«Pas une exception, la règle»
Selon les procureurs, R. Kelly pensait qu'une fois mariée, la jeune fille, avec laquelle il avait eu des relations sexuelles, serait découragée de témoigner contre lui lors d'un éventuel procès. L'accusation de corruption sera scrutée de près au procès, potentiellement le premier d'une série de quatre qui attendent le chanteur, pour abus sexuels.
Mais le cas d'Aaliyah «est un exemple parmi beaucoup d'autres», explique Kathy Iandoli, auteure d'une biographie à venir sur la chanteuse décédée (Baby girl: better known as Aaliyah). «Au procès, nous allons voir qu'elle n'était pas une exception mais bien la règle» et «pour la première fois, ce mariage sera vu pour ce qu'il est: une fraction d'un système très violent», ajoute-t-elle, en déplorant que l'union ait été présentée «comme une jolie histoire d'amour». Parmi les six victimes présumées au cœur du procès, plusieurs étaient mineures à l'époque des faits.
Les féministes noires ont décidé de dire “ Ça suffit ” : nous n'allons plus protéger le patriarcat noir au détriment de la violence de genre dont nous sommes victimes
Kenyette Barnes, cofondatrice du mouvement #MuteRKelly
«Elles diront leur vérité (...) dans l'intérêt de la justice. Ça ne sera pas facile mais elles sont très courageuses», a confié à l'AFP l'avocate Gloria Allred, qui représente trois d'entre elles. Pour certaines militantes, l'impunité dont a pu profiter R. Kelly est due à sa célébrité, mais aussi au fait que la voix des victimes, des femmes noires dont les accusations ont peu été entendues, a été étouffée.
«Les militantes, principalement des femmes noires, demandent qu'il rende des comptes depuis des décennies», a expliqué Kenyette Barnes, cofondatrice du mouvement #MuteRKelly («Faites taire R. Kelly»).
Selon les Centres américains de prévention et de lutte contre les maladies (CDC), les femmes noires subissent plus d'agressions sexuelles que les femmes blanches et les statistiques montrent qu'elles sont moins enclines à signaler ces abus, par peur ou par désir de protéger leur communauté.
Mais les choses sont en train d'évoluer, selon Kenyette Barnes, pour qui la lutte contre le racisme ne doit pas masquer les questions de «masculinité toxique». «On peut être victime d'une forme d'oppression, et en faire subir une autre soi-même.» «Les féministes noires ont décidé de dire “Ça suffit”: nous n'allons plus protéger le patriarcat noir au détriment de la violence de genre dont nous sommes victimes», ajoute-t-elle. Mais pour Kathy Iandoli, le fait que le procès coïncide avec les 20 ans de la mort d'Aaliyah «a quelque chose de terrible», parce qu'il va encore accoler le nom de la chanteuse à celui de R. Kelly.
Et parce qu'elle est morte dans un accident d'avion, «elle n'a jamais reçu le titre de survivante» donné aux autres victimes. «J'espère que quand toute cette affaire sera terminée, c'est le titre qu'on lui donnera.»
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