Quel revirement de situation en Côte d’Ivoire ! Le lundi 6 août 2018, veille de la célébration du 58e anniversaire de l’indépendance du pays, alors que l’on s’y attendait le moins, le président Alassane Ouattara a pris la décision d’amnistier la quasi-totalité des détenus politiques et tous ses opposants en exil, poursuivis par la justice ivoirienne.
« Le Père de la Nation, le Président Félix Houphouët-Boigny, disait qu’il n'y a pas de sacrifice trop grand pour la paix. C’est pourquoi, en raison de mon attachement à la paix et à une réconciliation vraie, j'ai procédé, ce lundi 06 août 2018, à la signature d’une ordonnance portant amnistie. Cette amnistie bénéficiera à environ huit cents (800) de nos concitoyens, poursuivis ou condamnés pour des infractions en lien avec la crise postélectorale de 2010, ou des infractions contre la sûreté de l’Etat commises après le 21 mai 2011, date de ma prestation de serment en qualité de Président de la République » déclare Alassane Ouattara.
La nouvelle a surpris plus d’un observateur vu que le président de la république, plusieurs invité à poser cet acte qui décrisperait la situation sociale et donner une chance à la réconciliation nationale d’aboutir, a feint de ne point entre ces appels. Au point où ses alliés, Guillaume Soro en 2017, puis récemment le PDCI, ont décidé d’en faire leur cheval de bataille.
Mais pour beaucoup d’observateurs, ce n’est pas fortuitement que le président Ouattara a pris cette décision. Les récentes critiques à son encontre auront joué dans les décisions qu’il a prises. En effet, ces derniers, le chef de l’Etat a fait l’objet de vives critiques provenant surtout de ses supposés soutiens.
D’abord le Pdci d’Henri Konan Bédié. Après la révocation du maire Pdci, Noel Akossi Benjo, par le pouvoir Ouattara qui l’accuse de mauvaise gestion, révocation intervenue dans un climat de tension entre Alassane Ouattara et Henri Konan Bédié, ce dernier n’a pas hésité d’accuser Ouattara de « dérives autoritaires ». De la part de son aîné Bédié, celui avec qui il a cogéré le pouvoir jusqu’à ces derniers mois, c’était certainement un coup dur.
L’autre critique aussi virulente est venue de l’artiste international Tiken Jah, supposé supporter d’Alassane Ouattara. Il a dénoncé la gestion du chef de l’Etat à plus d’un niveau et l’a accusé de mettre la Côte d’Ivoire en danger. « Je suis déçu du président Ouattara. Il se met en danger et met son pays en danger », a dit Tiken Jah qui a déclaré que Ouattara les trouverait sur son chemin s’il ambitionne de faire un 3e mandat.
Mais le coup de massue est venu de l’Union Européenne. Dans un rapport secret dévoilé la semaine dernière, l’UE aurait dénoncé des « dérives autoritaires et la corruption qui gangrènent le système politique ivoirien » au point de menacer de revoir son aide financière à la Côte d’Ivoire. Ce rapport aurait été rédigé début juillet.
Comme par hasard, c’est lors du premier conseil des ministres de son nouveau gouvernement, le 11 juillet, que le président Ouattara a donné rendez-vous aux Ivoiriens pour leur livrer ses ambitions en faveur de la paix. Il l'a rappelé dans son message à la Nation.
« Mon rôle en tant que Président de la République est aussi d’être continuellement à votre écoute, de trouver les voies et moyens de renforcer la cohésion nationale et de parachever l'oeuvre de réconciliation. A ce propos, j'ai pris bonne note de vos suggestions et de vos attentes (…) C’est pourquoi, j’ai pris le temps de la réflexion. C’est ainsi que j’avais annoncé, le 11 juillet dernier, lors du premier Conseil des Ministres du nouveau Gouvernement, que je vous donnerai des indications précises sur mes ambitions pour rassembler la Nation, à l’occasion de mon adresse de ce 06 août 2018 », avait-il promis.
Dire que cela fait des années que les suggestions et attentes sont exprimées. Cependant, il convient de saluer l’engagement du chef de l’Etat de s’inscrire résolument dans la réconciliation nationale, car rien ne l’obligeait de prendre ces décisions.
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