Voilà trois ans que 261 Français qui travaillaient en Arabie saoudite n’ont pas été payés par leur employeur. Le procès aux Prud’hommes vient d’être reporté. Leur avocate dénonce le manque d’engagement de l’Etat français pour défendre ce dossier.
Vincent en a gros sur le cœur. Pour lui, mais aussi pour ses anciens collègues de l’entreprise de BTP Oger International, dont le sort est toujours en suspens depuis plus de deux ans. L’audience aux prud’hommes qui devait se tenir ces derniers jours pour faire avancer ce dossier a finalement été reportée in extremis. « Pour des raisons injustifiées ! » dénonce Me Caroline Wassermann, l’avocate de Vincent et de 94 autres salariés français qui attendent toujours d’être payés. Car la maison mère d’Oger International, Saudi Oger – détenue par le Premier ministre libanais Saad Hariri – a cessé de verser les salaires lorsque son principal client, l’Etat saoudien, a ralenti le paiement de ses factures.
Vincent a eu le temps de sortir sa calculette. Selon lui, Saudi Oger lui doit 100 000 € environ, entre les salaires, les primes et les charges non versées. Pourtant, en 2009, lorsqu’il part s’installer à Riyad, capitale de l’Arabie Saoudite, Vincent signe pour une mission de rêve. Un job intéressant, une maison agréable dans le quartier de l’école française, 6 000 € brut par mois sans compter les primes d’expatriation. « Lorsque je suis parti travailler là-bas, c’était un beau challenge car l’entreprise avait de gros moyens en ingénierie et en matériel », explique cet ex-cadre embauché alors dans une usine de préfabrication d’éléments en béton.
Sauf que très vite, le métier de rêve se transforme en cauchemar. « En 2012, il y a eu une première alerte avec des retards de salaires de trois mois, se souvient Vincent. On nous a dit que notre client, le gouvernement saoudien, ne payait pas les factures. Les choses sont rentrées dans l’ordre puis se sont de nouveau dégradées en 2014 et 2015. On sentait que ça n’allait plus. » Fin décembre 2015, avec cinq mois de retard de salaire, Vincent décide de ne pas renouveler sa mission.
«Des liens entre la France et le Liban trop importants»
Il rentre en France. S'assoit sur ces quelques mois de salaires. Et sur les cotisations sociales. Bilan : quatre trimestres non cotisés. « Je dois faire une année supplémentaire avant de partir à la retraite alors que j’ai travaillé pendant tout ce temps, dénonce Vincent. Je ne parle même pas des cotisations santé ! Pour certains de mes anciens collègues qui sont très malades aujourd’hui, cette situation est une catastrophe ! »
D’autant que le dossier s’enlise. A l’Elysée, les conseillers censés gérer la crise renvoient vers le Quai d’Orsay. Et vice et versa. Alors que Saad Hariri s’était engagé à régler cette situation il y a un an, lors d’une conférence de presse donnée en France, rien ne bouge. « Les enjeux en termes de ventes d’armes, de contrats ou de ventes de matériels militaires entre la France et le Liban se comptent en milliards, poursuit Caroline Wassermann. L’Etat français ne veut pas lever le petit doigt pour aider des expatriés, car les liens entre les deux pays sont trop importants. Ce n’est plus acceptable. »
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