Plus de 20 ans après sa démobilisation, l’armée d’Haïti va reprendre de l’ampleur
A partir de ce lundi 17 juillet et jusqu’à mercredi, elle recrute: 500 jeunes, des hommes, des femmes de 18 à 25 ans. Leurs prochaines missions sont encore inconnues, car les FADH, forces armées d’Haïti, n’ont plus d’état-major ni de loi-cadre.
RFI :Qu'est-ce qui a motivé la reformation de l'armée en Haïti ?
Hervé Denis, ministre haïtien de la Défense: Nous répondons à un prescrit de la Constitution. C’est reconnu dans la Constitution du pays qu'il y a deux forces reconnues. D’abord les FADH et les forces de police. Et comme nous avons déjà la police qui est assez bien avancée, nous avons pensé que l’autre pendant devrait être mis sur place et ça a été notre travail.
Vous parlez de reconquête de la souveraineté nationale. Est-ce qu’il y a un lien avec le départ des Casques bleus de la Minustah ?
Oui, le départ des Casques bleus nous interpelle un peu à cause de l’urgence que cela pose, mais de toute façon le plan de déploiement était prévu. Et nous avons tout simplement hâté le pas pour pouvoir un petit peu être en mesure de donner de la confiance à la population, à la communauté locale, aussi bien qu’à la communauté internationale. Parce qu’après tout, notre devoir c’est d’assurer la souveraineté nationale sur plusieurs aspects. Notamment protéger d’abord le pays contre les catastrophes naturelles, protéger la frontière parce que nous perdons beaucoup d’argent à travers la contrebande, protéger l’espace maritime et protéger l’espace aérien. On est préoccupés par le terrorisme. Même si ce n’est pas un cas pressant chez nous, nous avons quand même des responsabilités régionales et internationales – parce que c’est une réalité – et cela oblige à pouvoir répondre à nos obligations en tant que pays souverain.
L’armée qui est en train d’être recrutée se focalisera donc, vous le dites, sur la protection de la frontière, l’action en cas de catastrophe naturelle. Ce sont des missions qui dépendent déjà de la police ou de la protection civile. Deux institutions qui manquent de moyens, tant financiers qu’humains. Est-ce qu’il ne faudrait pas d’abord renforcer la police ? Ce qui est un argument avancé par ceux qui sont opposés à votre armée.
Nous sommes complètement en faveur d’un renforcement de la police et nous y travaillons énormément. Mais il ne faut pas se faire d’illusions. Et chacune de ces forces a ses responsabilités. Ce serait illusoire de croire qu’une seule institution peut faire à elle toute seule le travail.
L’histoire de l’armée d’Haïti n’est pas glorieuse et beaucoup en Haïti et à l’étranger s’inquiètent d’un retour de l’armée, alors que l’armée en Haïti a été coupable d’exactions, de crimes, de coups d’Etat ?
Effectivement, il y a une partie de cette institution dont nous ne sommes pas fiers, je vous l’avoue. Mais attention ! Il y a aussi une partie dont nous sommes très fiers. N’oubliez pas que nous sommes un peuple d’anciens esclaves et que pour gagner notre indépendance nous avons dû créer une armée indigène. Et je crois que le geste héroïque de nos ancêtres mérite d’être rappelé à tout instant. Donc, cette armée indigène, nous voulons peut-être par nostalgie retrouver un peu le sens des valeurs que nos ancêtres nous ont laissées. Je crois que nous ne pouvons pas galvauder cette idée-là. Ce qu’il faut comprendre dans l’histoire c’est celui qui a le monopole des armes qui conduit. Ce n’est pas nécessairement l’armée. D’ailleurs, quand cette institution a commis des exactions, on vivait une dictature. Et c’est pour cette raison que la nouvelle institution que nous présentons… Vous voyez que c’est à dessein que j’utilise très peu le mot « armée »... C’est parce que je voulais que les gens comprennent que c’est une institution d’un nouveau genre que nous voulons créer. Que ce soit une institution qui accompagne le pays dans sa quête vers le développement.
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