Dans une déclaration dont copie est parvenue à la rédaction de linfodrome.ci, Abou Drahamane Sangaré, au nom du leader du Front populaire ivoirien (Fpi), fait des propositions au président de la République, Alassane Ouattara, sur divers sujets abordés dans son discours à la Nation du 06 août 2018, en marge de la décision d’amnistie ayant permis de libérer 800 prisonniers de la crise post-électorale dont l’ex-Première-dame, Simone Gbagbo.
Dans un message adressé à la Nation à l’occasion du 58ème anniversaire de l’indépendance de la Côte d’Ivoire, le chef de l’Etat, déclarant œuvrer à la réconciliation nationale des Ivoiriens, suite à la crise postélectorale de 2011, a annoncé avoir pris deux importantes décisions :
- D’une part, la signature en date du 6 août 2018, d’une ordonnance portant amnistie des faits criminels se rattachant à la crise postélectorale de 2010-2011, ainsi que des faits d’atteinte à la sûreté de l’Etat intervenus à compter du 21 mai 2011. Huit cents (800) personnes se trouvant soit en détention, soit en liberté provisoire sur le territoire ou faisant l’objet de mandats d’arrêts ou susceptibles de poursuites à l’étranger sont concernées par cette mesure ;
- D’autre part, l’adoption de dispositions en vue d’ouvrir des échanges devant aboutir à la recomposition de la CEI en application de l’arrêt de la Cour Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples et cela, de manière à rendre les prochaines élections inclusives.
Le Front Populaire Ivoirien tient d’emblée à féliciter et à remercier toutes les personnes et institutions qui ont encouragé cette prise de décision, permettant ainsi une véritable avancée vers la décrispation de la vie publique nationale. Le FPI exprime également sa gratitude à la Cour africaine des Droits de l’Homme et des Peuples qui a fait ainsi écho aux revendications pertinentes des démocrates ivoiriens et de la diaspora.
Le Front Populaire Ivoirien (FPI) voudrait rappeler, ici, ses constants appels restés sans suite depuis 2011, en direction du pouvoir afin que s’ouvrent des discussions, prélude à la réconciliation nationale, qui porteraient sur la libération des prisonniers politiques civils et militaires, le retour sécurisé des exilés, le réaménagement de la CEI pour l’organisation d’élections transparentes et démocratiques, la sécurisation du territoire par le désarmement des milices, dozos et autres, le dégel des comptes, la prise en charge des victimes de la crise. Le Front Populaire Ivoirien tient avant tout propos, à relever que l’absence d’une loi préalable habilitant le chef de l’Etat à prendre une ordonnance d’amnistie grève la légalité de l’acte du 6 août 2018. Le FPI demande par conséquent le dépôt de ladite ordonnance par devant l’Assemblée nationale en vue de sa ratification.
Sous cette réserve, le FPI se félicite de l’avancée notable induite par cette décision, qui s’est traduite par la libération, pour l’heure, d’une centaine de prisonniers civils dont la Première Dame Simone Ehivet Gbagbo, les ministres Lida Kouassi et Assoa Adou, le vice-président du FPI Tchéidé Jean-Gervais, et d’autres prisonniers dont Me Baï Patrice. Le FPI reste attentif à la suite de la procédure et veillera avec vigilance à la libération effective de tous ses militants et sympathisants injustement maintenus dans les liens de la détention depuis sept (7) longues années.
Le FPI s’étonne toutefois que le chef de l’Etat, pour les mêmes faits amnistiés, ait tenu à faire une distinction entre les prisonniers civils et les prisonniers militaires, alors qu’à la différence de la grâce qui dispense le condamné de purger la peine infligée, la mesure d’amnistie efface les faits sans tenir compte des auteurs. Pourquoi distinguer là où le droit ne distingue pas ? Par ailleurs, les militaires n’agissent-ils pas en exécution des ordres donnés par les autorités politiques ? Comment est-il possible, sans se contredire, d’amnistier « le donneur d’ordre » supposé et maintenir en détention celui qui, de par sa fonction, était tenu d’exécuter cet ordre ?
En tout état de cause, le FPI exige la libération immédiate et sans condition, au titre de l’amnistie, de tous les militaires encore détenus dans les prisons, poursuivis où sous menace de poursuites. Le FPI considère que la libération des militaires, outre le fait de rendre plus crédible la volonté affichée d’aller à la réconciliation nationale, conditionne l’ouverture de tout dialogue avec le pouvoir.
Sur le dialogue annonce en vue de la recomposition de la CEI
S’agissant du dialogue annoncé avec l’opposition en vue de la recomposition de la CEI, et se félicitant également de l’avancée notable du chef de l’Etat sur cette question très sensible, le FPI rappelle que c’est depuis 2011 qu’il appelle le gouvernement à la discussion, mais en vain. Pour cette raison, entre autres, il a entrepris le boycott de toutes les élections organisées par le régime depuis 2011. Il tient sur ce point à faire deux observations :
La première observation porte sur la crédibilité du message du chef de l’Etat, mise en cause par le bureau de la CEI. En effet, alors que le chef de l’Etat a annoncé l’ouverture de discussions sur la CEI en vue de rendre les prochaines élections inclusives, cette institution illégale et décriée, a ouvert sans attendre le dépôt des candidatures au titre des élections municipales et régionales prévues pour le mois d’octobre 2018. Comme pour dire que le message du chef de l’Etat est un « leurre », voire une manœuvre d’endormissement de l’opposition. Le FPI demande purement et simplement le report desdites élections en attendant l’ouverture et la fin des discussions annoncées sur l’organisation des élections.
La deuxième observation : Le chef de l’Etat, dans son adresse, semble s’en tenir à la seule question de la recomposition de la CEI. Pour le FPI, certes la recomposition de la CEI est une des questions majeures en matière d’élections justes et transparentes. Cependant, l’opposition politique responsable et le FPI, ont toujours considéré comme indissociables, les questions de l’équité du découpage électoral, de la fiabilité du fichier électoral, de l’accès de tous les partis politiques aux médias d’Etat, de la sécurisation de l’environnement électoral, etc.
Par conséquent, le FPI considère que l’objectif du dialogue annoncé doit être l’organisation d’élections véritablement démocratiques et pour ce faire, les discussions doivent porter sur l’ensemble des questions ci-dessus listées de manière à arrêter de nouvelles règles qui soient tout à la fois consensuelles et conformes à l’arrêt de la Cour africaine des Droits de l’Homme et des Peuples.
Mais le FPI estime que des discussions portant sur le seul point des élections et qui font l’économie d’autres questions non moins importantes, liées à la crise, ne font pas œuvre utile pour la réconciliation nationale et la cohésion sociale. Le FPI fait à ce sujet l’analyse suivante.
Pour la réconciliation et la cohésion nationales
Le FPI est d’avis qu’en plus de l’amnistie et de l’ouverture de discussions sur les élections à venir, un certain nombre de questions appelle de la part de l’Etat des réponses urgentes :
- Le retour des réfugiés : Quelles dispositions pratiques et matérielles l’Etat de Côte d’Ivoire prend-il, en vue d’organiser le retour sécurisé de ces dizaines de milliers d’Ivoiriens forcés de vivre plus de sept (7) ans hors de la Côte d’Ivoire en violation de notre Constitution et en vue de leur réinsertion sociale ? Nombre de réfugiés ont toujours la légitime crainte d’être pris à partie par le pouvoir où même par des individus hostiles dans leurs anciens quartiers d’habitation. Par ailleurs, nombre d’entre eux ont perdu leurs emplois dans le privé comme dans le public, après avoir été dépossédés de leurs terres et de leurs domiciles, alors qu’ils ont encore en charge leurs familles. C’est au moment où ils doivent rentrer que le régime Ouattara qui a favorisé leur éloignement forcé doit envisager des mesures à même de les soulager ;
- Les victimes de la crise : Quelles dispositions l’Etat prend-il en vue d’assurer la prise en charge de toutes les victimes de la guerre ? Nombreuses sont les victimes, surtout du « camp Gbagbo », qui ont été laissées pour compte par l’opacité du système mis en place en cette matière. Seules les victimes d’un camp ont à ce jour été prises en charge. Des corrections s’imposent ;
- La réconciliation et la cohésion nationales : Avec l’échec de la CDVR et de la CONARIV, quelles dispositions l’Etat doit-il prendre en vue de favoriser la réconciliation et le retour à la cohésion nationale ?
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