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Afrique

De Bamako à Dakar, le racket des forces de l’ordre filmé en caméra cachée [Vidéo]

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De Bamako à Dakar, le racket des forces de l’ordre filmé en caméra cachée [Vidéo]

Notre Observateur a voyagé de Bamako, la capitale malienne, à Dakar, la capitale du Sénégal, avant de faire le même trajet dans l’autre sens, il y a un mois environ. Régulièrement contraint de verser des pots-de-vin aux forces de l’ordre sur la route, notamment aux frontières, lors de ses déplacements dans la zone, il a décidé de les filmer en caméra cachée.

Notre Observateur, Yohann, a les nationalités malienne et burkinabè. Le mois passé, il a quitté Bamako en bus et s'est rendu à Dakar, pour récupérer un véhicule qu’il voulait rapporter au Mali.

Ce n’est pas la première fois que je fais ce déplacement et que je suis contraint de verser des pots-de-vin au cours du trajet, donc je me suis dit que cette fois j’allais filmer. J’avais donc installé une application sur mon téléphone, Secret Video Recorder, qui permet de filmer même quand il est verrouillé. Je l’ai ensuite mis dans la poche de ma chemise et c’est ainsi que j’ai filmé.

Première escroquerie : au poste-frontière de Kidira, au Sénégal


Après avoir quitté Bamako, Yohann a traversé la frontière au niveau de Kidira, une localité sénégalaise (point rouge sur la carte ci-dessous), où il a été contraint de verser 1000 francs CFA (1,52 euros) à des policiers sénégalais.

 

Ils nous ont fait rentrer dans une pièce, où nous étions une dizaine de voyageurs. Ils ont réclamé 1000 francs CFA à tous les étrangers [les non-Sénégalais, NDLR], même s’ils avaient leurs papiers en règle, sans donner aucune explication valable. Les Sénégalais, eux, n’ont rien payé : ils ont simplement récupéré leurs papiers, après avoir été contrôlés.

Yohann filme alors une première vidéo, où l’on voit un policier assis, avec des passeports étalés sur son bureau, et un autre policier debout, avec d’autres passeports dans la main. Ce dernier appelle successivement les voyageurs pour leur rendre leurs papiers. Au bout d’une minute, on voit clairement quelqu’un lui donner un billet de 1000 francs CFA, en échange de la restitution de ses documents de voyage.

 

 

 

Il s’agit d’une violation du principe de libre-circulation qui régit la Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest (Cédéao), puisque les ressortissants de ses États membres peuvent théoriquement voyager librement au sein de cet espace tant qu’ils possèdent "un document de voyage et des certificats internationaux de vaccination en cours de validité".

Deuxième escroquerie : à un poste de contrôle à Kati, au Mali


Arrivé à Dakar, notre Observateur a récupéré un véhicule au port, avec lequel il est retourné au Mali. Il n’a rien payé en traversant la frontière, mais il a dû reverser des pots-de-vin en arrivant dans la localité de Kati (point rouge sur la carte ci-dessous), située à une quinzaine de kilomètres de Bamako, cette fois à des douaniers maliens.

 

Ça s’est passé à un simple poste de contrôle, situé à côté du péage routier. Normalement, il faut payer le péage, mais c’est tout. Or, à ce poste de contrôle, les douaniers réclamaient 10 000 francs CFA aux voitures [15,24 euros, NDLR], et même 15 000 francs CFA [22,87 euros, NDLR] aux 4x4. J’ai donc dû leur verser 10 000 francs CFA, de même qu’un ami qui conduisait un autre véhicule. Mais les douaniers ne nous ont donné aucun reçu. Quand j'étais sur place, il y avait une quinzaine de véhicules stationnés, qui attendaient pour payer les 10 000 francs CFA, donc c'est intéressant pour les douaniers... Là encore, ce n’est pas la première fois que je dois verser une telle somme à Kati. Et cet argent ne va pas dans les caisses de l’État malien…

Yohann a donc filmé une autre vidéo à cet endroit, où l’on voit deux douaniers. L’un d’eux a deux billets de 10 000 francs CFA dans la main, tandis qu’il examine des papiers.

 

C’est au Mali que c’est le pire"


Notre Observateur poursuit :

Ces abus ont lieu à d’autres endroits, bien sûr. Par exemple, j’ai déjà dû payer 1000 francs CFA à la frontière nigérienne. Au Ghana, j’ai déjà dû payer une fois aussi, même s’il existe très peu d’abus dans ce pays.

Au Burkina Faso, je n’ai jamais rien payé, car j’ai la nationalité burkinabè. Mais une fois, j’ai demandé à un policier burkinabè pourquoi ils prenaient de l’argent aux étrangers : il m’a répondu que cette pratique était née au Mali, et qu’ils avaient donc commencé à faire la même chose.

D’une manière générale, j’ai l’impression que c’est au Mali que c’est le pire. Par exemple, lors de mon trajet Bamako-Dakar, nous nous sommes arrêtés à trois postes de contrôle entre Bamako et la frontière sénégalaise, à Kolokani, Diéma et Kayes, gérés par la police et la gendarmerie. Les Maliens n’ont rien payé. Mais les non-Maliens ont payé 2000 francs CFA à chaque poste.

De même, les étrangers qui entrent au Mali paient toujours 2000 francs CFA à la frontière. Je dirais que cela fait une dizaine d’années que cela fonctionne ainsi, et que cette pratique s’est ensuite étendue au Burkina-Faso, au Niger, au Sénégal…


Notre Observateur n’est pas le premier à dénoncer le racket des forces de l’ordre dans ces pays, notamment au Burkina Faso, comme nous l’avons déjà documenté dans plusieurs articles.

 
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