La situation des plages africaines, notamment celles de la Côte d'Ivoire, préoccupe de plus en plus, si l'on s'en tient à la dégradation des côtes liée aux impacts du changement climatique. Le Centre anti-pollution (Ciapol), dans sa mission de veille environnementale, a interpellé sur les conséquences socio-économiques. « Le littoral ivoirien et les plages d'Abidjan sont très menacés.
Si la Côte d’Ivoire ne prend pas des décisions robustes d’ici à 20 et 30 ans, on sera un des pays les plus pauvres du monde », a prévenu le sous-directeur du Ciapol, Pr Ossey Bernard Yapo, au cours d'un entretien accordé à L'inter, vendredi 13 juillet 2018, dans ses bureaux à Abidjan-Plateau.
Les impacts s'accentuent chaque année. Pr Ossey Bernard Yapo a cité quelques exemples. Il dira qu'à Port-Bouët, il y a eu des écoulements qui remontent à quelques années. A Mondoukou (Grand-Bassam), un petit hôtel qui était situé en bordure en 2013 a été englouti par la mer en 2009. Dans la ville de Grand-Bassam, le cimetière et une partie du quartier air France 3 sont engloutis par la mer. Les localités de Lahou-Kpanda (Grand-Lahou), Assinie (dans le Sud-Comoé), Azzuretti (Grand-Bassam) subissent également la pression des vagues de la mer. « Des plages sont appelées à disparaître et c’est un réel problème. Des villes, notamment Grand-Bassam vont disparaître. Même l’aéroport d’Abidjan est sur la liste parce qu'il n’est pas loin de la mer. Il n’y a que la bande de terre et le goudron qui séparent cet édifice aéroportuaire de la mer », s'inquiète Pr Ossey.
Destruction des mangroves et cocoteraies, danger !
Il faut rappeler que le littoral ivoirien couvre une superficie de 23 253 km2 soit 7 % du territoire ivoirien, avec un cordon de 566 km. Malheureusement, a déploré le sous-directeur du Ciapol, la destruction des mangroves et des cocotiers a fragilisé ce cordon de protection, qui sert de barrière naturelle. Cette destruction est un danger pour la consolidation des côtes. Selon l'expert-consultant en environnement, des études révèlent que la Côte d'Ivoire perd en moyenne 1 à 3 mètres par an du littoral. Dans 10 ans, on aura perdu 10 mètres puisque la houle (la pression des vagues) augmente chaque année. Plus les vagues sont grosses, plus les baïnes sont dangereuses. Cela à cause du changement climatique. « Il s'agit d'un phénomène naturel, on n'y peut rien. Chaque année, les vagues deviennent plus violentes et les tempêtes plus sévères. Elles emportent rapidement le substrat des côtes, fragilisent la consolidation du milieu et accélèrent le processus de dégradation », a mentionné Pr Ossey.
Les effets du changement climatique menacent toujours davantage le mode de vie des habitants. Les éboulements interviennent de façon imprévisible et les bandes de sable tendent à disparaître d’année en année. La mer, de plus en plus, se rapproche des habitations et emporte par endroits les maisons de fortune. La montée de l’eau et la salinité, les infiltrations des déchets de défécation fréquemment stagnantes au niveau de l’écosystème marin, pénètrent les terres fermes et les nappes phréatiques.
L'action humaine est aussi une des causes. Les estimations de l'Organisation des Nations Unies (Onu) annoncent 1,2 milliard d'habitants supplémentaires que devrait compter l'Afrique subsaharienne d'ici à 2050 et que les deux tiers (2/3) seront des urbains. En Côte d'Ivoire, par exemple, des gens viennent et construisent sur le littoral. « Or une fondation de près de 2 mètres à 3 mètres fragilise le socle. Les vagues inondent facilement, emportent rapidement le substrat et accélèrent le processus de dégradation », a sensibilisé l'expert du Ciapol.
Sauver les plages contre les pollutions
La salubrité des côtes est aussi déplorable. « Les plages sont sales. Tous les déchets rejetés dans nos plages se décomposent, fournissent et enrichissent le milieu en micro-organismes (bactéries, virus, etc.), dont certains sont responsables de maladies infectieuses et font que la baignade à la plage est compromise », a expliqué le sous-directeur du Ciapol. Pr Ossey Bernard Yapo a ajouté que des défécations à l’air libre dans les sols sablonneux contaminent les sous-sols. Avec la montée des vagues, cette contamination infecte les eaux des nappes et les puits situés à proximité de l’océan et des bordures des plages. Aussi, les pêcheurs, en tirant leurs filets de pêche à même les rivages, aggravent la contamination des produits de pêche. Rappelons que le dernier rapport du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec) indique que la consommation d’énergie des zones urbaines en Afrique subsaharienne est aujourd’hui responsable de 64 % à 74 % des émissions de CO2 de la région.
Si les villes d’Afrique sont en partie responsables du changement climatique du fait d’activités émettrices de gaz à effet de serre, elles sont aussi victimes de phénomènes climatiques dévastateurs : inondations, cyclones ou encore périodes de sécheresse. La priorité des villes d’Afrique subsaharienne pour la prochaine décennie doit donc être autant la réduction de leur vulnérabilité aux effets du changement climatique que son atténuation : près d’une quinzaine de villes de plus d’un million d’habitants (Dakar, Abidjan, Accra, Lagos, Douala, Durban, etc.) sont situées en zone côtière, exposées à la montée du niveau de la mer.
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