Le District d’Abidjan connait-il une recrudescence de la
tuberculose à travers ses différentes communes ? C’est en tout cas le sentiment
qui anime à ce jour, certains abidjanais qui, n’hésitent pas à l’affirmer ici
et là. Aussi bien dans les différents cercles de causeries que sur les réseaux
sociaux. Qu’en est-il réellement ? A cette question essentielle, le directeur
coordonnateur du Programme national de lutte contre la tuberculose (PNLT) Dr
Jacquemin Kouakou répond par la négative. « Nous affirmons qu’il n’y a pas de
recrudescence de la tuberculose. Nous n’avons pas constaté une recrudescence de
la tuberculose sur la base des chiffres de nos registres », rassure-t-il. Et
pour étayer ses propos, il nous recommande d’approcher le service
Suivi-évaluation du PNLT, pour que les chiffres nous soient communiqués. Ce que
nous avons fait. Malheureusement, nous n’avons pas pu les obtenir. Car la
responsable, en l’occurrence Dr Coulibaly Fatou avec qui nous avons échangé
l’après-midi du mardi 4 mai à son service, n’a pu communiquer les statistiques,
à cause dit –elle d’une coupure d’électricité dans leurs locaux toute la
journée du mercredi 5 mai.
Toutefois, sur instruction de Dr Gbitry, responsable du CAT
d’Adjamé, qui se trouve être le plus grand et le plus ancien centre, nous avons
échangé l’après-midi du mardi 4 mai avec Fofana Hossane, le chef de service
adjoint du laboratoire dudit Centre. Il ressort des chiffres à nous communiqués
par ce dernier, que le CAT d’Adjamé a enregistré au 1er trimestre de l’année
2019, 540 cas positifs de tuberculose toutes formes confondues. Pour l’année
2020, ce sont 562 personnes qui ont été infectées par la maladie contre 538
pour l’année 2021. Notre interlocuteur indique que ce sont au total 1 653 cas
positifs qui ont été recensés pour toute l’année 2019. Et 2 011 cas pour 2020.
Selon les commentaires de ce technicien biologiste, il y a
fort à parier que le nombre de personnes infectées connaisse un pic. D’autant
plus que leur service a reçu un appui matériel du PNLT. Qui lui a remis un
appareil dénommé GeneXpert, permettant de diagnostiquer plus de malades. « Le
GeneXpert est plus efficace et performant que le microscope que nous utilisions
jusque-là. Ce nouvel appareil détecte des microbes que le microscope ne peut
pas faire », précise Fofana Hossane. Dr Kouamé Amenan, chef du service
communication du PNLT, révèle en ces termes : « La levée de certaines restrictions
consécutives à l’avènement de la Covid-19 donne de voir que les CAT ont
commencé à être fréquentés. Contrairement à ce que nous avons constaté au plus
fort de la crise sanitaire liée à la Covid-19 ». Le directeur coordonnateur du
PNLT explique que des actions sont en train d’être menées en vue de pouvoir
capter tous les cas en organisant des campagnes actives de dépistage.
Contre la tuberculose et la Covid-19
Un projet de lutte collégiale contre la tuberculose et la
Covid-19 a été initié. « Avec l’avènement de la Covid-19, le bailleur de Fond
mondial de lutte contre le Sida, la tuberculose et le paludisme a mis à
disposition des financements pour renforcer la lutte contre la tuberculose
d’une part et de l’autre contre la Covid-19. Nous avons à cet effet écrit un
projet de lutte collégiale contre ces deux maladies, parce qu’elles partagent
souvent les mêmes signes » , nous apprend le Dr Kouamé Amenan. Il précise que
la toux est un signe clé de la tuberculose. La détresse respiratoire peut être
constatée chez les tuberculeux, mais elle est plus fréquente chez les personnes
infectées par la Covid-19. En tout état de cause, ajoute-t-il, il convient de
savoir que la Covid-19 est aiguë, tandis que la tuberculose est chronique. «
Une personne atteinte de la tuberculose peut vivre un ou deux ans sans
manifester de signes de maladie. Elle peut ainsi ne pas se rende compte qu’elle
fait la maladie bien qu’elle soit contaminée. Elle peut vivre longtemps avec la
tuberculose, tant que son organisme ne lui cause pas de préoccupations du fait
de la maladie. Par contre en ce qui concerne la Covid-19, deux semaines après
la contagion, la personne infectée ressent les symptômes ».
S’agissant du projet collégial, on retient qu’il consistera
à orienter dans un centre de prise en charge de la tuberculose, toute personne
soupçonnée d’avoir la Covid-19, et déclarée négative après le test. Et vice
versa. « C’est une lutte conjointe que nous avons élaborée. Le projet prend
également en compte le VIH car un tiers des personnes qui meurent de la
tuberculose, ont un lien avec le VIH. Si une personne a la tuberculose, on lui
fait son test de VIH », affirme le directeur coordonnateur du PNLT.
Ces lourdeurs qui préoccupent le PNLT
Qu’est ce qui a alors fait croire qu’Abidjan serait en proie
à une recrudescence. Elle pourrait s’expliquer par les nombreuses plaintes des
malades, face aux difficultés qu’ils ont rencontrées à un moment donné, au
niveau de l’accès aux médicaments, avec tous les commentaires qui ont suivi ce
fait. C’est qu’habituellement, cela se faisait tranquillement sans tambour ni
trompette. Mais, suite au désengagement du Fonds mondial de lutte contre la
tuberculose, le sida et le paludisme, survenu en 2019 la lutte contre la
tuberculose en Côte d’Ivoire a pris une autre allure. Le pays a été ainsi
confronté à une rupture de médicaments permettant de traiter les personnes
atteintes de la tuberculose. Dans le courant du premier trimestre de 2021
précisément. Une première dans l’histoire de ce pays d’Afrique de l’ouest. Cette
situation, selon Dr Jacquemin Kouakou, s’explique par les lenteurs qui
entourent le décaissement des fonds devant servir à l’achat des desdits
médicaments. « … Avec l’Etat le processus d’achat des médicaments est long et
compliqué », précise le directeur du PNLT. Il ajoute qu’une telle situation ne
s’était jamais produite pendant tout le temps que le Fonds mondial de lutte
contre le Sida, la tuberculose et le paludisme a financé l’achat des
médicaments. Mais avec son retrait et la prise en main du dossier par l’Etat de
Côte d’Ivoire, la donne a changé. « …Avec les pouvoirs publics, on n’a pas
toujours la liquidité disponible dans les banques. Il faut émettre des
engagements qui sont transmis au Trésor public. Qui a son tour dégage les fonds
en fonction de leur disponibilité. Le Trésor remet dès que possible les moyens
financiers à la Nouvelle pharmacie de la santé publique (NPSP). Qui à son tour
passe les commandes. Le processus d’achat est long et compliqué », précise Dr
Jacquemin Kouakou. Qui s’empresse de signaler par la suite qu’avec « le Fond
mondial…, le processus d’achat des médicaments était plus rapide parce que
l’argent était disponible dans des comptes à tout moment ».
De l’avis du directeur coordonnateur du PNLT, il est important de relever que la rupture du mois de février n’a pas été générale. Elle n’a concerné que 2 Centres antituberculeux (CAT) sur les 6 que compte le district d’Abidjan. De même que quelques CAT de l’intérieur du pays. Bien que le nombre des CAT impactés par cette rupture soit minime, il n’en demeure pas moins qu’il s’en est fallu de peu, pour que tous ces centres tombent en rupture.
En outre, il convient de signaler que l’achat des
médicaments des malades de la tuberculose, n’a pas échappé aux effets
collatéraux de la Covid-19. Lesquels effets se sont traduits par une majoration
des frais de transport des médicaments en provenance de l’Europe. Ces frais
sont passés du simple au double. Comme si cela ne suffisait pas, il a fallu
aussi s’accommoder des délais de livraison, qui se sont rallongés entre temps.
Au moins 8 mois avant de se voir livrer des médicaments pour lesquels l’argent
a été versé.
Sur la base des remarques susmentionnées, Dr Jacquemin
Kouakou propose pour mettre les malades à l’abri de toute rupture, d’anticiper
sur l’achat des médicaments. C’est-à-dire les payer avant épuisement total des
stocks disponibles. « Il faut commander les médicaments très tôt pour donner le
temps aux fournisseurs de les fabriquer, d’organiser le transport, qui du fait
de la Covid-19 est devenu un peu difficile ».
Suite à cette rupture, la Côte d’Ivoires a passé et reçu une
commande qui couvrira 7 mois de traitement des malades. Elle a également passé
une autre commande qui sera livrée dans le courant du mois de juin. Cette autre
commande équivaut aussi à 7 mois de traitement. La question de la commande des
médicaments est de toute évidence liée au nombre de personnes infectées
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