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Société

Droit de l'Homme: Côte d’Ivoire, terre d’Hospitalité, terre d’Apatrides!

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Selon les chiffres des Nations Unies, il y a dix (10) millions d’apatrides dans le monde. C’est à-à-dire dix millions de personnes qui n’ont pas de pays ou du moins qu’aucun pays dans ce monde ne reconnaît comme son citoyen, donc qui n’ont aucune nationalité. Sur cette population, l’Afrique de l’ouest en compte un (1) million. Et sur ce million de personnes frappées d’apatridie, la Côte d’Ivoire à elle seule enregistre sept cent (700) mille, soit 70% de cette population.

Ce chiffre, qui encore brandit aujourd’hui, date de 2013, au moment où la Côte d’Ivoire signait son adhésion aux conventions internationales sur l'apatridie. Bien évidemment, il ne reflète pas la réalité, rien qu’au regard de nouvelles naissances qui ont pu être enregistrées, de l’arrivée de nouveaux migrants et de réfugiés, etc.

Le nombre très élevé d’apatrides en Côte d’Ivoire est alarmant et interpelle. Comment la Côte d’Ivoire, pays de l’hospitalité dont elle se vante, même dans son hymne national, peut-elle regorger tant de personnes à qui elle ne reconnaît aucun droit ? Comment ce pays magnifié pour son hospitalité peut-il être le pays à fort taux d’apatrides ou de personnes à risque d’apatridie dans la sous-région ouest-africaine? Ce sont là les questions que suscitent le taux trop élevé d’apatrides dans le pays du père fondateur Houphouët Boigny.

La première réponse vient tout naturellement du fait de la grande hospitalité de la Côte d’Ivoire. Selon les chiffres du Recensement général de la population et de l’habitat (Rghp) en 2014 réalisé par l’Institut national de la statistique (INS), à la date médiane du 15 mai 2014, la population résidente en Côte d’Ivoire est de 22 671 331 habitants. Parmi cette population dite population de droit, le nombre de non-nationaux ou d’étrangers s’élève à 5 490 222 personnes, soit 24,2%. Un chiffre qui n’est pas très loin des recensements précédents. Car l’INS écrit : « la proportion de la population non-ivoirienne semble se stabiliser autour d’un-quart de la population totale avec des proportions respectives de 22 % en 1975, 28 % en 1988, 26 % en 1998 et 24 % en 2014.

Au milieu de cette population non-nationale, se trouve les réfugiés et les apatrides ou personnes à risque d’apatridie. C’est pourquoi Mohamed Askia Touré, le représentant du HCR en Côte d’Ivoire, n’a de cesse d’exprimer sa gratitude à la Côte d’Ivoire qui, depuis son premier président Félix Houphouët Boigny, a toujours ouvert ses bras et bien accueilli les réfugiés. « C’est le seul pays où les réfugiés ne sont pas parqués dans des camps mais sont intégrés dans la communauté », aime-t-il à le relever.

Pour parler facteurs de l’apatridie et des personnes à risque d’apatridie en Côte d’Ivoire, il y a plusieurs en plusieurs. Ils prennent leur source, surtout dans le temps précolonial et colonial, avec des enfants nés de femmes ‘’ivoiriennes’’ enceintées par des colons blancs qui n’ont jamais reconnu les enfants (enfants métis), l’arrivée des ressortissants de la sous-région pour servir de main d’œuvre dans la réalisation des travaux telle que la voie ferrée. On a également les réfugiés et autres migrants, les enfants abandonnés recueillis dans des orphelinats, les nombreux enfants non déclarés à l’état civil. Le tout aggravé par une législation qui exclut. Ces causes ne sont pas exhaustives.

La situation des apatrides sur son sol, la Côte d’Ivoire en est consciente et elle fait des efforts pour y remédier. Lors de la 68e session du comité exécutif du Unhcr, lundi 02 octobre 2017, à Genève (Suisse), la ministre ivoirienne Mariatou Koné a indiqué que 15000 apatrides en Côte d’Ivoire ont été délivrées de l’apatridie, de ce mal avilissant. Ces apatrides ont obtenu la nationalité ivoirienne, grâce à la loi sur l’identification des personnes victimes d’apatridie.

Le mercredi 1er avril 2015, l’ex-ministre de la Justice, Gnenema Mamadou Coulibaly a procédé à une remise solennelle de certificat de nationalité à six personnes, apatrides y compris, qui leur permettait de faire valoir leur identité et jouir de leurs droits de citoyen. Lors de cette remise, l’ex-garde des Sceaux a indiqué que cent (100) mille demandeurs ont leurs dossiers devant les juridictions. En deux ans, seulement 15 mille personnes satisfaites. L’écart entre les pétitionnaires et les bénéficiaires montre que beaucoup de travail reste à faire.

Au niveau des enfants sans extraits de naissance, l’on parle de trois (3) millions d’enfants en Côte d’Ivoire qui n’ont jamais été déclarés à l’état civil. Le vendredi 12 mai 2017,  le gouvernement, dans le cadre d’un projet avec l’Unicef d’un montant de 1,8 milliards a lancé une opération de délivrance d’extraits de naissance aux 1.165.235 élèves du primaire qui n’ont jamais été déclarés à l’Etat civil.  

Au regard de ce résultat pour beaucoup d’efforts fournis, l’on peut considérer que le problème reste entier. Ce, parce qu’à la base, il est mal géré.

Dans un pays où la question de la nationalité a été cause de la grave crise qui provoque la fracture encore aujourd’hui de la population entre deux grands blocs, les différents pouvoirs n’osent réellement franchir le pas de la liberté. On avance avec prudence et précaution pour ne pas donner l’impression de vouloir brader la nationalité. Surtout le pouvoir actuel d’Alassane Ouattara, le président ivoirien qui fut victime de cette question d’apatridie. Jusqu’en 2015, son éligibilité à la tête du pays posait problème à cause de cette question de nationalité. Quand, au cours de son premier mandat, le président Ouattara a osé s’engager dans la lutte contre l’apatridie et fait toiletter les textes relatifs au droit de la nationalité ivoirienne, ses opposants politiques et une frange de la population le soupçonnaient de vouloir brader la nationalité ivoirienne et de préparer un « bétail électoral » pour sa réélection à la présidentielle de 2015. Malgré que les nouveaux textes sur la nationalité indiquent que les nouveaux naturalisés ivoiriens ne peuvent voter que 5 ans après leur naturalisation.

Or il faut franchir le pas qui va à jamais libérer les Ivoiriens. Même les plus sceptiques, qui ne trouvent pourtant pas de mauvais œil que leurs parents ivoiriens, résidant en Occident (en France et aux Etats-Unis par exemple), ou les enfants de ces derniers nés dans ces pays, n’obtiennent la nationalité de ces pays. Une nationalité obtenue d’office pour les seconds grâce aux lois en vigueur dans ces pays, lois qui émanent de la volonté des hommes. Ce qui veut dire qu’en Côte d’Ivoire, on peut le faire. D’autant plus que cela ne coûte vraiment à l’Etat. Pas de salaire pour les chômeurs, pas d’allocations familiales, etc, comme dans ces pays occidentaux cités plus haut. L’Evangile enseigne que « Ce que vous voulez que les autres fassent pour vous, faites de même pour eux ».

En l’état actuel des choses, si les apatrides souffrent de leur non reconnaissance, l’Etat ivoirien souffre de son côté du manque de contribution de ces personnes au développement économique du pays. Il abrite des personnes qui occupent ‘’inutilement’’ son sol, jouissent gratuitement de ses réalisations et de ses biens (Infrastructures, école eau, courant, routes, pétrole), parfois de façon frauduleuse et sont obligées d’exercer dans l’informel, puisqu’elles ne peuvent pas ouvrir des entreprises légales, ne peuvent pas payer normalement les impôts et autres taxes, ne peuvent pas avoir des compteurs d’eau, de courant,  ne peuvent se bancariser, parce que sans document administratif. Leurs enfants, alors qu’ils doivent aller à l’école, selon que l’école est désormais obligatoire en Côte d’Ivoire, se verront obligés d’aller au champ, d’être des orpailleurs clandestins, des apprentis, s’ils ne deviennent des gangsters pour mettre en danger la vie des citoyens ‘’originaux’’.

Pour obtenir la nationalité ivoirienne, les nouveaux textes disent qu’il faut, pour l’étranger adulte, avoir sa résidence habituelle en Côte d’Ivoire et pendant les cinq années qui précèdent le dépôt de sa demande (Art 25 et 26). Le délai est réduit à deux ans pour « l’étranger né en Côte d’Ivoire et qui a rendu des services importants à la Côte d’Ivoire tel que l’apport de talents artistiques, scientifiques, ou littéraires distingués, l’introduction d’industries ou d’inventions utiles (Art 27).

Il est clair que beaucoup des apatrides sont loin d’avoir contribué au bien de la Côte d’Ivoire tel que défini par le législateur, mais force est de reconnaître qu’ils y ont apporté et apportent encore un plus à la Côte d’Ivoire, fussent-ils dans l’informel, ne serait-ce que par le travail de la terre et autres activités. Car pour ce qui est des premières conditions, certains des apatrides ont vécu l’indépendance de la Côte d’Ivoire et n’ont eu d’autre pays que la Côte d’Ivoire.

Au moment où la Côte d’Ivoire s’active pour résoudre tous les problèmes liés à l’identité, le séjour sur son sol et l’immigration dans ce pays, l’heure n’est-elle venue de penser à résoudre aussi une bonne fois pour toutes, le problème de l’apatridie ? Pourquoi ne pas recenser jusque sur une période X, les personnes apatrides ou à risque d’apatridie et leur octroyer la nationalité ivoirienne, ce précieux sésame qu’il leur faut pour se sentir des êtres humains. Sinon trouver une solution intermédiaire en octroyant à ces individus une carte d’identité spéciale comme cela est fait pour les réfugiés ? Ce pas, il faut oser le franchir, tous y gagneront. Car en ce moment, si les apatrides pleurent de leur situation, la Côte d’Ivoire n’en tire aucun bénéfice de la situation, elle non plus. 

 

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