Transférés au Sénégal en avril 2016, deux ex-détenus libyens de la prison américaine de Guantánamo ont été renvoyés lundi dans leur pays d’origine. L’avocat d’un des deux hommes assure que son client craint pour sa vie.
« C’est confirmé, ils sont partis tous les deux hier », a déclaré à Jeune Afrique une source au ministère sénégalais de la Justice. Après avoir bénéficié de l’asile au Sénégal pendant près de deux ans, deux anciens détenus libyens de la prison américaine de Guantánamo ont été renvoyés lundi à Tripoli. Le doute aura duré près d’une semaine, après la disparition le 3 avril de l’un des deux hommes à son domicile dans la commune dakaroise de la Patte d’Oie. Quelques jours plus tôt, Omar Khalifa Mohammed Abu Bakr avait reçu la notification en arabe de son expulsion prochaine en Libye, rapporte le New York Times.
« Mon client craint pour sa vie-là-bas, et n’avait aucune intention d’y revenir, assure à Jeune Afrique l’avocat américain Me Ramzi Kassem, professeur de droit à la City University of New York. Il s’est très bien intégré au Sénégal, il a des amis, et même une fiancée. » À l’inverse, l’autre ancien détenu, Salem Abdul Salem Ghereby, aurait signifié sa volonté de retourner dans son pays d’origine.
Quatorze ans de prison
Tous deux ont été arrêtés au Pakistan, quelques mois après le début de la « guerre contre le terrorisme » déclarée en 2001 par les États-Unis. Soupçonnés d’être liés à Al-Qaïda et au Groupe islamique combattant en Libye (GICL), ils sont transférés le 5 mai 2002 dans la prison de Guantánamo, une enclave américaine sur l’île de Cuba.
Quatorze années seront finalement nécessaires pour obtenir leur libération, sans qu’ils ne fassent jamais l’objet d’un procès ni même d’une inculpation. Faute de pouvoir honorer sa promesse de fermer Guantánamo, Barack Obama entend alors réduire au maximum le nombre de détenus – notamment ceux considérés comme les moins dangereux. Les États-Unis font appel à des pays étrangers, notamment africains, pour accueillir sur leur sol d’anciens prisonniers. Parmi eux figure le Sénégal, qui officialise en avril 2016 le transfert de deux d’entre eux.
À l’époque, le ministre sénégalais des Affaires étrangères Mankeur Ndiaye présente l’opération comme « un geste humanitaire en faveur de nos frères Africains », qui n’aurait fait l’objet d’aucune contrepartie financière de la part des Américains. Même son de cloche du côté de Sidiki Kaba, alors ministre de la Justice, qui évoque dans la presse un « asile humanitaire ».
Une magnanimité de courte durée
Mais il semble que le « geste humanitaire » de Dakar ait été de courte durée. « Il y a deux ans, la promesse faite à la fois par le Département d’État américain et le Sénégal était d’octroyer à mon client Omar Khalifa Mohammed Abu Bakr le statut de réfugié de manière permanente, assure Me Ramzi Kassem. Il n’y a aucun doute à ce sujet. »
Dans ces conditions, pourquoi avoir choisi de les renvoyer deux ans après – dont l’un d’eux contre son gré ? Malgré nos tentatives pour le joindre, le ministre de la Justice Ismaël Madior Fall n’était pas disponible pour répondre à nos questions.
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