Une croissance à 7 %, une bonne résistance aux conséquences économiques de
la crise sanitaire et des perspectives rassurantes, malgré l’ombre du conflit
russo-ukrainien.
Le Fonds monétaire international (FMI) a accordé plusieurs
satisfécits à la Côte d’Ivoire, pour l’année 2021. Malgré tout, l’organisation
internationale pointe du doigt « des risques baissiers à court-terme »
dans un contexte économique très incertain et souligne l’importance d’une
hausse des recettes, notamment fiscales.
Une croissance solide
Parmi les satisfécits accordés par le FMI à la Côte d’Ivoire, la croissance
de l’économie du pays semble s’inscrire dans une tendance longue. Limitée à 2 %
en 2020 et plombée par la crise sanitaire, le PIB ivoirien a grimpé de 7 % en
2021. Mais attention, « la
détérioration de l’environnement extérieur due à la guerre en Ukraine et les
défis liés à la sécurité dans la région devraient peser sur les perspectives
macroéconomiques en 2022 », précise le FMI.
Pour cette année, la croissance n’est ainsi estimée « qu’à » 6 %
- une légère baisse liée à la faiblesse systémique de la demande
internationale. A moyen-terme, le FMI compte notamment sur les effets des
réformes menées dans le cadre du plan national de développement 2021 – 2025
pour stimuler une croissance solide et sortir, à terme, d’une économie encore
largement centrée sur le secteur primaire.
Autre point de satisfaction du FMI, le déficit budgétaire s’est limité,
cette année, à 5,1 % du PIB, un taux largement inférieur aux prévisions initiales,
notamment grâce à une hausse des recettes liée à « des améliorations
observées dans le recouvrement des recettes douanières et dans l’administration
fiscale, qui ont compensé l’augmentation des dépenses de sécurité », selon les termes du conseil d’administration du FMI, dans ses
consultations 2022.
Mais ce taux pourrait être amélioré, selon le FMI, et tendre vers les
objectifs de l’UEOMA, qui le fixent à 3 % si le pays arrive à accroître encore
ses recettes, notamment fiscales, encore trop partiellement exploitées.
Le défi de l’objectif de convergence fiscale
Au niveau de la collecte des taxes et impôts, le pays a encore en
effet un long chemin à parcourir. Les recettes fiscales restent « bien
en deçà de l’objectif de convergence fiscale de l’Union économique et monétaire
ouest-africaine (UEOMA), qui est de 20 % du PIB », précise le Fonds
monétaire international.
Alors même qu’« il est essentiel de poursuivre les efforts en cours
pour améliorer l’administration fiscale et rationaliser les exonérations
fiscales, afin de financer les dépenses publiques en faveur de
l’investissement, de la convergence sociale et de la prestation de services
dans les régions mal desservies », poursuit le FMI.
L’une des premières pistes identifiées par les pouvoirs publics ivoirien
est la digitalisation des finances publiques.
Dans le domaine fiscal, elle a débuté avec plusieurs essais de terminaux
électroniques dans les villes de Yamoussoukro et de San Pedro, permettant de
mieux identifier les contribuables qui seraient passés sous les radars et,
ainsi, évaluer les sommes à payer et en garantir l’acquittement.
Des sites pilotes dont la vocation, à terme, est de se généraliser
dans l’ensemble du pays. Depuis le 1er février 2022, la
déclaration de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) est désormais exclusivement
souscrite en ligne.
D’un point de vue global, Amadou Moustapha
GAYE, président de la Ligue sénégalaise contre le tabac et président
de l’organisation Afrique sans tabac affirme pour La
Nouvelle Tribune qu’il est urgent, pour les pays du continent, de « disposer
d’un système de suivi et de traçabilité du tabac, fiable
dans les pays africains, comme le stipule le protocole pour éliminer le
commerce illicite des produits du tabac de l’OMS qui prévoit et recommande la
mise en place du contrôle de la chaîne d’approvisionnement, et l’instauration
d’un système totalement indépendant de l’industrie du tabac ».
Dans la région, le Togo a mis en œuvre un système de traçabilité digitale
permettant de lutter contre les trafics illicites et ainsi d’augmenter les
recettes fiscales.
Ce système, conçu et déployé par le fournisseur suisse SICPA, a récemment reçu
un satisfecit du FMI pour
l’efficacité de protection de certains produits contre les trafics illicites,
notamment les produits alcoolisés et le tabac.
Doté d’un système sécurisé de marquage indépendant des producteurs via des
vignettes de haute sécurité, d’une plateforme numérique de suivi, d’audit et de
reporting relatifs aux produits dans la chaîne de distribution, ce système
rend la pratique du commerce de contrebande et de sous-déclaration fiscale
beaucoup plus compliquée.
Au Togo, les recettes fiscales ont ainsi augmenté de 35% depuis
l’implantation de la solution en 2020, selon le rapport
2021 d’exécution du budget de l’Etat.
Le spectre inflationniste inquiète
Autre sujet d’inquiétude, l’inflation a crû de 4,2 % en 2021, en raison du
contexte mondial et de la crise de l’offre et pourrait, en 2022, encore grimper
de 5,5 %. Des taux bien au-delà des seuils fixés par l’UEOMA, qui exigent de la
limiter à 3 %. Plus inquiétant, l’inflation touche notamment les denrées
alimentaires, au grand dam des Ivoiriens.
« Tout est devenu cher sur le marché », explique ainsi
Honorine Kouamé, une habitante d’Abidjan, pour le magazine
français Challenges.
Une situation qui oblige notamment les boulangers à introduire des farines
locales, notamment au manioc, pour la fabrication des baguettes de pain, l’un
des aliments les plus plébiscités dans le pays. Mais qui se heurte encore à la
défiance d’une partie de la population. « Le pari n'est pas
gagné. Car pour l'Ivoirien, un pain au manioc est associé à un pain de mauvaise
qualité. Il va falloir sensibiliser les consommateurs à ces nouvelles
saveurs », estime René, un
boulanger ivoirien.
Le traumatisme des émeutes de la faim de 2008 a cependant poussé le
gouvernement ivoirien à plafonner le prix de certains produits de grande
consommation, comme les pâtes, le riz ou encore la viande de bœuf, mais aussi à
élargir l’assiette des prix réglementés, qui touchent désormais les secteurs du
gaz, de l’eau, de l’électricité ou encore des postes et
télécommunications.
En bref, si le pays peut se targuer d’une croissance soutenue et solide, sa
forte exposition aux évènements internationaux continue de menacer durablement
son développement socio-économique.
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