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Martial Yéo : « La Côte d’Ivoire ne méritait pas d’aller à la Coupe du monde »

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Martial Yéo : « La Côte d’Ivoire ne méritait pas d’aller à la Coupe du monde »

L’élimination des Éléphants de la Coupe du monde 2018 n’a pas vraiment étonné Martial Yéo. L’ancien sélectionneur des champions d’Afrique 1992, figure historique du football ivoirien, explique pourquoi cet échec était prévisible, tout en livrant quelques réflexions sur l’avenir.

Les supporters ivoiriens auront vu défiler l’année 2017 comme une mauvaise Série B. Une élimination au premier tour de la CAN gabonaise, la démission du sélectionneur Michel Dussuyer, l’intronisation pour le remplacer du Belge Marc Wilmots, reparti dans le Plat Pays après un bilan catastrophique, ponctué par une douloureuse sortie de route sur le chemin de la Russie.

Comme tous ses compatriotes, Martial Yéo se remet doucement de cette dernière avanie de l’année. L’ancien entraîneur de l’Africa Sports et ex-sélectionneur des Éléphants, à qui il a offert leur premier titre de champion d’Afrique en 1992, ne veut pas faire de Wilmots le seul responsable de cet échec. Yéo s’interroge notamment sur l’afflux massif de binationaux ces derniers mois dans l’effectif, et plaide pour la nomination d’un coach local, ou d’un étranger connaissant bien l’Afrique.

Jeune Afrique : La Côte d’Ivoire ne disputera pas une quatrième Coupe du monde consécutive. Est-ce une surprise pour vous ?

Martial Yéo: Non, ce n’est pas surprenant. Cela me fait mal de dire cela, mais il faut être réaliste : la Côte d’Ivoire ne méritait pas d’aller à la Coupe du monde. Ce qu’il s’est passé depuis le titre de champion d’Afrique obtenu en 2015 le laissait supposer. Certains joueurs cadres, comme Yaya Touré, Didier Zokora, Kolo Touré ou Copa Barry ont arrêté juste après. Déjà, en 2014, une fois la Coupe du monde au Brésil achevée, Didier Drogba avait pris sa retraite internationale. Et après un titre, il y a toujours un risque de décompression. On l’a vu au Gabon lors de la CAN 2017 : les résultats n’ont pas été à la hauteur, la sélection a été éliminée au premier tour et le coach, Michel Dussuyer, a démissionné.

Marc Wilmots, qui a quitté Abidjan après un accord à l’amiable avec la Fédération ivoirienne de Football (FIF) est évidemment désigné comme le premier responsable de ce fiasco…

Wilmots était un bon choix, j’en suis convaincu. C’est un bon entraîneur, il a fait de bonnes choses avec la Belgique. Mais son gros problème, c’est qu’il ne connaissait pas l’Afrique : ni la culture, ni la mentalité, ni le football africain. Et le fait de sortir du staff technique Ibrahim Kamara, qui avait plutôt assuré l’intérim entre le départ de Dussuyer et son arrivée, était à mon avis une erreur. Kamara connaît bien le football et les joueurs ivoiriens. Je pense qu’il aurait pu apporter quelque chose à Wilmots.

L’équipe a vu arriver beaucoup de nouveaux joueurs depuis deux ans et demi. Or une phase de transition n’est jamais évidente à gérer…

C’est exact. Mais je crois que ces derniers mois, il y a eu beaucoup de binationaux qui ont été appelés. Attention, je n’ai rien contre eux. Ce sont d’excellents joueurs, qui jouent dans de bons clubs en Europe. Mais leur rapport à la Côte d’Ivoire est plus distant. Quand vous êtes né en Côte d’Ivoire, que vous y avez joué avant de partir pour l’Europe, que vous avez encore beaucoup de famille qui y vit et que vous y revenez pour les vacances, vous connaissez parfaitement le lien qui vous unit aux supporters. Si vous gagnez, vous êtes adulé dans la rue. Si vous perdez, vous êtes pointé du doigt. Et votre entourage peut en subir les conséquences, bonnes ou mauvaises. Un local aura une perception différente des choses.

Vous voulez dire qu’il y a trop de binationaux en sélection ?

Je pense qu’il y en a eu beaucoup en très peu de temps (Wilfried Zaha, Joris Gnagnon, Maxwel Cornet, Nicolas Pépé, Jérémie Boga, Yannick Boli notamment, ndlr). Et il faut du temps à un binational, né en Europe, pour s’adapter à une sélection africaine. Cela n’enlève rien à leurs qualités de footballeurs. Mais peut-être qu’il y en a eu trop d’un seul coup…

Les Éléphants doivent-ils s’attendre à une traversée du désert ?

On peut le craindre. Nous avons des joueurs de talents. Mais sont-ils tous bien utilisés ? Prenez le cas de Jean-Michaël Seri. Ses performances avec Nice, dont il est un des éléments essentiels,  sont très bonnes. Mais en sélection, ce n’est pas le même rendement. Est-il bien entouré sur le terrain ? Ces derniers mois, l’équipe a sans cesse changé. On se cherche… L’ossature de la sélection avec laquelle nous avons été champions d’Afrique en 1992 remontait à 1983 ou 1984. Même chose pour l’équipe qui a gagné la CAN en 2015 : ceux qui constituaient le noyau dur avaient l’habitude de joueur ensemble depuis 2004. Il faut du temps pour bâtir quelque chose.

La Côte d’Ivoire va sans doute traverser des moments difficiles. Il va falloir se qualifier pour la CAN 2019. Nous avons perdu le premier match chez nous face à la Guinée, mais je pense que dans un groupe où figurent également le Rwanda et la Centrafrique, on devrait pouvoir s’en sortir.

Un nouveau sélectionneur doit être nommé. Votre préférence va-t-elle à un Ivoirien ou à un étranger ?

Je ne sais pas si la fédération aura les moyens d’engager un étranger. Il y en a eu beaucoup ces dernières années (Sabri Lamouchi, Hervé Renard, Michel Dussuyer, Marc Wilmots, ndlr), et cela coûte cher. Or puisque la Côte d’Ivoire ne participera pas à la Coupe du monde, il y aura un manque à gagner. Je pense que prendre un sélectionneur ivoirien serait intéressant. Quelqu’un qui connaisse bien le foot ivoirien et africain. On pourrait imaginer qu’il soit assisté par un collège d’entraîneurs.

Pourriez-vous jouer un rôle actif ?

Une chose est certaine : je ne reviendrai pas (rires). J’ai 72 ans, je pense que j’ai le droit de me reposer un peu. Mais si on me demande des conseils, je veux bien aider. Cette situation me rend triste, bien sûr, même si ce n’est pas désespéré. Il faut que la sélection ivoirienne revienne à un excellent niveau.

 
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