Le Poids des mots a analysé 19 interventions du président de la République depuis le 23 août, date de sa rentrée.
Emmanuel Macron le dit sans détour dans ses discours: il «assume» une forme de provocation dans son expression. La multiplication des polémiques liées à des propos présidentiels ces dernières semaines ne doit donc rien au hasard. Il semble néanmoins que les controverses déclenchées par le président –sur le pays et les réformes, les APL ou les adversaires qualifiés de «fainéants»- n’ont que rarement à voir avec le fond de ses discours.
Nous avons utilisé Le Poids des mots pour analyser 19 interventions prononcées depuis la fin des vacances de l’exécutif jusqu’au 8 septembre. Durant cette période, le chef de l’Etat a particulièrement insisté sur l’Europe, mot le plus prononcé avec 402 occurrences entre le 23 août et le 8 septembre, soit presqu'autant que pendant trois mois de campagne électorale (436 occurrences). Les débats politiques et médiatiques déclenchés par les piques d’Emmanuel Macron n’ont eu que peu de rapport avec ce thème.
Le 24 août, au cours d’une courte tournée diplomatique en Europe de l’Est, en Roumanie, le président prononce un discours devant la communauté française de Bucarest, qui a voté à 39,5% pour lui au premier tour de la présidentielle, beaucoup plus massivement que l’ensemble des électeurs (24%). Alors que l’essentiel de son propos est consacré à l’Europe (24 occurrences dans ce discours), au travail détaché et à la relation entre la Roumanie et la France, le président prend le temps de défendre sa méthode en politique intérieure, transgressant ainsi la règle que lui-même s'était fixée de ne pas parler des affaires intérieures à l'étranger. «La France n’est pas un pays réformable, dit-il à Bucarest.
Beaucoup ont essayé, ils n’ont pas réussi parce que les Françaises et les Français détestent les réformes. Dès qu’on peut éviter les réformes, on ne les fait pas. C’est un peuple qui déteste cela. Il faut lui expliquer où l'on va et il faut lui proposer de se transformer en profondeur, mais pour mener un projet plus grand que soi. La France n’est elle-même que quand elle mène des combats qui sont plus grands qu’elle. Se réformer pour ressembler aux autres, se réformer pour répondre à un chiffre, à une contrainte autour d’une table, notre pays n’est pas fait ainsi.»
Sur le fond, rien de surprenant : ainsi que l’avait souligné Paris Match durant la campagne présidentielle, Emmanuel Macron n’aime pas employer le mot «réforme», auquel il préfère «transformation». En France, pourtant, c’est une petite partie de ce passage long de sept phrases qui marque les esprits : «Les Français n’aiment pas les réformes.» Réaction immédiate de Philippe Martinez, le secrétaire général de la CGT. Sur un plateau de télévision, il rappelle que ce n’est «pas la première fois» que le président de la République prenait les Français pour des «imbéciles» : «Ça veut dire que les Français, quand on leur propose une réforme, ils sont trop bêtes pour comprendre ce qu'on leur propose.»
Un long discours sur l'Etat version Macron... résumé à une petite phrase sur les APL
Le 5 septembre, le président de la République s’adresse au corps préfectoral. Comme lors de son récent déplacement européen, le thème du discours est clairement défini. Emmanuel Macron expose sa vision de l’Etat pendant plus d’une heure et quarante minutes. Jamais, depuis le 30 janvier, il n’avait autant prononcé le mot «Etat» (56 occurrences). Fidèle à la vision qu’il développe depuis son entrée en politique, le président demande à trois reprises aux préfets de devenir des «entrepreneurs de l’Etat», qui prennent des «risques», un mot cher à Emmanuel Macron. Et pourtant, là encore, ce n’est pas autour de cette conception de l’Etat que le débat public va ensuite s’animer. Alors que le gouvernement a été attaqué de toutes parts pour avoir décidé en juillet de la baisse de 5 euros par mois des APL, le chef de l’Etat choisit de se justifier devant les préfets.
«Je n’ai jamais entendu quelqu’un féliciter l’Etat des cinq euros d’augmentation, il y a quelques années, des mêmes APL ; pour une raison simple : les propriétaires avaient augmenté de cinq euros le loyer. J’ai été surpris du silence collectif de ne pas appeler les bailleurs sociaux, les propriétaires à baisser de cinq euros le prix du logement ! C’est ça, la responsabilité collective ! C’est ça, ce qu’il faut faire à partir du 1er octobre !
J’appelle publiquement tous les propriétaires à baisser de cinq euros le loyer par mois, si on veut accompagner les locataires ! L’Etat n’a pas à payer tout !» Les réactions ne tardent pas : les propriétaires et les bailleurs ne veulent pas en entendre parler, et les associations, qu’elles défendent le droit au logement ou les consommateurs, paraissent hésiter entre l’ironie et l’incrédulité sur cette nouvelle forme de politique du logement.
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