C’est un rapport pointu et éclairant qu’a rendu le Groupe d’experts sur la Centrafrique au Conseil de sécurité des Nations Unies fin juillet. Il permet de mieux comprendre les multiples violences auxquelles le pays fait de nouveau face depuis plusieurs mois maintenant.
Dans son rapport, le groupe d’experts sur la Centrafrique relève qu’un certain nombre de violences récemment observées dans le pays sont liées aux affrontements entre la coalition dirigée par le Front populaire pour la renaissance de la Centrafrique (FPRC) de Noureddine Adam et l’Union pour la paix en Centrafrique (UPC), notamment dans l’est du pays. Les combats entre les deux groupes ont débuté aux alentours de novembre 2016, à Bria et se sont vite étendues à Bambari, où l’UPC avait son siège. Bien que que la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations unies pour la stabilisation en Centrafrique (Minusca) ait obtenu d’Ali Darassa, chef de l’UPC, qu’il quitte Bambari, le conflit n’a pas cessé pour autant.
Le FPRC pilote une coalition dans laquelle on retrouve entre autres Mahamat Al-Khatim, Abdoulaye Hissène et Zakaria Damane, et dont le but est de regrouper l’ensemble des groupes ex-Séléka, pour, selon les experts, « constituer une entité qui soit en mesure de peser politiquement dans les négociations avec le gouvernement ». Le fait que l’UPC refuse de participer à cette coalition expliquerait en grande partie l’hostilité entre les deux groupes.
Des alliances lâches et multiples
Mais le rapport remarque que toutes les alliances politiques restent fragiles et sujettes à des revirements réguliers. Ainsi, la quête d’unité autour du FPRC n’est pas sans susciter des tensions au sein de groupes dont des leaders rejoignent la coalition. Si les alliances sont fragiles, elles sont aussi parfois contre-intuitives. L’alliance constituée autour du FPRC n’hésite pas à collaborer avec des antibalakas de manière ponctuelle.
Selon les sources des experts, même le leader antibalaka Maxime Mokom, parfois présenté comme un irrédentiste, aurait coordonné son action avec l’alliance du FPRC. Cette coopération n’est pas allée sans provoquer des tensions avec certains ex-Séléka, qui ont pu se sentir visés ou menacés par des discours xénophobes, hostiles aux Peuls ou aux musulmans, tenus par des antibalakas. Les enquêteurs mettent en avant un exemple récent : « À Bria, en avril 2017, les membres du groupe d’autodéfense local […] et les éléments antibalaka […] ont collaboré sous la houlette du FPRC, qui les a aidé à attaquer l’UPC. Les deux groupes se sont par la suite affrontés. »
Des armes en provenance de RDC
Le rapport est en partie consacré à la question de l’armement des divers groupes. Le trafic, à en croire les experts, va bon train. Ces derniers relèvent que « les armes se vendraient au vu et au su de tout le monde » dans certaines villes, à l’occasion de marchés réguliers. Les ex-Séléka continueraient de s’approvisionner en armes aux frontières avec le Tchad et le Soudan. « En janvier 2017, Abdoulaye Hissène a reçu d’importantes quantités de matériel militaire en provenance de […] la frontière tchadienne », remarquent par exemple les rapporteurs. Et plus loin : « Le FPRC semble également avoir réactivé ses contacts au Soudan du Sud pour acquérir des armes. »
Mais les régions frontalières du Tchad et du Soudan ne sont pas les seules zones de trafic. « L’UPC de son côté, continue d’acquérir des armes et des munitions depuis la République démocratique du Congo », assure le document. Les experts précisent : en janvier 2017, 18 000 cartouches auraient voyagé par bateau de Yakoma, en RDC vers Béma, en Centrafrique, que contrôle l’UPC.
La coopération des antibalakas avec le FPRC leur a permis d’acquérir des armes conventionnelles type AK-47 et lance-roquettes
Ils mettent aussi en exergue les nouvelles sources d’armement des antibalakas, connus pour utiliser un matériel souvent vétuste et des armes artisanales. Leur coopération avec le FPRC « leur a permis d’acquérir des armes conventionnelles, principalement des fusils d’assauts de type AK-47 et des lance-roquettes ». Là encore, c’est près des frontières du pays que le trafic va bon train : en janvier 2017, un chef antibalaka et un général du FPRC se sont procuré des armes – « notamment des munitions pour mortier » – à la frontière avec le Tchad.
Le fleuve Oubangui et le port fluvial d’Ouango seraient aussi largement utilisés pour acheminer clandestinement depuis la RDC et la République du Congo, armes et munitions. Les munitions seraient fabriquées par une société à Pointe Noire, au Congo.
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