Elle est aussi attendue que redoutée. La bataille pour la composition de la nouvelle Commission électorale indépendante (Cei) aura bel et bien lieu. Quand ? La date n'est pas sue. Mais cela devrait se faire dans les prochains mois, une fois la page des municipales et régionales, définitivement tournée.
Alassane Ouattara, le chef de l’État, avait annoncé, mercredi 5 septembre 2018, que la réforme de l'organe électoral concernait « l'élection présidentielle de 2020 ». Une annonce qui avait heurté l'opposition dans la mesure où elle s'attendait à l'installation d'une nouvelle commission électorale avant même les élections locales. Une partie de cette opposition a préféré boycotter le scrutin du 13 octobre.
Il est, aujourd'hui, une certitude. La présidentielle d'octobre 2020 sera organisée par une commission électorale différente de celle présidée par Youssouf Bakayoko. Nul ne sait le format de la prochaine commission. Mais si on considère que les prochaines élections doivent être « inclusives et sans violence » (cf. discours à la nation du président de la République du 6 août 2018), il est sans conteste que la composition de la future Cei fera l'objet d'un débat élargi non seulement aux forces politiques, mais aussi, à la société civile (activistes des droits de l'Homme, corps professionnels, religieux, chefferie traditionnelle). Cette perspective laisse entrevoir de rudes batailles, un jeu d'alliances et des tractations de toutes sortes.
D'abord, il faudra négocier un consensus sur le format de la nouvelle Commission électorale : attributions ; composition et organisation...Ensuite, discuter des responsabilités, avec la question cruciale de la présidence. On sent venir des joutes inédites entre une société civile, partisane d'une Cei « dépolitisée », et une classe politique à la fois vorace et calculatrice. On sent venir aussi une rivalité au sein du personnel politique : d'une part, le Rhdp parti-unifié ; d'autre part, le Pdci-Rda et ses nouveaux alliés. Les uns et les autres voudront, à défaut de contrôler l'organe électoral, s'assurer que l'adversaire n'a pas une totale emprise sur la Commission.
Illustration. Le contexte post-municipales et régionales du 13 octobre 2018 donne une parfaite illustration de la bataille Pdci-Rhdp à venir. Le parti septuagénaire conteste les résultats dans de nombreuses circonscriptions et estime que la Commission électorale est de connivence avec le Rhdp. Face aux nouveaux élus Pdci-Rda, vendredi 26 octobre 2018, à Daoukro, Henri Konan Bédié n'a pas donné dans la langue de bois, accusant la Cei d'avoir « purement et simplement » inversé certains résultats au profit du Rhdp- parti unifié. Quatre jours après, Jean-.Louis Billon, secrétaire exécutif du Pdci-Rda, affirmait, en conférence de presse, que l'actuelle Cei « est inféodée au Rhdp » et qu'elle a « montré ses limites ». Entreprenant, M. Billon a lâché : « si nous voulons que les élections présidentielles de 2020 soient crédibles et nullement entachées d'irrégularités, il faut revoir complètement la Cei, avec un nouveau président qui n'est pas issu d'un parti politique ».
Bien sûr, au Rhdp, on ne pense comme au Pdci-Rda, que la Cei, dans son format actuel, est disqualifiée. On ironise même sur les griefs du vieux parti puisque Youssouf Bakayoko, président de l'institution, est, à l'origine, un militant du Pdci-Rda. Le Rhdp unifié voit dans l'attitude de son ex-allié celle du mauvais perdant. «Vous ne pouvez pas être content et féliciter la Cei parce que vous avez gagné et jeter l’opprobre sur la même institution lorsque vous avez perdu quelque part », a réagi Dah Sansan, président des jeunes du Rhdp, dans une interview exclusive à L'inter parue le vendredi 2 novembre 2018. Ce leader de jeunesse, soutien indéfectible à Alassane Ouattara, a déclaré au sujet de la prochaine Commission électorale : « Pour la présidentielle de 2020, il va y avoir une harmonisation au niveau de la Cei. Laissons le soin au chef de l’État de conduire cette politique qui va donner une Cei totalement acceptable et acceptée ».
Les débats autour de la future Cei seront vifs, intenses, à l'aune de la querelle post-électorale actuelle. Il faut seulement espérer qu'un consensus soit trouvé parce que, de la confiance dans cette commission, dépendra l'environnement électoral en 2020.
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