Les agriculteurs et éleveurs de Côte d’Ivoire sont dans le désarroi. Ils sont confrontés à une rareté des pluies depuis le début de l’année, et déplorent une situation qui affecte leurs activités, rapporte le site d’information scientifique scidev.net.
« Normalement, en mars, on a les pluies. Cette année, ce n’est pas le cas. Les pépinières sont endommagées, l’eau a tari. Pour le manioc et le maïs, à 85% c’est le désastre », se plaint Alain Séhi, président d’une coopérative rizicole à Facobly dans l’ouest montagneux.
Selon ses explications, la première pluie de l’année est tombée le 25 mai 2021, contrairement aux années précédentes où on avait les premières pluies en février ou mars.
« Au moment de l’épiaison, c’est-à-dire de l’éclosion des grains de riz, encore appelée accouchement, il faut de l’eau. C’est une opération sensible. Cette année, l’eau des bas-fonds a tari ; ça va jouer sur la production, les grains de riz seront vides et il y a de forte chance qu’il y ait un problème nourriture », redoute Alain Séhi.
A Duekoué, toujours à l’ouest du pays, Marcel Angahi Roland, président de l’Union des coopératives de l’ouest, affirme que depuis 2014 qu’il est dans cette ville, c’est cette année que le déficit pluviométrique est le plus criant. « L’impact direct est sur le vivrier : les ignames n’ont pu germer, les planteurs seront obligés d’acheter à manger », affirme-t-il.
Les éleveurs subissent également de plein fouet la rareté des pluies. Une situation qualifiée de « jamais vue » par Bocoum Moussa, président par intérim des éleveurs de la région du Tchologo (Ferkéssedougou, Nord).
« Les points d’eau qui servent d’abreuvoir et les barrages sont tous vides. La sécheresse a trop duré cette année. A cause du retard de la pluie, nous avons subi plusieurs dégâts ; jusqu’à présent on est en retard et il y a beaucoup de pertes d’animaux », témoigne ce responsable de la filière bétail.
Réchauffement
Pauline Dibi-Anoh, climatologue à l’Institut de géographie tropicale (IGT) de l’université Felix Houphouët-Boigny d’Abidjan, explique cette situation en disant que « depuis le début de l’année 2021, l’évolution des températures de surface de l’océan pacifique équatorial indique une tendance froide qui est en train d’évoluer vers une situation neutre ».
« De plus, des conditions froides règnent actuellement dans le golfe de Guinée au large de la Côte d’Ivoire. Ces tendances sont favorables à une diminution, voire une suppression des activités pluvio-orageuses sur les pays du golfe de Guinée », ajoute la chercheure.
Elle poursuit en précisant que le dernier rapport du Groupe d’experts international sur l’évolution du Climat (GIEC) prévoit un réchauffement de 1,5°C d’ici 2030 si des mesures fortes d’adaptation et d’atténuation ne sont pas prises.
« Sur les 50 dernières années, un réchauffement d’environ 0,5°C est déjà observé sur l’ensemble du continent africain. Cela est inopportunément assorti d’une évolution des caractéristiques des événements climatiques extrêmes telles que la sècheresse et les inondations », explique Pauline Dibi-Anoh.
Toutefois, à en croire Diomandé Beh, spécialiste en hydro-climatologie et environnement à l’université Alassane Ouattara de Bouaké, « on aura un trimestre juin à août avec des pluies qui provoquent des inondations mais sans impact réel sur les cultures et les plantes ».
« Le monde agricole ne profite que des pluies bien réparties dans l’année plutôt que des pluies sur une courte période avec des conséquences néfastes. Le paysan ne fait qu’une agriculture essentiellement sous pluie. Cette année, la campagne agricole est menacée, créant une insécurité alimentaire », analyse l’universitaire.
Solutions
Face à cette situation, l’ingénieur agronome Coulibaly Bema, spécialiste de l’agriculture biologique et durable, recommande aux agriculteurs de semer des variétés de cultures vivrières qui, en plus d’être précoces, doivent aussi être résistantes à la sècheresse.
« Les variétés précoces sont des variétés qui mettent moins de temps pour arriver à maturité que les variétés anciennes. On a par exemple des variétés de maïs à 60-75 jours après semis et du riz à 90 jours après semis », explique l’agronome.
« Pour les cultiver, chaque agriculteur doit profiter de chaque pluie pour réaliser une part importante de ses travaux », dit-il.
A sa suite, Stanislas Gbahi, expert en élevage à Daloa (Centre-Ouest), conseille aux éleveurs de faire des champs de fourrage constitués essentiellement de pennisetum et de panicums.
« Ces herbes sont des aliments de soudure quand les pluies deviennent rares. Elles sont données aux animaux lorsque les ressources naturelles sont épuisées. Les éleveurs doivent aussi créer des points d’eau dans le versant des parcs ou des forages si nécessaire », prescrit l’expert.
Mais, par-dessus tout, Coulibaly Béma estime qu’il revient aux pouvoirs publics d’élaborer une politique de gestion visant à réduire les risques en piégeant une partie de ces pluies qui tombent pour donner la chance aux agriculteurs de rentabiliser leur temps de travaux.
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