué. Vous le savez sans nul doute, que mes relations politiques avec le président Bédié datent maintenant de plusieurs décennies. Je vous rappelle qu’en 1985, alors député, j’ai occupé les fonctions de Vice-président de l’Assemblée nationale, au moment où le président Bédié en était le président. Aujourd’hui, le président Bédié est le doyen des responsables politiques de notre pays. Je connais l’attachement du président Bédié aux intérêts nationaux fondamentaux de notre pays, sur une base patriotique.
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