Selon une étude des Nations unies, le fossé numérique reste important entre le monde développé et le monde en développement, avec 3,9 milliards d’habitants sans accès à internet. Cette fracture numérique touche particulièrement l’Afrique.
C’est dans ce contexte que s’inscrit l’initiative lancée par Facebook pour rendre l’accès à internet gratuit. Générosité ou calcul commercial ? Les chiffres publiés par l’Union internationale des télécommunications (UIT), l’institution spécialisée des Nations unies, sont accablants : 75 % de l’Afrique n’a pas accès au réseau, soit trois Africains sur quatre. A titre de comparaison, 84 % des ménages sont connectés en Europe, contre seulement 15,4 % en Afrique. Toujours selon l’UIT, les dix pays en bas de l’échelle en termes de taux de connectivité sont tous africains, l’Erythrée, la Somalie et le Niger étant les pays les moins connectés avec un taux d’accès à internet inférieur à 2,5 %.
Ce fossé inquiète, car il risque d’isoler certains peuples et retarder leur développement. « Paradoxe et ironie, disait Abdoulaye Wade, que le continent qui a l’écriture soit… exclu du savoir universel ! » Causes multiples Parmi les multiples causes, les contraintes techniques et coût des infrastructures. Selon des spécialistes, ce fossé n’est pas uniforme à travers tout le continent. Il y a des différences sensibles entre les pays côtiers et qui profitent de l’arrivée des câbles sous-marins de fibre optique et les pays enclavés qui dépendent des satellites. Le fossé existe aussi entre les villes et les zones rurales. Comme le rappelait dans les pages du Monde l’année dernière Karim Koundi, responsable du secteur des technologies de communication pour l’Afrique francophone au cabinet de conseil Deloitte, « de nombreux gouvernements ont intégré dans leur stratégie la construction d’infrastructures permettant de faire remonter les fibres optiques depuis le littoral. Plusieurs programmes sont financés par la Banque mondiale, mais ce sont des investissements lourds pour des pays qui ont de faibles moyens.
Il faut tirer des milliers de kilomètres de fils, de 20 000 à 30 000 km par exemple au Tchad. » Deuxièmement, il faut tenir compte des prix prohibitifs comparés au niveau de vie. Malgré des baisses de prix sensibles des forfaits, ils restent encore trop élevés pour des populations dont les priorités sont encore basiques. Et dernièrement, il ne faut pas oublier le taux d’analphabétisme qui atteint les 50 % dans des pays comme le Burkina Faso, la Guinée, le Mali ou le Sénégal. Selon les spécialistes, ne pas savoir lire et écrire est un obstacle majeur à l’accès aux contenus du réseau et cela exclut encore un nombre trop important de citoyens des pays en développement. Phénomène du web mobile Comment peut-on combattre cette fracture numérique ? En stimulant des investissements dans le domaine des télécommunications afin de pouvoir mettre en place la fibre optique pour faciliter l’accès à la téléphonie mobile dans des régions reculées.
On sait que l’accès à l’internet se fait de plus en plus par téléphonie mobile en Afrique subsaharienne. Celle-ci est aujourd’hui la région du monde la plus dynamique en téléphonie mobile, avec une croissance moyenne de 18% par an. Le développement de la téléphonie mobile est un véritable phénomène social africain, sur lequel s’est appuyé Facebook pour lancer en 2013 sa plateforme Free Basics, avec l’objectif de rendre gratuit à terme l’accès à internet dans toute l’Afrique. L’initiative est opérationnelle dans 42 pays, dont la moitié en Afrique où la société californienne s’est alliée avec l’opérateur télécom Airtel pour permettre aux populations des pays cibles d’accéder à tout un éventail de services gratuits par Internet interposé. Débats sur la gratuité d’accès à internet Les propos qui accompagnent cette initiative sont éminemment philanthropiques. On se souvient du discours prononcé par Marc Zuckerberg, patron de Facebook : l’accès à Internet doit être inscrit dans les droits humains. Bien évidemment, cette philanthropie n’est pas gratuite, et elle fait débat.
En Inde, les autorités chargées des nouvelles technologies viennent de mettre un terme à l’initiative Free Basics. L’Egypte a fait de même. Le débat fait rage au Nigeria qui a introduit récemment la plateforme gratuite. Ces pays accusent Facebook de vouloir se substituer à internet, tout en limitant l’accès des bénéficiaires à un nombre de sites et services triés sur le volet. Par exemple, YouTube, qui appartient à Google, n’en fait pas partie. Les critiques soupçonnent Facebook d’avoir des visées commerciales et qualifient la démarche de M. Zuckerberg de « coloniale » craignant que la plateforme ne donne à Facebook et à travers Facebook aux Etats-Unis un pouvoir décisionnel sur ce que les 3,9 milliards d’habitants de la planète privés d’internet pourront regarder et lire. Pour des pays issus de siècles de colonisation, c’est une perspective pour le moins dérangeante.
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