C'était il y a un an jour pour jour, Emmanuel Macron remportait l'élection présidentielle française en battant au second tour Marine Le Pen. Quel premier bilan tirer de l'action du président français sur la scène africaine ? RFI a posé la question à plusieurs chercheurs, humanitaires, politologues, politiques et proches du chef de l’Etat. Sécurité, migrations, politique, économie... A partir d'aujourd'hui et jusqu'à vendredi, nous vous proposons chaque jour un focus sur l'un des axes de la politique africaine du président français. Premier épisode ce matin. Emmanuel Macron et l'Afrique, ça a d'abord été une rupture et des promesses…
La séquence a fait le tour du continent. Un président français qui, sur le sol africain, s’exprime devant 800 étudiants avant de répondre à leurs questions : le 28 novembre dernier à Ouagadougou, Emmanuel Macron a fait dans l’inédit. Dix ans plus tôt à Dakar, Nicolas Sarkozy s’était lui aussi adressé à la jeunesse africaine depuis une université, mais de crainte d’être pris à partie, son grand oral s’était déroulé face à une assemblée composée essentiellement d’universitaires et de personnalités triées sur le volet. Surtout, aucune question n’avait été posée à l’orateur…
Là, en allant directement à la rencontre d’une jeunesse souvent hostile à la France - l’université de Ouagadougou a la réputation d’être panafricaine et marxiste - Emmanuel Macron a tenté d’imposer un nouveau style et de dépoussiérer une relation franco-africaine encore marquée par la colonisation.
Rupture de style et de ton
Performance louable : le locataire de l’Elysée parvient ce jour-là à retourner l’amphithéâtre, malgré un ton parfois professoral et un trait d’humour déplacé à l’adresse de son homologue burkinabé (« parti réparer la clim »). L’explication ? Jouant de son jeune âge, le président a crânement défendu, sur un ton direct et parfois avec éloquence, sa vision du « nouveau partenariat » qu’il propose d’écrire avec le continent. Et ce, sans n’écarter aucun sujet, même ceux qui fâchent comme le franc CFA ou la démographie.
Au final, certaines de ses formules font mouche. La Françafrique ? Morte et enterrée assure le président français lorsqu’il déclare qu’ « il n’y a plus de politique africaine de la France ». La colonisation ? « (S)es crimes sont incontestables », reconnaît-il avant de renvoyer la question au passé : « je suis comme vous d’une génération qui n’a jamais connu l’Afrique comme un continent colonisé ». La place du continent ? « C’est en Afrique que se jouera une partie du basculement du monde ».
Des déclarations et un ton qui apparaissent en rupture avec ceux de ses prédécesseurs. « C’est vrai que dans le ton, il y a des différences claires qui sont liées à sa génération, abonde l’analyste politique Gilles Yabi, fondateur du Think thank Wathi. Comme le fait qu’il valorise d’être un jeune président français qui ne porte pas sur son dos l’héritage trouble des relations entre la France et l’Afrique en particulier l’Afrique francophone. Donc, il y a une différence assez claire au niveau du ton, des messages ».
Les promesses formulées se veulent aussi novatrices : déclassification des documents liés à l’assassinat de Thomas Sankara, visas longue durée pour les étudiants diplômés en France, restitutions temporaires et définitives des œuvres d’art africaines, rapprochement avec les diasporas africaines, etc. Quant à l’éducation sur le continent, elle devient « la priorité absolue du nouveau partenariat ».
Des promesses intenables ?
Des engagements qu’Emmanuel Macron va s’attacher à mettre en avant les mois suivants. Fin janvier, à Dakar, le président français - comme il s’y était engagé durant sa campagne - vient coprésider aux côtés du président sénégalais, le Partenariat mondial pour l’éducation (PME), au cours duquel il annonce décupler la contribution française de 20 à 205 millions d’euros.
Début mars, le locataire de l’Elysée confie à l’écrivain sénégalais Felwine Sarr et à l’historienne française Bénédicte Savoy le soin de réfléchir à la mise en musique des restitutions d’œuvres d’art africaines ; le président du musée du Quai Branly, Stéphane Martin, étant lui chargé de faciliter la circulation des œuvres entre la France et le Bénin, pays en pointe sur le sujet.
Entre-temps, le Premier ministre s’est engagé à respecter une autre promesse présidentielle : celle de faire passer le budget de l’aide au développement de 0,38 % à 0,55 % du PIB d’ici 2022. Cette hausse promise de 6 milliards d’euros doit aussi acter un changement de philosophie : priorité accordée aux dons (et non plus aux prêts) pour permettre de recentrer l’aide française vers les pays les plus pauvres.
Des promesses saluées par les ONG, mais qu’Alain Joyandet, ancien secrétaire d’Etat à la Coopération (2008-2010), juge pour certaines intenables, telle l’augmentation de l’aide au développement qui doit passer de 0,38 à 0,55 % du PIB d’ici 2022. « Les annonces, elles ne sont jamais tenues !, s’emporte ce proche de Nicolas Sarkozy. Nous, on avait l’objectif de passer à 0,7 % du PNB, je vous le rappelle... Dire aujourd’hui qu’on passe de 0,3 à 0,4 ou 0,5 ça c’est du flan, du flan ! Des annonces comme ça, ça ne peut pas marcher. C’est impossible ! ».
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