Des vingt-trois footballeurs français champions du monde, Paul Pogba est assurément le plus charismatique. À 25 ans, le milieu de terrain de Manchester United et de l’équipe de France assume parfaitement ce qu’il est. Peu importe le regard et l’opinion des autres, Pogba trace sa route. Pour rejoindre son crew, il vous faudra adopter les dix commandements de La Pioche.
1. Assumer son estime de soi
Volontiers chambreur, n’hésitant pas à dire qu’il entend devenir le meilleur de l’histoire, montrant sans fard ses bolides et son énorme maison, Pogba n’incarnerait-il pas l’arrogance endémique la plus aboutie corrélée au statut de footballeur ? Lui s’en défend. Plutôt bien : « Je suis un mec joyeux, qui rigole, qui change de coupes de cheveux, je blague, je danse, je ne m’habille pas comme les autres. Je me montre, oui, mais je ne suis pas arrogant. Je suis nature. En Europe, ce comportement surprend, il faut rester sur la réserve, ne pas dire tout ce que l’on pense. Je reste moi, j’ai ce qu’on appelle “la mentalité américaine”. Disons que je suis différent. Et certaines personnes ne le prennent pas dans le bon sens… Mais je ne juge pas, chacun sa vie. »
2. Prendre le leadership
Ses discours à la mi-temps de France-Argentine (« On veut voir des guerriers sur le terrain, aujourd’hui. Demain, je veux pas rentrer, on reste encore à l’hôtel. On va encore bouffer ces putains de pâtes sautées ! »), et avant la finale (« On a perdu la finale de l’Euro, on sait, on l’a encore là. Aujourd’hui, on ne va pas laisser une autre équipe prendre ce qui est à nous. ») ont marqué les esprits. Il y a encore quelques mois, personne n’imaginait le numéro 6 des Bleus endosser le rôle de leader, lui volontairement si silencieux dans les médias. « Le groupe et le coach m’ont laissé de l’espace pour m’exprimer, explique Paul Pogba. Mais je ne voulais pas bouleverser le vestiaire. Par rapport aux anciens, devais-je parler ? M’imposer ? Avoir une emprise sur le groupe ? Il fallait l’aval des cadres, du staff. J’ai 25 ans, je peux parler aux jeunes comme aux anciens. Les caméras de TF1 ont montré une autre image de moi aux gens. Et c’est bien moi ! »
3. Croire en son talent
Avant la Coupe du Monde, Pogba était très attendu. Intermittent du spectacle, manque d’agressivité, dilettantisme... Le joueur inquiétait et filait tout droit en sélection espoirs déçus. Il calme tout le monde en Russie en réalisant un superbe Mondial (et un but en finale, clou du spectacle). « Je me suis dit que je devais être concentré pour cette compétition. Tout le monde parlait de mon jeu, mon rôle… Il fallait que je réponde sur le terrain. Je l’ai bien fait, je pense. Je me sentais bien. Je suis resté sobre, j’ai évité les coupes de cheveux excentriques par exemple, pour ne pas que l’on parle d’autre chose que la performance. J’ai cru en moi. »
4. Dépasser ses fonctions
Sentinelle (positionné devant les défenseurs centraux et derrière les autres milieux), relayeur, meneur de jeu : quel est le meilleur poste de Pogba ? Avec sa technique au-dessus de la moyenne (ses transversales et ses extérieurs du pied sont un régal), son physique (1,91 m, 84 kilos) et ses grands compas comparables à ceux de Patrick Vieira, La Pioche peut jouer partout. L’intéressé confirme, en mode MHD, son pote rappeur : « Droite, gauche, centre, un peu partout, polyvalent, box-to-box. Attaquer, défendre, faire le jeu, être décisif. Me différencier des autres, faire plus, ne pas me contenter d’un poste, d’une action. » « 6 dans l’dos ! »
5. Cultiver son style
Lorsqu’il sort de la salle de bains de la suite du Marriott Airport de Manchester vêtu de son costume croisé gris foncé parsemé de centaines d’inscriptions blanches « La Pioche » dessus, avec ses Louboutin assorties, Paul Pogba scotche l’assemblée. « C’est pas le style GQ ça, alors ?! On fait la couv’ avec ça ! » s’esclaffe-t-il, fier. Le combattant MMA Conor McGregor n’a-t-il pas déjà lancé la tendance ? « Non, il a copié sur moi, je l’avais avant, tu peux vérifier. » Toujours apprêté, même lorsqu’il est arrivé en short noir, il a combiné avec des sneakers Balenciaga jaune poussin. Pogba « aime faire des choses qui sortent de l’ordinaire. » Ah ça.
6. Sacraliser sa famille
Cadet du clan Pogba, Paul entretient des liens étroits avec ses frères aînés (les jumeaux Mathias et Florentin, 28 ans, également footballeurs professionnels), et sa maman, Yeo. « Ma famille, c’est le sang. Avec eux, je suis resté Paul, La Pioche. J’ai toujours rigolé, voulu être footballeur, fait des coupes de cheveux, et déjà quand je jouais à l’US Torcy, mon premier club. Rien ne change. Sauf que je suis plus médiatisé, le nom Pogba est connu, cela les touche donc aussi. Ma maman… (il est ému, soudain, ndlr) C’est ma mère, ma pote. Elle ne me gronde plus mais fait passer des messages. » Le papa, Fassou-Antoine, décédé en 2017, reste présent au plus près de Paul, sous la forme d’un médaillon porté autour du cou.
7. Lancer une mode
Demandez à quelqu’un d’imiter Pogba, il s’essaiera forcément au dab. Grand danseur – « depuis tout petit je danse, cela fait partie de ma vie, comme la musique », le footballeur a popularisé un geste effectué par des footballeurs américains qui l’avaient eux-mêmes repris d’un groupe de rap US, Migos. « Tous les gens me demandent de faire un dab, s’amuse-t-il, sans que cela ne semble lui peser. J’ai été surpris du phénomène. Quand cela se retrouve dans les célébrations de jeux vidéo… C’est presque choquant ! Ce n’était pas voulu, c’est l’instinct. »
8. S’ouvrir aux autres
Joueur le plus suivi du championnat anglais sur Instagram (30 millions d’abonnés), Pogba aime se montrer. « Je poste car les fans aiment voir ma vie privée, veulent voir un footballeur chez lui. » Il prolonge l’intimité avec « Pogba Mondial », une mini-série diffusée sur Canal+ en 2018 où l’on voit sa grande maison, sa salle de cinéma privée, et une interview en haut de la Tour Eiffel où il arbore un costume bordeaux siglé PP… Un « Pogshow » à l’américaine qui interpelle : « Je ne joue pas un rôle. À ceux qui disent que je me la raconte, je leur dis que c’est le travail qui m’a emmené jusqu’ici, que grâce au foot je peux faire ce que je veux. »
9. S’affranchir des préjugés
Vingt ans plus tôt, quand le smartphone n’existait pas et que le foot business balbutiait encore, Pogba n’aurait pas eu la même notoriété. Mais se serait vu moins reprocher de montrer sa richesse. « L’argent, je ne l’ai pas volé. Je le gagne honnêtement, j’en fais ce que je veux. Si j’offre une maison à ma maman, je suis mignon, si je m’en offre une, c’est show-off. Je n’arrive pas à comprendre cette mentalité. Où est le problème ? Tu ne te sens pas au-dessus des autres parce que tu achètes une Ferrari ou une maison de 250 m2 et quelques… »
10. Bien choisir ses partenaires
Friand de grosses voitures (il est venu en Bentley à notre rendez-vous), de montres (jolie Riche Mille noire) et de beaux costumes sur mesure, le premier joueur à avoir été transféré pour plus de 120 millions d’euros (de la Juventus Turin à Manchester United, en 2016) n’accumule pas pour autant les sponsors. « J’ai beaucoup de demandes mais j’aime faire de grandes choses à long terme, pas plein de petites ou de moyennes pour être vu partout. J’ai peu de contrats, c’est mon choix. » Adidas est son seul gros partenaire. Sportif le plus bankable du monde en 2018 selon le classement de SportsPro (Mbappé est troisième), les marques s’accrochent. « S’il y a une bonne opportunité, on peut toujours parler », sourit le footballeur.
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