C’est la première visite officielle en Russie d’Emmanuel Macron, et elle intervient un peu moins d’un an après celle de Vladimir Poutine à Versailles. Après la volte-face de Donald Trump sur le dossier très sensible du nucléaire iranien, le président russe espère en profiter pour resserrer ses liens avec la France et avec les pays européens. De fait, il y a là une occasion en or pour le Kremlin : jamais depuis 2014 et l’annexion de la Crimée, les positions de Moscou et de Paris n’ont été aussi proches sur l’un des grands dossiers diplomatiques du moment.
C’est dans le cadre somptueux du Palais Constantin, à une vingtaine de kilomètres de Moscou, qu’aura lieu le tête-à-tête entre les deux présidents. Et le choix de ce lieu hautement symbolique ne doit rien au hasard : un après la visite au Château de Versailles, le président russe accueille son homologue français dans la résidence estivale des Tsars et dans un palais que Pierre le Grand avait confié à l’un des collaborateurs de Le Nôtre. Le clin d’œil est appuyé, et le message est clair : la Russie, elle aussi, dispose d’une histoire et d’un patrimoine prestigieux.
Au-delà du symbole, Vladimir Poutine attend beaucoup de cette rencontre, car il sait que le revirement américain sur le dossier du nucléaire civil iranien sera propice à un rapprochement de la Russie avec les pays européens. « Cela crée un contexte plus favorable et cela offre une possibilité à la France et à la Russie de trouver des points d’accroche sur un dossier qui est majeur », décrypte Arnaud Dubien, directeur de l’Observatoire franco-russe de Moscou.
« Cela ne veut pas dire qu’il y a une convergence totale, et je ne crois pas par exemple à une réédition de l’axe Paris-Berlin-Moscou qu’on avait pu observer en 2003 autour de l’affaire irakienne. Le dossier iranien est beaucoup plus complexe et les relations russo-européennes sont également beaucoup plus dégradées qu’à l’époque. Mais le paradoxe de cette affaire, et du revirement de Donald Trump, c’est que Vladimir Poutine va finir par apparaitre comme un partenaire prévisible, fiable et responsable aux yeux des responsables. »
De fait, du point de vue de la France, comme de l’Allemagne et des pays européens, Vladimir Poutine peut jouer un rôle décisif dans le dossier iranien. Notamment pour éviter que Téhéran décide de sortir définitivement de l’accord suite à la décision américaine. « La Russie peut certainement plus facilement avoir l’oreille des Iraniens que les Européens, et qu’Emmanuel Macron en particulier, estime Arnaud Dubien. La Russie et l’Iran historiquement ont des liens compliqués : ils ont longtemps été en guerre au XIXe siècle, et au début du XXe siècle, mais depuis quelques années, ils sont alliés sur le théâtre de guerre syrien. Même si cette proximité ne doit pas être surestimée, il y a là une densité de relations politiques et militaires très fortes. Et les Iraniens font donc plutôt confiance aux Russes. »
La question des sanctions
De son côté, Vladimir Poutine veut profiter de cet entretien pour jauger les intentions d’Emmanuel Macron sur ce dossier. Le président russe est encore dans l’expectative vis-à-vis du président français et doute de sa capacité à « s’émanciper » de l’allié américain.
« Macron peut se montrer plus dur ou plus conciliant, il peut se montrer pragmatique et dire que la Russie est un partenaire stratégique, ça ne changera rien, décrypte Tatiana Stanovaya, de l’institut de réflexion R.Politik. Parce que ce qu’attend la Russie, ce sont des actes, et un changement de politique à son égard, et je pense qu’il y a un certain niveau de défiance à l’égard d’Emmanuel Macron. Ce n’est pas seulement que la Russie se méfie de lui, c’est plutôt qu’elle le sous-estime… Moscou sous-estime son rôle, ses propositions, et ses ambitions. »
Dans le dossier iranien, c’est sur la question très sensible des sanctions américaines qu’Emmanuel Macron et ses partenaires européens seront jugés : la Russie veut savoir si les Européens iront au bout de leur logique et s’ils feront en sorte de réellement « protéger » leurs entreprises face aux sanctions que Donald Trump s’apprête à réactiver en Iran.
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