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Côte d’Ivoire / Covid-19 : le confinement, une période de recrudescence des violences basées sur le genre (Enquête)

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Côte d’Ivoire / Covid-19 : le confinement, une période de recrudescence des violences basées sur le genre (Enquête)

De janvier 2020 à juin, 2.352 cas de violences basées sur le genre (VBG) ont été enregistrées, selon des données du ministère ivoirien de la Femme, de la Famille et de l’Enfant. Il s’agit de violences physique, psychologique, verbale, sexuelle, dont une année plus tôt, en 2019, étaient de l’ordre de plus 3000 cas au nombre desquels quatre décès.

D’après le rapport du Secrétaire général 2020 de ONUFEMMES, les restrictions en matière de déplacements, l’isolement social et l’insécurité économique augmentent la vulnérabilité des femmes du monde entier face à la violence subie chez elles. A l’occasion de la célébration de la journée pour l’élimination des violences contre les femmes, le 25 novembre 2020, les organisations féminines de défense des droits de la femme sont montées au créneau, car au-delà des chiffres, ce sont des situations inacceptables, des atteintes à la dignité et à l’égalité entre les hommes et les femmes que rapportent ces organisations surtout en période de confinement dû à la maladie à coronavirus ou Covid-19.

Des cas de violences répertoriés par des organisations de la société civile et des organismes étatiques

La présidente de l’Ong vivre sans violence, Nathalie Kouakou

L’ONG Vivre sans violence a commandité une étude auprès du centre de recherche et de formation sur le développement intégré (CREFDI) qui représente Afro baromètre en Côte d’Ivoire. Cette étude révèle un fort taux de violences basées sur le genre de l’ordre de 60,42 % en période de Covid-19 de mi-mars 2020 à juillet 2020 comparativement à la période de janvier à mi-mars 2020 et août 2020, selon la présidente de cette ONG, Kra Nathalie Kouakou, affirmant que ce taux montre l’effet négatif des restrictions liées à la Covid-19 sur le nombre de VBG, en d’autres termes, « il existe pour l’étude, une corrélation positive entre ces restrictions et l’accroissement des VBG », précise–t-elle. Les victimes sont des femmes adultes avec un taux 56% et les filles mineures 44%. Ces femmes, selon l’étude sont majoritairement des célibataires à 58% ou des femmes de conditions économiques modestes.

La présidente de l’Association internationale de lutte contre la violence (AIV), Carine Assamoi, soutient pour sa part que les plaintes reçues pendant le confinement concernent les femmes d’abord et ensuite les filles mais aussi quelques hommes. Au niveau des hommes, les victimes subissent en général des violences psychologiques notamment des injures, des humiliations et des critiques constantes.

Des données du ministère de la Femme, de la Famille et de l’Enfant, révèlent également qu’en Côte d’Ivoire, 3.157 personnes survivantes de violences basées sur le genre (VBG) ont été prises en charge par les plateformes de VBG dont 2.674 femmes et filles, 55 % des cas de viol pris en charge dans un délai de 72 heures, 85 % des alertes de mariages forcés et 56 % des alertes de mutilations génitales féminines gérées avec succès.

Une récente étude réalisée par le Réseau des Hommes engagés pour l’égalité de genre en Côte d’Ivoire (RHEEG-CI) qui s’est déroulée dans cinq grandes régions de la Côte d’Ivoire à savoir le Gbêkè (Bouaké), le Poro (Korhogo), le Tonkpi (Man), le Gontougo (Bondoukou) et le District Autonome d’Abidjan révèle que les violences les plus fréquentes sont les agressions physiques (48%) et les viols (36%), suivies des agressions sexuelles (12%). Elles se produisent la majeure partie du temps chez l’agresseur ou le survivant et plutôt en soirée ou pendant la nuit sauf dans le cas des agressions physiques qui se produisent à tout moment de la journée, rapporte un sociologue, Coulibaly Pélibien Ghislain.

Les causes des violences sont la consommation de stupéfiants, l’alcool et la drogue, les croyances religieuses et traditionnelles, la légèreté de l’habillement des filles, les jalousies, le manque de respect de la femme et les facteurs sociaux et culturels, l’absence de soutien institutionnel de la police et de la justice, l’impunité, l’ignorance des droits des femmes, la méconnaissance des procédures de prise en charge, la pauvreté et la démission des parents dans l’éducation des filles et la perte d’emploi ou chômage des parents.

Témoignages de victimes….

Une dame en situation de handicap, K. R., en service dans un ministère, à Abidjan, dit avoir été violemment battue et victime de tentative d’étranglement par son conjoint pendant le confinement, à la suite d’un appel téléphonique de celui-ci lorsqu’elle a décroché le téléphone.

Elle raconte avoir constaté que lorsqu’il reçoit des appels, son conjoint se retire dans un coin de leur résidence en chuchotant, « j’espère que tu ne me trompes pas, je n’en peux plus d’être à la maison. Que ce confinement finisse vite ». A Bouaké, vendredi 4 décembre 2020, une femme âgée 70 ans qui dormait dans sa chambre a été violée par son neveu qui s’est enfui par la suite, a révélé la présidente de la Ligue ivoirienne des droits des femmes, Meganne Boho, lors des 16 jours d’activisme de la lutte contre les violences faites aux femmes. A Yopougon, une femme qui subissait constamment des violences de son homme en présence de ses beaux-parents a dû dissimuler une machette sous le matelas, dans la chambre conjugale, pour se défendre en cas de violence surtout qu’elle craignait que l’homme ne la tue. L’œil tuméfié, elle n’ose pas dénoncer ni divorcer son bourreau. Une autre femme a failli être brûlée vive à Yopougon par son mari à la suite d’une altercation. Elle a eu la vie sauve parce qu’elle a porté plainte dans un commissariat. Aujourd’hui, la victime se trouve avec ses enfants. Elle a trouvé un endroit où s’abriter et a repris ses activités. Le conjoint pour sa part n’a plus le courage de l’approcher, selon la présidente de l’Association internationale de lutte contre la violence.

De nombreuses conséquences

La présidente de l’Association internationale de lutte contre la violence (AIV), Carine Assamoi.

Beaucoup de femmes travaillant dans le secteur informel n’ont pas pu mener leurs activités quotidiennes. Les revenus qu’elles engrangeaient avant la période de Covid-19 servaient à couvrir les charges du foyer. Mais, avec l’avènement de la pandémie, certaines femmes ont utilisé leurs fonds de commerce pour soutenir le conjoint. Carine Assamoi explique que durant la Covid-19, beaucoup de cas de VBG ont été constatés dans les quartiers de Yopougon et de Cocody. Elle affirme que beaucoup de femmes sont venues à leur siège pour expliquer les violences qu’elles subissaient.

« Pour certaines, ce sont des problèmes latents qui ont traîné sur le long terme et que la situation du Covid-19 est venue aggraver », a précisé Carine Assamoi. Elle affirme que certaines femmes ont été abandonnées par leurs époux et elles n’avaient plus les moyens pour subvenir aux besoins des enfants et ont dû mener des actions judiciaires pour forcer l’époux à assumer ses responsabilités.

Plusieurs actions menées pendant le confinement pour sauver des victimes

Des activités de sensibilisation ont été menées dans différentes communes d’Abidjan dans l’optique d’amener les victimes à ne plus se taire et à leur montrer les recours qui existent. Le numéro vert du ministère de la Femme a été mis à la disposition des victimes. Des commissariats et des plateformes genres ont été mis en place pendant le confinement pour permettre aux victimes de dénoncer leurs bourreaux.

La sensibilisation a consisté à passer sur les antennes de différentes radios de proximité. « On a été reçu dans plusieurs radio à Yopougon comme à Cocody. On débattait des sujets comme : comment reconnaitre le conjoint violent, comment se manifeste la violence conjugale et qu’elles sont les recours judiciaires », a indiqué Carine Assamoi. De petites vidéos sur les scènes conjugales ont été balancées sur la page Facebook de l’ONG et sur les sites d’ONG sœurs dans la lutte contre les violences pour attirer l’attention des victimes. « Après ces campagnes on recevait régulièrement des appels de victimes », révèle-t-elle.

Des pesanteurs culturelles et religieuses qui imposent le silence aux victimes

Pasteur Agnero

La présidente nationale des femmes de la confédération des Eglise de Côte d’Ivoire, Pasteur Rose Agnéro, estime que les femmes sont souvent victimes de violences mais n’osent s’exprimer parce qu’elles obéissent aux enseignements chrétiens qu’on leur prodigue.

“A l’Eglise, la femme doit être soumise à son mari et l’homme se croit permis de battre la femme. Lorsque la femme veut porter plaindre, les hommes de Dieu leur disent : dans la bible Sara appelait son mari mon Seigneur et elle s’abaissait et par conséquent, la femme doit s’abaisser”, a confié la femme de Dieu lors d’un atelier sur les VBG. Elle témoigne que pendant la pandémie du coronavirus, l’une de ses filles spirituelle a fui son foyer pendant un temps parce que son mari la battait constamment lorsqu’elle voulait défendre son opinion ou le contredire. Le couple était à la maison, à ne rien à faire. De même, dans la religion musulmane, l’on apprend aux femmes à se taire, à ne pas hausser le ton, et quand la femme n’obéit pas, elle est battue, un état de fait qui est dû à la méconnaissance des textes bibliques et coraniques.

Des solutions pour éviter les violences

Une juriste, consultant à ONU Femmes, Sylvia Papa, qui intervient dans le domaine des violences faites aux femmes et aux filles, a indiqué lors de la présentation du film « Résolution sur la violence faite aux femmes », que de plus en plus, la femme dépend de son bourreau et par conséquent, ONU Femmes a mis en place un programme d’autonomisation économique à l’endroit des femmes défavorisées qui subissent des violences conjugales.

Elle ajoute qu’un programme particulier de cette structure spécialisée de l’ONU a été mis en place pour aider les femmes à développer des activités génératrices de revenus afin de réhabiliter leur dignité. Le volet autonomisation politique a été également mis en œuvre et a permis d’aider les femmes à développer leur leadership afin qu’elles se retrouvent dans les instances de décision, révèle Sylvia Papa. Par ailleurs, elle a salué les efforts du gouvernement qui ont contribué à améliorer le corpus législatif sur les violences. « Dans les textes de lois, le viol n’était pas défini mais aujourd’hui, on a des définitions ».

Le gouvernement devra accorder la priorité à l’autonomisation économique des femmes et filles afin de réduire leur dépendance économique et leur vulnérabilité face aux hommes tout en accordant une attention accrue à l’allocation de ressources et à l’appui psychologique et clinique des services de santé, a suggéré l’expert Coulibaly.

De nombreux efforts devraient être déployés pour mettre sur pied des programmes afin d’aider les hommes et les garçons à avoir un comportement positif à l’égard des femmes et filles, à avoir une bonne santé sexuelle et reproductive. Toutefois, des défis persistent qui demandent une synergie d’action des autorités politiques, administratives, religieuses et des leaders communautaires de ce pays.

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