Quand notre coeur balbutie au début d’une rencontre, difficile de savoir s’il parle bien le langage de l’amour. Certains indices peuvent nous mettre sur la voie. Quatre psys nous révèlent les comportements qui font dire « je l’aime vraiment ».
Bien sûr, il y a le coup de foudre, brutal, sans appel, qui n’entraîne aucune tergiversation. C’est l’amour fou au premier regard, même si cet emballement, à l’instar du feu de paille, ne dure parfois qu’un court moment. Et puis il y a l’amour naissant qui, lui, prend son temps pour se dévoiler. Pas forcément moins prometteur, mais plus ambigu dans ses manifestations. C’est lui dont nous parlons quand nous glissons à l’oreille d’un ou d’une amie : « Tu sais, je crois bien que je l’aime… »
Cette incertitude, loin d’invalider la force du sentiment, traduit une bataille en train de se livrer en nous. « Beaucoup d’éléments nous attirent vers l’autre – reconnaissance, confiance, sentiment de paix, de joie… – et presque autant nous en éloignent – peur d’être rejeté, de devenir dépendant, d’être envahi, de ne pas être prêt », constate la psychiatre et psychanalyste Catherine Bensaid. D’où ces trois pas en avant, un pas en arrière, valse-hésitation qui marque souvent un vif intérêt ! Décryptage des signes de cet amour naissant et encore balbutiant
Les joues roses
Bien souvent, en amour, c’est le corps qui parle le premier, même si nous nous efforçons d’ignorer les signes qu’il envoie. « L’anxiété entraîne une poussée d’adrénaline, qui provoque une accélération du rythme cardiaque, une transpiration excessive, explique la médecin et sexologue Ghislaine Paris. Mais, en même temps, le sentiment amoureux, lui, libère de la dopamine, de la sérotonine, des endorphines, à l’opposé de l’adrénaline. Ces hormones de l’amour vont entraîner une dilatation des vaisseaux sanguins, qui donne des joues roses et, moins connu, colore le cou. Ces marbrures attirent le regard. Or, le cou est une zone de fragilité par excellence chez les humains. De façon très archaïque, quand nous tombons amoureux de quelqu’un, nous présentons à l’autre cette zone, en renversant la tête, preuve d’abandon et de confiance. »
La voix également se modifie : « Les femmes ont tendance à élever le ton, à adopter une voix plus aiguë, tandis que les hommes, eux, prennent une voix plus rauque, dans le but de se séduire mutuellement », poursuit la spécialiste. En cas de doute, soyons sûr que « le corps a ses raisons que la raison ignore », pour paraphraser Blaise Pascal.
Les maladresses
Nous voulons être intéressant et nous ne sortons que des banalités. Nous voudrions faire de l’effet, mais nous renversons notre verre… « Un soir, j’allais dîner avec un homme qui me plaisait beaucoup dans un restaurant libanais. Sur la table, il y avait des crudités et un petit piment que j’ai pris pour un poivron. J’ai croqué dedans et, instantanément, ma langue a doublé de volume. Nous avons atterri aux urgences ! » raconte Marianne, 40 ans, décoratrice.
Le sexothérapeute Alain Héril voit dans ce témoignage la force du désir à l’état brut, et dans cette langue en feu, un excellent moyen d’empêcher la parole de se dire, au profit de l’émotion. « Toutes ces maladresses sont une façon indirecte d’indiquer à l’autre que nous sommes troublé par lui, qu’il nous fait perdre tous nos moyens, détaille-t-il. C’est un signe fort que nous lui envoyons, bien qu’en apparence il semble contreproductif. » Même emballement chez la psychanalyste Sophie Cadalen pour ces actes manqués : « Voilà qui est très prometteur ! Notre inconscient s’amuse à nous jouer des tours. Notre appréciation de la situation nous file entre les doigts, c’est toujours le signe d’une rencontre importante. »
Les tactiques
L’amour naissant est peuplé de doutes et de tourments. Et, parfois, de tactiques dérisoires pour les masquer. Nous feignons de ne pas attendre de coup de téléphone, nous nous prétendons pris pour la soirée, alors que nous sommes libres comme le vent, pour ensuite nous morfondre. Que cachent ces mises en scène ? « La crainte de se dévoiler, au risque d’être éconduit, répond Alain Héril. C’est notre narcissisme qui est en jeu. Elles signent souvent une mésestime de soi. »
Ajoutons encore que nous avançons en terrain inconnu, obligé de penser à la place de l’autre, de nous comporter comme nous pensons qu’il aimerait que nous nous comportions, alors que nous l’ignorons ! Le naturel n’est pas vraiment au rendez-vous… Heureusement, Sophie Cadalen nous rassure : « Aucune stratégie ne résiste à l’amour. Feindre l’indifférence ne marche que si nous sommes relativement détachés. »
« Non, ce n’est pas possible, ce n’est pas mon genre ! Et puis, c’est trop tôt, trop tard, trop… » Signe infaillible ou presque de l’amour naissant : la résistance que nous lui opposons. « Quand nous sommes en face d’un partenaire qui ne correspond pas à nos critères conscients, mais qui nous déstabilise inconsciemment, nous perdons pied, analyse Alain Héril. Dérouté, nous essayons coûte que coûte de revenir dans le droit chemin en nous raisonnant. » Ajoutons encore que, effrayé par notre désir, auquel, la plupart du temps, nous n’avons pas l’habitude de faire de la place, nous sommes tenté de fuir. Ce vertige s’accompagne d’un sentiment de panique : c’est bien beau tout ça, nous murmure une petite voix, mais si cela ne durait pas ? Autant devancer ce chagrin potentiel et fuir le bonheur de peur qu’il ne se sauve.
Les projections
Autre signe de l’amour naissant, cette propension que nous avons à nous projeter dans un futur heureux, même le plus prosaïque… « La première fois que j’ai rencontré Philippe, je me suis tout de suite vue lovée contre lui sur un canapé en train de regarder ma série télé préférée », sourit Lucille, 45 ans, infirmière. Pour Alain Héril, ces projections sont une façon de nous rassurer sur le déroulement à venir : « En nous passant un film où l’autre nous aime et nous désire, nous sautons l’obstacle de l’incertitude qui caractérise l’amour naissant. »
Sophie Cadalen met toutefois en garde contre ces projections hâtives qui peuvent traduire plus une envie d’amour qu’un amour véritable : « Je me méfie de ces scénarios où l’autre n’a pas beaucoup de place et doit entrer à tout prix dans un cadre. Aimer, c’est commencer à être prêt à faire de la place à l’autre, pas uniquement sur son canapé ! »
L'embellissement
Quand nous rencontrons quelqu’un qui nous plaît, nous tendons à minimiser les obstacles et à majorer les connivences. « Observez deux partenaires chez qui l’amour est en train de naître. Ils s’ébahissent de leurs points communs : “Enfant, tu passais tes vacances à Saint-Jean-de-Luz ? Moi aussi !” Et d’y voir un signe envoyé par le ciel », sourit Catherine Bensaid. « L’amour a cette faculté d’enjoliver la relation, mais aussi de nous rendre plus beau, plus belle, par un processus d’idéalisation de soi, remarque Alain Héril. Un sacré bénéfice secondaire qui risque de nous rendre aveugle. »
Gardons-nous de nous inventer un conte de fées, au mépris du réel. « Des jeunes femmes me racontent que si leur partenaire ne leur dit jamais “je t’aime”, c’est qu’il n’y pense pas… L’aveuglement a des limites ! » nuance la thérapeute. Beaucoup se croient amoureux de quelqu’un alors qu’ils sont simplement amoureux de l’amour. Dans ce cas, l’autre n’est là que pour combler une attente, un besoin. Comment savoir alors s’il s’agit d’amour ? Le sentiment échappe toujours au contrôle. « Nous voilà dépassé, sans intelligence aucune, ni de la situation, ni de nous-même ? N’en doutons plus, nous sommes amoureux ! Aimer est l’expérience la plus intéressante de notre vie d’humain. Alors, laissons de côté nos résistances et laissons-nous emporter », encourage Sophie Cadalen. L’amour naissant est du côté de l’aventure.
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