Depuis le décès du prix Nobel de la paix Liu Xiaobo le 13 juillet dernier, son épouse Liu Xia est portée disparue. L’avocat du couple accuse Pékin d’être responsable de sa disparition. Il a déposé plainte auprès des Nations unies. Une démarche saluée par Hu Jia, militant des droits de l'homme qui a fondé le mouvement «Libérez Liu Xia». Joint aussi par RFI, il confirme que la veuve du Nobel est gardée au secret à Pékin.
Liu Xia « est gardée au secret par les autorités chinoises dans un endroit inconnu », affirme le texte déposé par Me Jared Genser auprès du Groupe de travail sur les disparitions forcées ou involontaires de l'ONU. Selon l’avocat du couple, elle est portée disparue depuis le 15 juillet, jour des obsèques de son époux, le dissident et prix Nobel de la paix Liu Xiaobo.
« J'exige que les autorités chinoises apportent immédiatement la preuve que Liu Xia est en vie et lui autorisent un accès sans restriction à sa famille, ses amis, ses avocats et à la communauté internationale », ajoute Me Genser dans ce document adressé à l’Agence France-Presse.
« Je suis très inquiet », confie l’avocat à RFI. Depuis l’obtention du prix Nobel de la paix par son mari en 2010, Liu Xia, 56 ans, était de facto placée en résidence surveillée dans un appartement d’une pièce, sans téléphone, sans Internet, sans la télévision, sans la radio, avec juste des livres à lire, rapporte-t-il. « Sous résidence surveillée, elle a énormément souffert et elle a eu des tas de problèmes médicaux. Elle a notamment fait une dépression et elle a eu une crise cardiaque », indique Me Genser.
Hu Jia inquiet pour son amie
Même inquiétude du côté de Hu Jia, l'un des militants chinois des droits de l'homme les plus connus et fondateur mouvement « Libérez Liu Xia ».
« Nous avons obtenu la confirmation qu'elle est rentrée à Pékin et habite chez des amis. Les autorités lui ont interdit de rentrer chez elle, et elle n'a pas le droit de communiquer avec le monde extérieur. Car les autorités craignent que si elles l'autorisent à rentrer, ses amis iront la voir. Moi-même, je suis sous surveillance policière et au moment où je vous parle, des officiers de la sécurité intérieure sont postés derrière moi.
Mais j'ai demandé à des amis d'aller voir chaque soir s'il y a de la lumière chez elle. D'habitude elle laisse toujours la lumière dans sa bibliothèque. Mais jusqu'à présent, ils ne voient aucune lumière. J'ai dit à la police qu'elle était dépressive et qu'elle pourrait se suicider... et qu'elle a un problème cardiaque. Ils m'ont répondu : 'ne t'inquiètes pas, si elle veut se suicider, si elle est malade - il y a toujours quelqu'un qui répond immédiatement à toute éventualité'. Les policiers m'ont assuré qu'ils ne prenaient aucun risque, car ils ne veulent pas être responsables d'un acte irrémédiable. »
Une plainte peut entraîner une pression de la communauté internationale
En déposant plainte auprès des Nations unies, l’avocat du couple espère contraindre les autorités chinoises à rendre sa liberté à une femme qu’il estime punie d’avoir épousé un homme condamné pour ce qu’il croyait et défendait. Mais il compte aussi sur la communauté internationale pour faire pression sur Pékin. « Je pense en particulier que la France, avec le Royaume-Uni et les Etats Unis devraient faire pression sur Xi Jinping en privé, mais aussi publiquement s’il ne revient pas sur sa décision. Je pense que les médias doivent raconter ce qui lui arrive », juge Me Jared Genser.
« Elle reste sans aucun doute en résidence surveillée avec autour d’elle des policiers en civil qui ne la laissent pas faire un pas sans l’accompagner », avance Jean-Philippe Béja, directeur de recherche à Sciences Po et à l’EHESS, spécialiste de la Chine. « Aujourd’hui, Liu Xiaobo est mort, on a dispersé ses cendres dans la mer. Et malgré cela, on n’a aucune nouvelle d’elle. C’est une situation totalement dramatique », dénonce-t-il.
Le processus généré par le type de plainte déposée par l’avocat du couple pourrait s’étaler sur plusieurs années.
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