Il y a un an, les informaticiens du bâtiment, construit en 2012 par les Chinois, ont découvert que l’intégralité du contenu de ses serveurs était transférée à Shanghaï.
Au siège de l’Union africaine (UA), à Addis-Abeba, des ascenseurs parlent encore le mandarin et les troncs des palmiers en plastique sont griffés China Development Bank. De nouveaux bâtiments en construction par des sociétés de Pékin ou Hongkong ceinturent la tour de verre moderne offerte en 2012 par la Chine à l’Afrique. C’est là que doit se dérouler, dimanche 28 et lundi 29 janvier, le 30e sommet de l’organisation panafricaine.
Les contrôles sont stricts pour pénétrer dans ce bâtiment. Il y a pourtant une menace sécuritaire invisible ignorée par la plupart des dirigeants et des diplomates, mais qui préoccupe au plus haut point certains hauts responsables de l’UA.
En janvier 2017, la petite cellule informatique de l’UA a découvert que ses serveurs étaient étrangement saturés entre minuit et 2 heures du matin. Les bureaux étaient vides, l’activité en sommeil mais les transferts de données atteignaient des sommets. Un informaticien zélé s’est donc penché sur cette anomalie et s’est rendu compte que les données internes de l’UA étaient massivement détournées. Chaque nuit, les secrets de cette institution, selon plusieurs sources internes, se sont retrouvés stockés à plus de 8 000 km d’Addis-Abeba, sur des mystérieux serveurs hébergés quelque part à Shanghaï.
« Don de la Chine aux amis de l’Afrique »
Le nouvel immeuble, « don de la Chine aux amis de l’Afrique », a été offert il y a tout juste six ans. Il a été entièrement équipé par les Chinois. Les systèmes informatiques ont été livrés clé en main. Et les ingénieurs chinois ont volontairement laissé deux failles : des portes numériques dérobées (« backdoors ») qui donnent un accès discret à l’intégralité des échanges et des productions de l’organisation. Selon plusieurs sources au sein de l’UA, tous les contenus sensibles ont pu être espionnés par la Chine. Une fuite de données spectaculaire, qui aurait couru de janvier 2012 à janvier 2017. Contactée, la mission chinoise auprès de l’UA n’a pas donné suite à nos sollicitations.
« Ça a duré trop longtemps. A la suite de cette découverte, nous avons remercié, sans faire de scandale, les ingénieurs chinois présents à notre siège d’Addis-Abeba pour gérer nos systèmes, confie sous couvert d’anonymat un haut responsable de l’UA. Nous avons pris quelques mesures pour renforcer notre cybersécurité, un concept qui n’est pas encore dans les mœurs des fonctionnaires et des chefs d’Etat. On reste très exposés. »
Depuis, l’UA a acquis ses propres serveurs et a décliné l’offre de la Chine qui se proposait de les configurer. Au rez-de-chaussée de la tour de verre, dans une salle qui passe inaperçue, se trouve un centre de données qui concentre une bonne partie du système d’information de l’organisation. Toutes les communications électroniques sont désormais cryptées et ne passent plus par Ethio Telecom, l’opérateur public de l’Ethiopie, réputé pour ses capacités d’espionnage électronique. Désormais, les plus hauts responsables de l’institution disposent de lignes téléphoniques étrangères et plus sécurisées.
Lors du 29e sommet de l’UA, en juillet 2017, de nouvelles mesures de sécurité ont été éprouvées. Quatre spécialistes venus d’Algérie, l’un des plus gros contributeurs financiers de l’institution, et des experts en cybersécurité éthiopiens ont inspecté les salles et débusqué des micros placés sous les bureaux et dans les murs.
« Rien à faire d’être écouté par les Chinois, lâche le chef de la diplomatie d’une grande puissance africaine. Eux au moins ne nous ont jamais colonisés, ont soutenu les luttes d’indépendance sur le continent et nous aident économiquement aujourd’hui. »
« Les Chinois sont là 27 h/24 »
« Ça arrange tout le monde que ce soit une passoire, déplore un fonctionnaire déjà présent du temps de l’Organisation de l’unité africaine (OUA, 1963-2002). On se laisse écouter et on ne dit rien. Les Chinois sont là vingt-sept heures sur vingt-quatre, ont planté plein de micros et d’outils d’espionnage cyber quand ils ont construit cet immeuble. Et ils ne sont pas les seuls ! »
1 Commentaires
Anonyme
En Janvier, 2018 (06:27 AM) Pitié pour l Afrique et pour ces africains résignés a leur sort on vous espionne vous parlez colonisation mais c est une manière de vous coloniser en vous espionnant les chinois sont des colons des temps modernesParticiper à la Discussion
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