Les députés cubains ont adopté dimanche 22 juillet un projet de réforme de la Constitution, qui introduit des changements profonds sur le plan économique. Ces 224 articles doivent encore faire l'objet d'un débat populaire dans les prochains mois, avant d'être soumis à un référendum.
Ce projet de réforme introduit dans la Constitution cubaine la reconnaissance du rôle du marché et l'existence de plusieurs formes de propriété, dont la propriété privée. Ce point est essentiel pour les quelque 600.000 Cubains – 13% de la population - qui exercent à ce jour une activité à leur propre compte. Ils en ont la possibilité depuis la série de réformes introduites il y a dix ans par Raul Castro. Mais jusqu’ici, rien n’était inscrit dans la Constitution. « C’est la reconnaissance des auto-entrepreneurs, mais aussi des entrepreneurs tout court, car certains embauchent des salariés. C’est la reconnaissance d’un marché du travail», pointe la politologue Janette Habel, spécialiste de Cuba.
Elle estime que ces propositions modernisent la Constitution de 1976, qui « mentionnait explicitement l’Union soviétique et faisait référence à ses statuts institutionnels ». Rien de cela dans le texte adopté dimanche 22 juillet par les députés. S’il réaffirme le caractère socialiste du système politique cubain et le principe de planification, il abandonne toute référence à une société communiste. « Cela apparaîtrait contradictoire à la population, car les petites entreprises privées modifient déjà beaucoup le paysageà Cuba», selon Janette Habel.
Des réformes économiques trop lentes ?
Les investissements étrangers sont aussi reconnus comme faisant partie de l'économie. Mais pour le Cubain Mauricio Miranda, qui enseigne l'économie à l'Université Pontificale Javeriana de Bogota en Colombie, l’attitude ambigüe de l’Etat cubain vis à vis du secteur privé reste un frein au développement. « L’investisseur étranger a des difficultés à trouver le marché attractif, parce que les transformations économiques nécessaires à une meilleure intégration de l'économie cubaine dans l'économie mondiale, n'ont pas été réalisées. Elles se font petit à petit et ça fait déjà 10 ans que ça dure », regrette-t-il. Autre obstacle selon lui : la défaillance des infrastructures.
Pour Janette Habel, la lenteur des réformes s’explique par la volonté du Parti de garder le contrôle sur une société devenue plurielle. « L’une des choses qui fragmente la société, qui est dangereuse pour le pouvoir, c’est le fait que les inégalités et la corruption ont beaucoup augmenté. Le peuple cubain n’a pas été habitué à cela. C’est un facteur d’instabilité très dangereux », soutient l’enseignante à l'Institut des hautes études de l'Amérique latine. « Pendant les débats à l’Assemblée, une députée a demandé qu'on limite la concentration des richesses. Sa proposition n'a jusqu'à présent pas été acceptée. Derrière cela, il y a les rapports avec l'exil, avec la diaspora cubaine qui est aux Etats-Unis. Elle investit déjà à Cuba par de multiples biais, ce qui suscite un vrai mécontentement chez une partie de la population. »
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