Abidjan, le 23 mars 2020
Chères sœurs, chers frères,
Chers parents de Côte d’Ivoire
Je vais vous parler aujourd’hui d’un sujet grave.
L’infection à Coronavirus ou COVID-19 est présente dans notre pays avec, à la
date du 22 mars 2020, 25 cas confirmés. Ce nombre risque malheureusement de
croître dans les prochains jours, car l’infection est très contagieuse. Sur une
échelle de 1 à 3, elle a un indice de reproduction estimé entre 2 et 3. Cela
signifie que la transmission du COVID-19 est massive et plus rapide au sein de
la population générale que celle de la grippe saisonnière.
Cette maladie, il faut le savoir, se contracte par
contagion. Lorsque je suis en face d’une personne porteuse du virus, les
gouttelettes de salive qu’elle projette en parlant, en éternuant ou en toussant
peuvent me contaminer. Les objets touchés par une personne porteuse du virus
peuvent me contaminer, si je les touche à mon tour. C’est pourquoi :
o il devient indispensable que je porte un masque qui va me
protéger et protéger mon vis-à-vis contre le virus,
o il est important que je me lave régulièrement les mains
avec de l’eau et du savon plusieurs fois par jour,
o il est important que j’évite tous les gestes de
familiarité et d’affection (serrage des mains, accolades, embrassades) qui
peuvent m’amener à contaminer les autres sans le vouloir, et à me contaminer
sans le chercher,
o il est important que je consulte des médecins si je
présente les symptômes du COVID-19. Il ne faut surtout pas avoir peur de
l’isolement.
Chez tous les patients atteints, on peut observer un
rhume, des maux de gorge, de la fièvre, des maux de tête, une toux sèche et des
difficultés respiratoires graves, pouvant évoluer en pneumonie. Certains
patients, en plus de ces signes, peuvent présenter une fatigue générale, des
douleurs musculaires, ou encore une diarrhée.
Il faut savoir que 85% en moyenne des personnes
contaminées ne feront pas la maladie, mais vont contaminer les autres, si elles
ne respectent pas les consignes. 15% de ces personnes vont tomber malades et
parmi elles, 5% vont faire la maladie sous sa forme grave avec des
complications pulmonaires et même rénales, qui peuvent entrainer la mort. Cette
épidémie n’épargne aucun continent, ni aucune race humaine. Les Africains, les
Noirs, ne sont pas plus résistants contre ce virus que les Chinois et les Italiens.
C’est pourquoi j’invite la population ivoirienne à respecter strictement toutes
les mesures de prévention recommandées par le Gouvernement et les médecins afin
de se protéger et de protéger son entourage.
La lutte contre le Coronavirus est une affaire très
sérieuse. Des dirigeants du monde ont parlé de « guerre contre un ennemi
invisible », et ils ont raison. Donc, ne faisons preuve d’aucune
négligence, ni de désinvolture. C’est chacun d’entre nous qui, par son
engagement au respect scrupuleux des mesures de prévention, contribuera à
freiner la propagation de ce virus dans notre pays, et même à l’éradiquer.
Le Coronavirus n’est pas une fatalité. Nous pouvons le
vaincre, nous devons le vaincre. Pour cela, il nous faut limiter l’implantation
massive du virus sur le territoire national :
- évitons les déplacements personnels en lieux publics
surpeuplés où la promiscuité et les contacts avec les objets souillés
favorisent la transmission du virus (football et autres jeux des enfants dans
les quartiers, cinéma, églises, mosquées, restaurants, maquis, funérailles,
mariage, etc.) ;
- évitons les déplacements, les voyages d’une ville à
l’autre à l’intérieur du pays où nous transportons le virus sans le
vouloir ;
- acceptons la contrainte de l’isolement, voire du
confinement à domicile qui peut devenir nécessaire si l’épidémie s’amplifie.
La discipline a permis à la Chine de terrasser le
virus dans une région de 56 millions d’habitants en l’espace de trois mois.
Nous comptons en Côte d’Ivoire autour de 25 millions d’habitants. Donnons-nous
le défi par la même discipline et les mêmes sacrifices de faire disparaitre
cette maladie chez nous. Retenons-le, les maitres mots de cette victoire sont
discipline personnelle et sacrifice.
Le nombre de morts que nous allons compter dans notre
pays est directement lié au non-respect des mesures de prévention, de
confinement à domicile. L’État, de son côté, a ses propres responsabilités à
assumer. Il se doit de prendre des mesures très fortes et de veiller à leur
application effective parce que lui aussi doit d’abord œuvrer à limiter
l’implantation massive du virus sur le territoire national :
- en fermant effectivement toutes les frontières aériennes,
maritimes et terrestres,
- en appliquant, sans complaisance, les mesures de contrôle
sur place, à ces différentes frontières, pour les personnes autorisées à
rentrer en Côte d’Ivoire,
- en interdisant les déplacements des populations d’une
ville à une autre, d’une région à une autre, à l’intérieur du pays,
- en ayant recours aux personnels de sécurité notamment la
police nationale pour faire observer les mesures d’hygiène et le confinement,
- en ordonnant et en organisant le confinement à domicile
qui pourrait être prolongé si l’épidémie s’amplifie dans le temps. Il faut
rappeler que seul le confinement peut permettre de maintenir éloignées les
personnes les unes des autres, empêcher de la sorte la propagation du
Coronavirus et donc sauver les vies.
Puis l’État doit promouvoir les moyens de dépistage du
COVID-19 par :
- une sensibilisation plus intense de la population sur les
signes de la maladie,
- la formation des personnels de soins du secteur public et
du secteur privé,
- l’implication des agents sociaux (sociologues,
anthropologues, assistants sociaux) d’une part pour éviter toute psychose et
inviter la population à observer les mesures de protection et d’autre part pour
aider la population à organiser la solidarité qui va forcément s’imposer,
- la consultation précoce de toute personne présentant des
signes d’atteinte pulmonaire,
- l’accès facile au diagnostic biologique du COVID-19 à
l’Institut Pasteur d’Adiopodoumé via l’Institut National d’Hygiène Publique
pour le transport des prélèvements (transport médicalisé par ambulance, ou par
drones, ou encore par hélicoptères).
Aussi, l’État doit-il assurer la prise en charge des cas
confirmés :
- en augmentant les capacités d’accueil des centres de prise
en charge. Nous préconisons de:
o transformer l’Institut de la Jeunesse et des Sports en un
véritable hôpital de prise en charge avec au moins une centaine de
respirateurs ;
o de réactiver les structures aménagées préalablement pour
la prise en charge des cas d’Ebola ;
o de créer au moins une dizaine de nouveaux centres de prise
en charge des patients à l’intérieur du pays.
L’État disais-je, doit assurer la prise en charge des
cas confirmés
- en remobilisant les personnels à la retraite
(infectiologues, réanimateurs, internistes, hygiénistes),
- en acquérant rapidement le matériel de soins et de
protection en nombre important (solutés, gel hydroalcoolique, gants, masques,
lunettes protectrices et surblouses à manches longues) pour les personnels de
soins dans l’exercice de leurs fonctions.
- en encourageant les industries pharmaceutiques locales à
repositionner la Chloroquine, afin de mettre ce médicament à la disposition des
praticiens pour le traitement des malades.
Cette maladie n’est pas une fatalité. Ce virus peut
être vaincu, doit être vaincu. C’est vrai que le nombre de cas augmente chaque
jour, mais il nous faut un engagement sincère, résolu, généreux de tout le
monde et de chacun.
Face à cette menace, il est impérieux que le pouvoir
suspende toutes ces réformes impopulaires qu’il a annoncées de faire par
ordonnance ou par promulgation. Il doit également suspendre la réalisation des
Cartes nationales d’Identité (CNI) et les listes électorales jusqu’après la
victoire dans ce combat contre le Coronavirus. De la même façon, la sagesse
conseille d’éviter aujourd’hui des interpellations à relent politique des
leaders d’opinion. Cela éviterait de provoquer, au sein du peuple, un sentiment
d’injustice et de révolte pouvant l’amener à descendre dans les rues pour
protester. Dans un tel scénario, la situation ne ferait que s’aggraver et
maintiendrait la propagation du virus hors de tout contrôle.
Évitons des actes de vanité. Pour appliquer des
réformes, il faut un peuple en vie, un pays vivant ! Il est indispensable
de l’autre côté que le peuple, les associations de la société civile et toute
l’opposition politique acceptent d’observer une trêve en suspendant la
manifestation de leurs colères légitimes jusqu’à ce que la victoire contre le
Coronavirus soit remportée.
Pour aller à des élections transparentes et justes,
il faut que la nation, le peuple et les citoyens soient en vie. Après la
victoire sur ce mal horrible, il sera toujours temps d’organiser toutes les
protestations et d’arracher la justice et l’équité. Dans ces moments difficiles
où l’humanité est en péril, l’union sacrée des filles et des fils de la Côte
d’Ivoire est une nécessité impérieuse. Engageons-nous tous pour affronter cet
ennemi étrange, coriace et sans visage.
Le prophète Esaïe nous dit : « Va, mon
peuple, entre dans tes appartements et ferme tes portes derrière toi !
Caches-toi pour un petit moment, jusqu’à ce que la colère soit passée ».
N’oublions pas les maîtres mots : Discipline,
Sacrifice et au bout, Victoire.
Je voudrais féliciter le personnel de santé et toutes
les personnes mobilisées sur le terrain dans le combat contre le Coronavirus
pour tous les efforts consentis.
Aux malades et à toutes les personnes infectées, je
vous dis toute ma compassion.
Que Dieu vous soutienne ! Que l’Éternel nous
bénisse ! Et que le Seigneur Jésus, ce Dieu qui guérit, nous recouvre tous
de sa grâce.
Fait à Abidjan, le 23 mars 2020
Madame Simone EHIVET GBAGBO
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