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Liban: deux ans sans président de la République

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Liban: deux ans sans président de la République

Le 25 mai, le Liban a soufflé la deuxième bougie de la vacance présidentielle. Malgré 39 séances tenues par le Parlement depuis la fin du mandat de Michel Sleimane, le 25 mai 2014, les députés ne sont toujours pas parvenus à élire un chef d’Etat. Les divisions internes et la rivalité régionale entre l’Arabie saoudite et l’Iran sont à l’origine de ce blocage.

De notre correspondant à Beyrouth

Pour la 39e fois consécutive, le Parlement s’est réuni, le 10 mai dernier, sans parvenir à élire un président de la République, qui est toujours un chrétien maronite, selon le système politique libanais basé sur une répartition confessionnelle des hautes fonctions de l’Etat. Le prochain rendez-vous a été fixé au 2 juin prochain, mais sans illusions. Le même scénario va probablement se reproduire. Un groupe de député se rendra à la Chambre, le quorum ne sera pas atteint et une nouvelle date sera fixée. « Les séances électorales au Parlement passent totalement inaperçues. Cela fait deux ans que cette mascarade dure et plus personne ne s’y intéresse », affirme sur un ton désabusé Fouad, un informaticien d’une trentaine d’années.

La Chambre ne parvient pas à réunir le quorum nécessaire des deux tiers – soit 86 députés sur 128 – pour élire le président, à cause du boycott d’une partie des blocs parlementaires. Le Hezbollah, son allié chrétien le Courant patriotique libre (CPL, du général Michel Aoun) et d’autres formations de moindre importance refusent d’assurer le quorum. Ils craignent qu’un candidat autre que Michel Aoun, appuyé par le Hezbollah, ne soit élu. Mais la situation n’est pas aussi simple. Car pour tenter de débloquer la situation, le chef de file de la coalition anti-syrienne du 14-Mars, l’ancien Premier ministre sunnite Saad Hariri, a frappé un grand coup : en novembre 2015, il a proposé la candidature du député Sleimane Frangié, un proche allié du Hezbollah et un ami personnel du président syrien Bachar el-Assad. Cependant, cette apparente concession n’a pas poussé le Hezbollah à modifier sa position.

Un scénario kafkaïen

L’initiative de Saad Hariri a, au contraire, compliqué le tableau. Son allié chrétien Samir Geagea, chef des Forces libanaises, hostile à l’accession de Sleimane Frangié à la présidence, a pris une décision surprenante : il a apporté son soutien à son rival de toujours, Michel Aoun. Ce mélange des cartes a pris une tournure kafkaïenne.

Le blocage présidentiel prend sa source dans les profondes divisions politiques internes, sur lesquelles sont venues se greffer la crise syrienne et la rivalité entre l’Arabie saoudite et l’Iran.

Sur le plan politique, le Hezbollah a apporté son soutien inconditionnel à Michel Aoun, qui dispose du plus grand bloc parlementaire chrétien. Il ne peut pas renier cet engagement au profit d’un autre de ses alliés – en l’occurrence Sleimane Frangié – sans risquer de se brouiller avec le CPL, qui lui assure une précieuse couverture politique au Liban et sur la scène internationale.

En outre, le Hezbollah n’est pas pressé d’avoir un président de la République, alors que ses troupes – entre 8 000 et 10 000 combattants – sont engagées dans la guerre en Syrie aux côtés du régime. Avec l’élection d’un nouveau chef d’Etat, la question de son engagement en Syrie, qui ne fait pas l’unanimité interne, risque d’occuper le cœur du débat public, et fragiliser, de la sorte, sa position. Alors qu’aujourd’hui, c’est la question de l’élection qui est au centre du débat.

De plus, le Hezbollah préfère un package deal qui porterait en même temps sur l’élection présidentielle et sur une nouvelle loi électorale pour les législatives, basée sur le mode de scrutin proportionnel. Une telle loi réduirait l’influence du parti de Saad Hariri, son principal rival soutenu par l’Arabie saoudite.

Crise institutionnelle et confrontation régionale

Au-delà de ces enjeux politiques, il ne faut pas négliger la dimension institutionnelle dans le blocage actuel. C’est la troisième fois en vingt-huit ans que le Liban connaît une vacance présidentielle. En 1988, le pays était resté sans président pendant quatorze mois, et en 2007 pendant sept mois. Cela démontre un dysfonctionnement des institutions et des lacunes constitutionnelles, qui nécessitent des réformes en profondeur, qu’aucun parti politique n’est disposé à entreprendre à l’heure actuelle. Cette crise politico-institutionnelle s’est parfaitement manifestée dans la décision du Parlement d’auto-proroger son mandat, qui devait s’achever en 2013, jusqu’en mai 2017.

La confrontation régionale entre l’Arabie saoudite et l’Iran n’a fait que compliquer la situation. Lors des précédentes crises politico-institutionnelles, les Libanais parvenaient toujours à conclure des compromis grâce au parrainage des puissances régionales influentes au Liban. C’est ce qui s’est produit lors de la crise de 2007-2008, quand, à la conférence de Doha, parrainée par Riyad et Téhéran, avec la bénédiction de la communauté internationale, un compromis avait été conclu sur une loi électorale et sur l’élection de Michel Sleimane à la tête de l’Etat. Aujourd’hui, l’Iran et l’Arabie saoudite sont plus occupés à se faire la guerre par proxys, en Syrie, en Irak et au Yémen, qu’à trouver des solutions à ces crises.

Etat végétatif

Sans président de la République depuis deux ans et avec un Parlement sans réelle légitimité populaire, le Liban n’a pratiquement plus d’institutions opérationnelles. Seul le gouvernement – qui est une coalition des principales forces politiques – continue de fonctionner mais au ralenti. Il est épisodiquement secoué par des conflits internes et c’est à peine s’il parvient à gérer – très mal – les questions courantes. Le Premier ministre,Tammam Salam, a affirmé qu’il a envisagé à maintes reprises de démissionner, mais qu’il n’est jamais passé à l’acte de crainte d’accélérer l’effondrement total des institutions.

Dans ce contexte politique difficile, le Liban reste malgré tout stable sur le plan sécuritaire, comparé à ce qui se passe tout autour de lui. L’armée libanaise et les services de sécurité jouissent d’une couverture politique locale, régionale et internationale, pour lutter contre le terrorisme et empêcher que la vague terroriste ne déferle sur le pays. Mais tout le monde sait que cette stabilité, très fragile, peut être remise en cause par l’usure du temps et le pourrissement des institutions.

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