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Société

Défenses des droits des femmes handicapées/Kouassi Kouadio Alfred, membre du Cndh: "Les victimes doivent recourir à la justice"

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Les violences basées sur le genre, notamment sur les femmes handicapées prennent une proportion de plus en plus inquiétante. Face à l'ampleur du phénomène, l'expert du Conseil national des droits de l'Homme exhorte les victimes à recourir à la justice pour la défense de leurs droits.
Une étude d’ONU Femmes publiée en 2024 sur les femmes en situation de handicap, en Côte d’Ivoire indique qu’en 2021, sur les 6040 cas de violences basées sur le genre, 147 concernent les personnes en situation de handicap. Quelles sont les raisons de ces violences?

Les raisons sont multiples et variées. En Côte d’Ivoire, on déplore effectivement, comme le Rapport de l’Onu Femmes le signale, de nombreux cas de Violences basées sur le genre (Vbg), en général et sur les personnes handicapées dont les femmes, en particulier. Leur vulnérabilité se situe à deux niveaux : leur statut de femmes (elles sont considérées à tort ou à raison comme faibles) et surtout leur handicap. Du fait que ces personnes sont sans défense à cause de leur état, des gens en profitent pour leur faire subir toutes sortes de brimades ou de violences. Les victimes subissent très souvent le martyr, soit parce qu’elles n’ont pas de force physique pour se défendre, soit elles connaissent peu ou pas du tout leur droit à porter plainte contre leurs agresseurs. Ou simplement, elles craignent de ne pas être écoutées, étant donné qu’on les considère ou les traite souvent de moins que rien. On entend par personnes handicapées, des gens qui présentent des incapacités physiques, mentales, intellectuelles ou sensorielles durables, dont l’interaction avec diverses barrières peut faire obstacle à leur pleine et effective participation à la société sur la base de l’égalité avec les autres.

Quelles sont les conséquences des violences sur ces personnes en situation de handicap ?

Les violences, notamment sexuelles sur ces femmes handicapées, aboutissent parfois à des cas de grossesses. Face à cette situation et pour ne pas être la risée du voisinage, les auteurs de ces grossesses, n’hésitent pas à ôter la vie à leurs victimes. En 2018, un drame survenu dans le département de Daloa, interpelle la conscience humaine. En effet, après avoir engrossé une femme handicapée et voyant la grossesse évoluer, l’auteur qui ne voulait pas assumer ses responsabilités, s’est simplement saisi d’une arme à feu pour abattre à bout-portant la pauvre femme handicapée, supprimant à la fois la vie de la femme et celle du bébé qu’elle portait.

Y a-t-il eu une suite judiciaire à cette affaire ?

Les organisations des personnes handicapées avaient tenu un point de presse pour dénoncer ce crime. Suite à cette alerte de l’opinion nationale et internationale, Mme Ly Ramata Bakayoko, alors ministre de la Femme, de la Famille et de l’Enfant, avait présenté la compassion du gouvernement aux associations des personnes en situation de handicap, tout en les rassurant que ce crime odieux ne restera pas impuni. En effet, l’auteur a été jugé et condamné.

En dehors de ce cas qui n’est pas isolé, quels sont les autres types de violences basées sur le genre dont sont victimes les personnes en situation de handicap ?

Les femmes handicapées visuelles sont aussi victimes de violences, notamment viols. C’est le cas d’une jeune fille non voyante pensionnaire de l’Institut des aveugles. Un jeune homme venu faire un travail dans ce centre, avait pensé à tort, que la victime n’allait jamais le reconnaître. Il s’était jeté sur la jeune fille et l’a violée. Mais c’est méconnaître cette faculté dont dispose les non-voyants à reconnaître les personnes avec lesquelles ils sont en contact. Le violeur qui s’était évanoui dans la nature après son crime, a été retrouvé et remis à la justice. Dans certains couples, où l’un des conjoints est en situation de handicap, il y a parfois la gêne ou la honte de l’autre de s’afficher en public avec le conjoint handicapé, par peur des regards moqueurs. Pour les mêmes raisons liées aux regards de la société, certains parents refusent que leur fils ou leur fille épouse une personne en situation de handicap. Or, en principe, dès lors que l’un des conjoints accepte le handicap de l’autre et consent librement à l’épouser, il ne doit pas y avoir de problème. En dehors des agressions physiques, les personnes en situation de handicap, sont également victimes d’agressions verbales, surtout en milieu féminin. Les quolibets des voisines, les regards moqueurs dégénèrent souvent en violences physiques. Dans tous les milieux de la société, notamment dans les écoles, au marché, au travail, on constate ces violences verbales envers les personnes en situation de handicap. Dans les maternités également, des femmes en situation de handicap qui viennent accoucher, sont discriminées. Elles sont la risée des sages femmes, pour la simple raison qu’elles sont enceintes malgré leur handicap. Elles ne les traitent donc pas convenablement comme les autres femmes. Il ne faut pas oublier les femmes handicapées psychiques, qui sont aussi victimes d’abus de toutes sortes. Elles sont souvent envoyées dans des camps de prières ou chez des guérisseurs pour être délivrée ou soignée. Mais des hommes profitent de leur handicap pour abuser d’elles sexuellement.

La plupart du temps, ces femmes handicapés victimes de violences, notamment sexuelles, s’abstiennent de porter plainte contre leurs agresseurs. Comment expliquez-vous cette résignation ?

Effectivement nombre de ces victimes, surtout les illettrées, ne saisissent pas la justice, par ce qu’elles ignorent leurs droits. Je saisis l’occasion pour dire à ceux ou celles qui ignorent les voies de recours à la justice, que nous sommes à leur disposition, pour les aider à porter plainte là où il faut. La Loi les protège, des numéros verts sont à leur disposition pour toute dénonciation. Certaines victimes s’abstiennent de porter plainte sous prétexte qu’elles ne font pas confiance à la justice, c’est regrettable ! D’autres pensent qu’ester en justice, est une affaire de gros sous, ce qui est une méconnaissance de l’assistance judiciaire à laquelle elles ont droit.

Que dit exactement la loi sur la protection des personnes handicapées ?

Les personnes handicapées sont d’abord des personnes comme tout le monde. Tout ce que la loi dit sur la protection des personnes est aussi valable pour celles qui sont en situation de handicap. La loi fondamentale à savoir la Constitution protège les personnes handicapées y compris les femmes et les filles handicapées. L’article 33 stipule que « L’Etat et les collectivités publiques protègent les Personnes en Situation de Handicap contre toute forme de discrimination. Ils promeuvent leur intégration par la facilitation de leur accès à tous les services publics et privés. L’Etat et les collectivités publiques assurent la protection des Personnes en Situation de Handicap contre toute forme d’avilissement. Ils garantissent leurs droits dans les domaines éducatif, médical et économique ainsi que dans les domaines des sports et des loisirs. » La Loi n°98-594 du 10 novembre 1998 d’orientation en faveur des personnes handicapées fait de la protection des personnes handicapées une obligation nationale.

La Côte d’Ivoire a également ratifié la Convention des Nations unies sur des personnes handicapées, le 10 janvier 2014. Comment cette convention protège ces personnes vulnérables ?

Cette convention met en exergue un ensemble de droits au profit des personnes en situation de handicap. Il s’agit entre autres de veiller à reconnaître l’égalité devant la loi et de mettre en place des lois et des mesures administratives garantissant la protection contre l’exploitation, la violence et les mauvais traitements, l’accès à une justice équitable et à tous les droits de l’homme. Par conséquent, l’Etat est obligé d'introduire des mesures visant à promouvoir les droits des personnes handicapées et à lutter contre la discrimination. Ces mesures incluent une législation adaptée pour éliminer les lois et pratiques discriminatoires et tenir compte des personnes handicapées dans l'adoption de nouvelles politiques. Conformément à l’article 5 de la Convention, les États Parties reconnaissent que toutes les personnes sont égales devant la loi et en vertu de celle-ci et ont droit sans discrimination à l'égale protection et à l'égal bénéfice de la loi. Les États Parties interdisent toutes les discriminations fondées sur le handicap et garantissent aux personnes handicapées une égale et effective protection juridique contre toute discrimination, quel qu'en soit le fondement. L’article 6 est dédié spécifiquement aux droits des femmes handicapées et l’article 16 consacré au droit de ne pas être soumis à l'exploitation, à la violence et à la maltraitance. L’article 16 dispose que les États Parties prennent toutes mesures législatives, administratives, sociales, éducatives et autres mesures appropriées pour protéger les personnes handicapées, à leur domicile comme à l'extérieur, contre toutes formes d'exploitation, de violence et de maltraitance, y compris leurs aspects fondés sur le sexe. Les États Parties prennent également toutes mesures appropriées pour prévenir toutes les formes d'exploitation, de violence et de maltraitance en assurant notamment aux personnes handicapées, à leur famille et à leurs aidants, des formes appropriées d'aide et d'accompagnement adaptées au sexe et à l'âge, y compris en mettant à leur disposition des informations et des services éducatifs sur les moyens d'éviter, de reconnaître et de dénoncer les cas d'exploitation, de violence et de maltraitance. La Côte d’Ivoire qui a ratifié la Convention des Nations unies, doit faire respecter les dispositions de ladite Convention et les mettre en œuvre y compris la Justice. On ne doit pas laisser discriminer une femme car les Vbg contre les femmes handicapées doivent être sévèrement sanctionnées. L’Etat doit sévèrement sanctionner ces personnes. Certaines vont même plus loin, en les privant de nourriture. Cette attitude est assimilable à un crime. Une fois qu’un Etat a ratifié la convention des Nations unies, il doit l’intégrer à son corpus juridique.

Des femmes en situation de handicap ont-elles déjà saisi le Conseil national des droits de l’Homme ?

Bien sûr ! Nous recevons des femmes handicapées victimes de violences. Certaines viennent à nous par le truchement d’organisations de défense de leurs droits. Nous leur montrons comment constituer leurs dossiers, la voie à suivre pour saisir la Justice ou le Cndh. D’autres nous saisissent individuellement pour des cas d’abus sexuels ou d’agressions. Une dame handicapée des membres a fait un enfant avec un habitant de son quartier qui l’a abandonnée avec son enfant. Elle ignore tout de cet homme, même son nom de famille. Pour notre part au Conseil, nous cherchons les voies et moyens pour que l’enfant puisse aller à l’école.

Quelles assurances le Cndh donne t-il aux femmes handicapées victimes de violences ?

Aux femmes handicapées victimes ou non de violences, nous rassurons que la Loi les protège. Quelles que soient leurs conditions économiques, sociales, sensorielles, nous devons les protéger et défendre dès lors qu’elles souffrent d’abus sexuels ou d’autres formes d’abus. Le Cndh reste à leur écoute. En cas de violences et humiliations (insultes, par exemple), des femmes n’hésitent pas à saisir le Conseil.
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