Le Parti démocratique de Côte d’Ivoire (Pdci) a définitivement tourné le dos à ses alliés de la coalition du Rassemblement des houphouétistes pour la démocratie et la paix (Rhdp), créée le 18 mai 2005. 13 ans après, le divorce a été prononcé bruyamment à Daoukro, à la faveur du Bureau politique, qui s'y est tenu le lundi 24 septembre 2018.
En fait, le président du Pdci, Henri Konan Bédié, et les décideurs de ce parti n'ont fait que reconduire la même décision déjà prise lors du Bureau politique du 17 juin 2018, qui avait prononcé la rupture d'avec le parti d'Alassane Ouattara, le Rassemblement des républicains (Rdr) et les autres partis membres de l'ex-coalition Rhdp, qui s'était, entre-temps, muée en un groupement politique.
En effet, au conclave de Daoukro, « le Bureau politique (a) décid(é) du retrait du Pdci-Rda du groupement politique Rhdp ». Mieux, le Bureau politique a « endoss(é) le retrait du Pdci-Rda du processus de mise en place du parti unifié ». En clair, Bédié et ses partisans ont réaffirmé leur volonté de ne guère s'associer au projet de parti unifié, porté par Alassane Ouattara.
Dès lors, la rupture est désormais consommée entre le parti de Bédié et ses amis d'hier. Par cette position de raideur, le parti septuagénaire ruine tout espoir d'un rapprochement avec ses compagnons de la coalition du Rhdp. L'éventualité d'un retour en arrière semble irrémédiablement exclue, d'autant que Bédié et le Pdci se préparent à contracter un nouveau mariage, à peine le divorce prononcé. De fait, à Daoukro, « le Bureau politique (a) donn(é) mandat au président Henri Konan Bédié, président du Pdci-Rda, pour engager des négociations pour la mise en place d'une plateforme de collaboration avec les forces vives de la nation et les partis politiques qui partagent sa vision d'une Côte d'Ivoire réconciliée et pacifique ».
En d'autres termes, Bédié envisage de former une nouvelle alliance ou coalition, dans la perspective des élections de 2020.
Nul doute que ce retournement de situation va bouleverser le paysage politique national. Et mieux, crisper davantage la situation sociopolitique. Il faut, en effet, craindre que ce divorce Bédié-Ouattara ne ravive les tensions politiques. Avec pour corollaire le réveil des vieux démons des années 90. Qui ne se souvient pas de la spirale de la violence qui a conduit au renversement du régime Bédié ? Faut-il le rappeler, tout est parti de la guéguerre entre ces deux hommes d'Etat qui aspiraient, tous les deux, au fauteuil présidentiel. Pour lui barrer la route, le président du Pdci a fondu sur Ouattara tel un rouleau compresseur. La suite, on la connaît. Le pays a sombré dans la violence et on est allé de coup de force en rébellion.
Une vingtaine d'années après, la même tragédie guette le pays. Les mêmes causes provoquant les mêmes effets. L'on est fondé à craindre le pire, d'autant que les deux alliés d'hier n'avaient de cesse de répéter que la stabilité du pays tient au maintien de leur alliance. En clair, tant qu'ils resteront « mariés », le pays sera à l'abri des turbulences semblables à ce qu'il a été donné de voir vers la fin des années 90. Or, voilà qu'ils ont fini par « couper igname ». Moralité: il faut craindre de revivre les drames d'il y a plus d'une décennie.
Déjà, s’amoncellent les signes de ce regain de tension. Avec les poursuites judiciaires engagées contre le Pdci et des cadres de ce parti. Comme du temps où Bédié traquait Ouattara comme un impitoyable chasseur d'esclave. A cela s'ajoute la destitution d'élus issus du parti à l'emblème d'éléphant. Des coups tordus qui ont tôt fait de révulser le Pdci, lequel a récemment menacé, à mots couverts, de rendre la pareille à Ouattara et ses partisans, si le vent venait à tourner demain. En effet, au cours d'une conférence de presse qu'il a tenue au siège du Pdci à Cocody, il y a quelque temps, le Secrétaire exécutif en chef de ce parti, Maurice Kakou Guikahué, a laissé entendre que cette façon de faire la politique (intimidations, menaces de cadres) va constituer « un précédent grave pour la gouvernance future ».
En d'autres termes, ceux qui pourraient succéder aux actuels tenants du pouvoir seraient tentés de leur faire payer les actes qu'ils posent aujourd'hui. C'est dire si l'avenir s'annonce orageux.
Et cela, d'autant que la nouvelle coalition qu'envisage de constituer le Pdci pourrait renverser la vapeur à l'issue de la présidentielle de 2020. En effet, ayant divorcé avec ses alliés d'hier, Bédié se prépare à contracter un nouveau mariage avec les « Tous contre Ouattara ». Le Sphinx de Daoukro n'écarte pas de former une nouvelle plateforme avec les partisans de l'ancien régime Gbagbo, les Soroïstes et ceux qui tiennent la réalité du pouvoir au sein des partis comme le Mfa, le Pit, l'Upci; sans compter des citoyens frustrés par la politique économique et sociale d'Alassane Ouattara. Face à cet ogre, Ouattara et le Rhdp pourraient avoir de gros soucis à se faire en 2020.
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