L’interpellation d’activistes réclamant le départ de l’ambassadeur ukrainien du Sénégal a suscité de vives réactions et des manipulations sur les réseaux sociaux.
Au nombre de douze, les activistes arrêtés au Sénégal ont été libérés au bout de quelques heures.
Arrêtés lundi devant l’ambassade d’Ukraine à Dakar, douze militants du Front pour le retrait des bases militaires françaises ont été libérés quelques heures après leur interpellation par la gendarmerie. Ils étaient venus déposer une lettre de protestation et exiger l’expulsion de l’ambassadeur ukrainien Yurii Pyvovarov, qui avait publiquement soutenu les récentes attaques contre l’armée malienne à Tinzaouatène, une région du nord du Mali en partie occupée par des groupes jihadistes et rebelles.
Une vidéo virale montre ces activistes, arborant fièrement le drapeau malien, tentant de forcer l’entrée de l’ambassade pour rencontrer M. Pyvovarov sans rendez-vous. Un gendarme, leur rappelant que l’édifice est un territoire étranger, leur a proposé de déposer leur lettre au bureau des courriers. Face à leur refus, ils ont été arrêtés puis relâchés quelques heures plus tard.
Vives réactions sur les réseaux
Cette interpellation a provoqué de vives réactions et manipulations sur les réseaux sociaux. Le média russe Sputnik, qui en a largement fait écho, affirme que ces activistes, « solidaires » du Mali, accusent également la diplomatie ukrainienne de soutenir le terrorisme international. Bamako a d’ailleurs rompu ses relations diplomatiques avec Kiev, l’accusant d’avoir soutenu les rebelles maliens dans leur attaque à Tinzaouatène.
Le député Thierno Alassane Sall, une figure de l’opposition menée contre le nouveau tandem au pouvoir, le président Bassirou Diomaye Faye et son Premier ministre Ousmane Sonko, a dénoncé ces interpellations qu’il juge inacceptables. « Ceux qui ont promis une démocratie radicale et ont exigé, hier, la liberté de manifester, même devant les grilles du Palais, ne peuvent justifier l’emprisonnement de jeunes luttant pour la souveraineté », a déclaré l’ancien ministre du Pétrole sous Macky Sall (2012-2024), ajoutant que le dépôt d’une simple lettre de protestation doit être encadré de manière à respecter les droits des citoyens.
« Mettre les émotions de côté »
L’attaque des rebelles touaregs fin juillet, également revendiquée par les jihadistes du Groupe de soutien à l’Islam et aux musulmans (GSIM), proche d’Al-Qaida, à Tinzaouatène, à la frontière entre le Mali et l’Algérie, a causé de lourdes pertes aux forces armées maliennes et à leurs partenaires russes, qui peinent toujours à éradiquer le jihadisme sur le territoire malien.
En poste depuis novembre 2021, l’ambassadeur d’Ukraine au Sénégal, Yurii Pyvovarov, a soutenu publiquement son compatriote porte-parole du renseignement militaire ukrainien, Andrey Yusov qui a reconnu l’implication de Kiev dans l’attaque des rebelles touaregs au nord du Mali.
Le ministère des Affaires étrangères sénégalais a réagi fermement, convoquant M. Pyvovarov et déclarant qu’il « ne peut tolérer aucune tentative de transférer sur son territoire la propagande médiatique en cours » dans le conflit entre l’Ukraine et la Russie. Dakar a ensuite exprimé sa « solidarité » avec Bamako contre les assaillants, qualifiés de « groupes terroristes en terre malienne », sans faire de distinction entre les rebelles du Cadre stratégique permanent pour la défense du peuple de l’Azawad (CSP-PDS) et les jihadistes du Groupe de soutien à l’Islam et aux musulmans (GSIM).
Cependant, le rappel à l’ordre adressé à Yurii Pyvovarov, dont le « credo est de faire disparaître les crapules russes en Ukraine », selon sa biographie sur X (anciennement Twitter), semble insuffisant aux yeux des autorités maliennes.
Dans un long communiqué publié le dimanche 4 août, celles-ci ont avancé de nombreux arguments, dont la publication de l’ambassadeur ukrainien, pour justifier la rupture des relations diplomatiques avec Kiev. De plus, elles ont indiqué que « des mesures préventives pourraient être prises pour éviter toute déstabilisation du Mali à partir d’États africains abritant des ambassades ukrainiennes », exprimant ainsi une méfiance vis-à-vis de pays voisins comme le Sénégal, avec lequel le Mali entretient pourtant de fortes relations commerciales et culturelles.
En visite à Bamako le 12 août dernier, le Premier ministre sénégalais avait appelé à mettre fin aux discours complotistes – souvent nourris par des réseaux et individus occultes – et travailler pour l’intérêt des deux peuples unis par des relations séculaires. « Nous devons mettre les émotions de côté et travailler sur la base de préoccupations concrètes », avait notamment déclaré Ousmane Sonko après sa rencontre avec le colonel Assimi Goita, le président de la transition du Mali.
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