D'après le Conseil hévéa-palmier à huile, au moins 900 tonnes d'huile de palme raffinée sont entrées illégalement sur le territoire ivoirien depuis janvier. Les tarifs extrêmement bas de ces huiles attirent les consommateurs, au détriment de la production locale. Ce qui fragilise les différents acteurs de la filière, à commencer par les planteurs villageois.
Avec cette concurrence déloyale, les raffineurs ivoiriens ont de plus en plus de mal à écouler leurs stocks, sur le marché national. Résultat, l'ensemble du système se retrouve bloqué. C'est le constat dressé par Henri César Sama Damalan, président de l'Association interprofessionnelle de la filière palmier à huile (AIPH) et du Groupement des industriels transformateurs d'huile de palme (GITH).
« Aujourd'hui, nos planteurs ne peuvent pas écouler leurs régimes, du fait que les usiniers de deuxième transformation - ceux qui transforment l'huile de palme brute en huile de palme raffinée - ne peuvent pas écouler leur huile de palme. Ceux qui vendent l'huile de palme brute ne peuvent pas vendre leur huile de palme brute. Et ceux qui vendent les régimes de graine ne peuvent donc pas les vendre. Donc, c'est un pan de l'économie qui est bloqué. Et si nous n'arrivons pas à juguler cette fraude, des usines vont fermer et l'on va certainement aller à la mise en chômage technique de nombreux travailleurs. »
Cette saturation du système fragilise particulièrement les planteurs villageois, maillons essentiels de la chaîne. Le pays en compte près de 45 000. Mais leur capacité à résister aux tensions du marché reste relative, analyse le professeur Salif Koné, doyen de l'UFR de Sciences économiques et sociales à l'Université Felix-Houphouët Boigny d'Abidjan.
« Leurs paramètres sont plus fragiles que les producteurs industriels étant donnés qu'ils ont moins la capacité de faire de la publicité. Ils ont moins la capacité de varier leur portefeuille de production et ils restent beaucoup sur l'huile de palme alors que la presque totalité de la production du palmier à huile peut être utilisée, comme les huiles palmistes qu'on extrait des graines. Les producteurs industriels peuvent plus facilement amortir le choc que les producteurs individuels ou villageois. » En Côte d'Ivoire, les importations ne sont pas interdites, mais elles sont strictement règlementées, comme le rappelle Fougnigué Edmond Coulibaly, le directeur général du Conseil hévéa-palmier à huile, l'organe qui régule la filière.
« Dans le principe, ce n'est pas interdit sauf s'il y a une menace pour l'équilibre de la filière nationale. Donc, on est justement dans ce cadre de menace sur l'équilibre de la filière nationale. C'est ce qui nous amène à dire stop. Il y a des règles et le Conseil est à même de dire à quelle période éventuellement on pourra ouvrir les importations des produits raffinés d'huile de palme. »
Fin 2022, la Côte d'Ivoire a connu le problème inverse, avec des exportations illégales d'huile de palme revendue plus chère dans la sous-région. Dans les deux cas, ces pratiques mettent en lumière une défaillance des douanes et démontrent que la traçabilité des flux reste un défi économique majeur pour le pays.
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