Dans la cour du 134, boulevard Brune (XIVe), tandis que les experts et les entrepreneurs continuent d'étudier l'ampleur des travaux à lancer et des dégâts entraînés par l'incendie du 11 juin dernier, qui a ravagé 16 appartements, un jeune homme se ronge d'amertume.
Une amertume mêlée de beaucoup d'inquiétude, tant il est passé, en quelques jours, de l'anonymat au statut de héros. Avant d'apprendre qu'il ne pourrait voir son CDD renouvelé faute de papiers d'identité.
En sortant les poubelles il voit de la fumée
Ce jeune homme, c'est Djalega Léon Gnahore, employé d'une société de nettoyage sous-traitante de la RIVP (Régie immobilière de la Ville de Paris), le bailleur de l'immeuble dans lequel est survenu l'incendie.
Le 11 juin au petit matin, « sans Djalega, il y aurait eu des morts », répètent tous les habitants, encore profondément marqués par la violence du feu, le chaos de leur évacuation et le sauvetage, par le jeune homme, d'une vieille dame dont les cheveux avaient pris feu.
Ce matin-là, Djalega, qui sortait les poubelles comme il le fait chaque jour depuis un an dans ce groupe d'immeubles, a été le premier à voir la fumée s'échappant du deuxième étage. « Il a tapé dans toutes les portes pour réveiller les gens, il a sauvé l'immeuble en plus de sauver la vieille dame dont les cheveux brûlaient ! répète encore Jacky, un habitant voisin du bâtiment sinistré. Cet homme est courageux, sans lui que serait-il advenu ? »
L'entreprise réfute pourtant : «Nous sommes une entreprise très sociale, défend Eric Goldberg, directeur de l'agence Essi chargé des immeubles RIVP du boulevard Brune. Il est faux de dire qu'il a été licencié, nous sommes prêts à lui signer un contrat et nous attendons que sa demande d'asile aboutisse, mais nous avons au moins besoin d'un document d'identité ! »
Une mise en lumière fatale
Héros presque malgré lui, encore ému par la reconnaissance des habitants, Djalega a pourtant vu la situation se retourner brutalement contre lui : l'entreprise, Essi, lui a fait savoir qu'il ne pouvait plus travailler puisqu'il est sans-papiers…
Le 7 juillet, son contrat prendra fin.
« Pourtant ils le savaient, défend le jeune homme. Maintenant, ils disent que si je veux continuer à travailler, il faut un document que je n'ai pas… Il faut que je vive ! Ce travail, je le fais avec cœur, les poubelles, le ménage des parties communes, je fais aussi le travail d'autres agents, et souvent même on fait des déménagements ! »
Et tous les jours, Djalega vient de Saint-Quentin-en-Yvelines (Yvelines), jamais en retard à 7 heures du matin dans ces immeubles de la porte d'Orléans…
« Aujourd'hui, je regrette d'avoir été mis dans la lumière », déplore le jeune homme.
« C'est quelqu'un de bien, il ne faut pas le lâcher, on va se mobiliser ! » lance une locataire, furieuse de découvrir la situation « inadmissible ». « La RIVP est responsable des entreprises auxquelles elle recoure ! » critique-t-elle.
La RIVP souhaite l'aider
En quelques heures, la rumeur a gagné jusqu'à la mairie de Paris et la direction de la RIVP, où l'affaire est prise très au sérieux.
« Nous ne laisserons pas tomber Djalega, promet Serge Contat, le directeur général de la régie immobilière. Notre direction des ressources humaines prend contact avec lui, et nous allons tout faire pour que sa demande d'asile soit accélérée. »
Quant aux critiques sur les méthodes du sous-traitant, « quand nous passons des contrats avec des entreprises, nous nous assurons qu'elles respectent les dispositions légales du marché du travail, défend Serge Contat, mais nous ne sommes pas inspecteurs du travail, nous n'avons pas moyen de contrôler… Nous découvrons cette situation et nous trouverons une solution. »
Un poste de gardien ?
L'adjoint au logement de la maire de Paris, Ian Brossat, affiche la même volonté de ne pas laisser traîner l'affaire. « Nous avons activé tous les leviers pour que Djalega puisse être régularisé, je suis assez confiant », confirme l'élu, qui épingle au passage une entreprise qui « n'était jusqu'alors pas dérangée par le fait qu'il est sans papiers », mais peut se rattraper en signant un document appuyant son dossier de régularisation. « Le problème, c'est de gérer la situation en attendant », admet Ian Brossat, qui verrait bien, à terme… la RIVP l'embaucher comme gardien. « Il en a la compétence », assure-t-il. « Pourquoi pas », avance prudemment le patron de la régie.
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