Entretien/ Le Père Guy KOUTOUAN à propos des évangélisations : ‘’ça ne convertit pas les chrétiens’’

Ce Vendredi 16 Juin, l’Eglise Catholique commémore la Journée du Sacré-Cœur de Jésus. Et à l’occasion de cette célébration, le Père Guy-KOUTOUAN, Modérateur de la Diaconie de la Sainte Famille de Nazareth de la Communauté Mère du Divin Amour, de retour d’une mission au Vatican, déplore dans cet entretien, la condition des chrétiens qui restent éloignés du Sacré-Cœur de Jésus en dépit des nombreuses campagnes d’évangélisations et autres temps de prière organisées par les communautés charismatiques.
Raoul MOBIO : Bonjour mon Père, vous pouvez vous présenter ?
Père Guy-KOUTOUAN : Bonjour. Moi, c’est le Père Guy-KOUTOUAN, Modérateur de la Diaconie de la Sainte Famille de la Communauté Mère du Divin Amour(CMDA).
R.M : OK. Alors, vous venez d’organiser un évènement capital, la deuxième édition des Journées du Sacré-Cœur. Qu’est ce qui peut motiver votre apostolat à attirer les chrétiens vers ce concept, cette notion de Sacré-Cœur ?
P.G.K : D’abord, il faut dire que c’est l’expression de la spiritualité d’un apostolat qu’on appelle la Diaconie de la sainte famille de Nazareth qui a une mission de compassion et de miséricorde vis-à-vis des familles. Alors, c’est dans ce cadre-là que ces journées du Sacré-Cœur ont été organisées pour que les chrétiens puissent avoir une relation plus intime avec Jésus-Christ et qu’ils puissent faire l’expérience d’une transformation profonde. Nous avons noté qu’aujourd’hui il y’a beaucoup de personnes qui viennent à l’église, qui vont dans des campagnes d’évangélisation, qui participent même à des retraites. Mais nous ne voyons pas encore l’impact dans le quotidien. On se dit donc qu’il doit avoir un problème. Alors on ramène les chrétiens à une spiritualité intérieure qui modèle la vie.
R.M : Et c’est justement pour vous ce qui manque à l’église aujourd’hui pour qu’elle tienne le rôle que le Christ voudrait qu’elle joue dans la société…
PGK : Oui, oui, moi  c’est ce que je remarque.  Parce que je veux dire, avec toutes les missions que nous faisons, avec toutes les campagnes d’évangélisation, le nombre de communautés que nous avons que ce soit les communautés nouvelles ou les communautés classiques, l’impact laisse à désirer.
R.M : Pourquoi ? Lors des messes, les messages ne sont pas très bien perçus, ou bien quelque part la faute est peut-être en amont, au niveau du clergé par exemple ?
PGK : Eeuh, je dirais que chaque entité de l’église a sa part de responsabilité dans cette affaire. C’est-à-dire le clergé lui-même doit peut-être revoir au niveau de l’évangélisation sa manière de faire. Il y’a un travail à faire au niveau du clergé. Et le message que nous véhiculons, il faudrait que cela touche à la racine du cœur de l’homme. Sinon, on aura au niveau de nos missions comme du vernissage, c’est-à-dire des gens qui vont porter le nom de ‘’chrétien’’ mais dont la vie n’a rien à avoir avec ce que le Christ demande.  Et puis, deuxièmement, au niveau du peuple de Dieu, mais recentré. Parce que ce que nous constatons aujourd’hui, on a tendance à voir que…
R.M : Les gens veulent voir beaucoup d’actions au fait ?
PGK : Voilà, on est beaucoup plus porté vers le sensationnel. On recherche la guérison, on recherche les déblocages, ce n’est pas mauvais, on a des besoins légitimes qu’on voudrait voir le Seigneur résoudre mais on court plus vers les bénédictions de Dieu plutôt que de courir vers le seigneur lui-même qui est la source des bénédictions.
R.M : Je voudrais quand même vous demander ceci : est ce qu’il y’a cet échange-là entre le clergé et les charismatiques, c’est-à-dire, est ce que vous en tant qu’encadreurs vous venez vers eux, vs leur faites comprendre ce qu’il faut puisqu’on remarque qu’au cours de ces campagnes justement, il y’a beaucoup de prêtres qui y participent. Est-ce qu’après les campagnes vous leur donnez l’encadrement nécessaire pour qu’au niveau du peuple de Dieu cela se ressente ?
PGK : Il faut dire qu’en matière d’orientation spirituelle, nous essayons, au travers de certaines rencontres que nous avons avec les leaders charismatiques et même des leaders religieux de leur demander de réorienter un peu leurs missions. Au niveau de la CMDA par exemple, on a des rencontres au cours desquels nous leur demandons de faire attention aux messages qu’ils donnent de sorte que le peuple de Dieu soit centré sur l’essentiel…
R.M : Sur la sanctification
PGK : Sur la sanctification. Mais je sais que ce n’est pas toujours le cas, ne serait-ce qu’à voir la communication qui est faite autour des campagnes d’évangélisation, faites attention aux thèmes sur les affiches…
R.M : Le message ne semble pas passer…
PGK : Voilà, les messages sont orientés sur la bénédiction mais ça ne touche pas la conversion profonde des personnes. Maintenant en ce qui concerne le Clergé, on trouve des espaces pour parler avec eux mais ils ne viennent pas. Or, là, c’est le cadre pour nous pour échanger avec eux, pour leur dire comment nous voyons les choses pour qu’on voie que faire, pour que l’impact du christianisme soit réel en Côte d’ivoire.
RM : ça laisse à désirer…Alors un an après l’organisation de la première édition des journées du Sacré-Cœur, est ce que vous pensez que quelque part il y’a quelque chose de positif que ces journées-là ont apporté au corps du Christ en général un an après…
PGK : Alors je retiens quand même que par rapport à l’an dernier, par la suite, beaucoup de personnes se sont manifesté pour qu’on aille faire des intronisations dans leurs familles.
RM : On peut avoir une idée du nombre de familles ?
PGK : Ah, elles sont nombreuses. Nous-mêmes on a été débordé, on n’a pas pu faire les intronisations chez toutes les personnes qui les ont demandées Parce que nous-mêmes on n’était pas très nombreux. Nous sommes en train de nous organise pour qu’on puisse faire de plus en plus d’intronisations et qu’il y’ait une pastorale de proximité, Vous voyez quand on part dans les familles les rencontrer, leur proposer l’intimité avec Jésus, on voit que l’impact est plus porteur que lorsqu’on fait les rassemblements de masse. Parce que dans les rassemblements de masse, il y’a une sorte d’anonymat qui fait que les gens ne sont pas rejoints dans leurs vies profondes alors que dans les rencontres de familles, dans les écoutes que nous faisons de façon individuelle, on sent que il y’a quelque chose de profond qui est fait et que la conversion a  tendance à aller jusqu’à la racine.
R.M : Alors au terme de notre entretien, on peut dire que le chemin à parcourir est encore très long et on se demande quand est ce que la cote d’ivoire va entrer dans le sacré cœur de Jésus. Avec les veillées que vous organisez chaque premier vendredi du mois, au fur et à mesure cela peut enraciner la chose dans l’église ?
PGK : Oui, c’est vrai ce que nous faisons c’est comme une goutte d’eau dans la mer, mais nous allons mettre en place des stratégies pour que le message du Sacré-cœur soit véhiculé. Même au niveau des Paroisses et que l’évangélisation de proximité soit faite, ça nous y tenons…
R.M : Peut-être en vous alliant aux communautés nouvelles, avoir une place dans leurs rencontres ?
PGK : Oui, c’est vrai qu’on a des rencontres mais il faut qu’on puisse introduire cela pour que les choses soient distillées à petite goutte mais moi je reste encore sur ma faim. Parce que ce que je vois, ça ne me satisfait pas. Quand quelqu’un est imprégné de valeurs évangéliques, ça se voit…
RM : Merci mon Père et que Dieu vous aide
PGK : Amen
Entretien réalisé par Raoul MOBIO