Dans un décryptage qui précède une interview de Michel Gbagbo, le site français Marianne parle de la situation en Côte d’Ivoire ces derniers mois, au moment où se tiennent les jeux de la francophonie. Le confrère évoque la guerre intestine au sommet de l’Etat entre les clans Ouattara et Guillaume Soro, relative à la présidentielle de 2020. A ce sujet, Marianne révèle celui pour qui le cœur de l’Elysée bat.
"Six ans après la chute de Laurent Gbagbo, les Jeux de la Francophonie à Abidjan devaient être la vitrine d'une Côte d'Ivoire renaissante. Son fils, Michel Gbagbo, revient pour Marianne sur l'incapacité de Ouattara à réconcilier le pays et sur les quelque 200 détenus politiques "la plupart dans un état de santé délétère". Décryptage et entretien.
Organisée à Abidjan, six ans après la chute de Laurent Gbagbo, la huitième édition des Jeux de la Francophonie devait entre autres choses sceller le retour à la normale dans un pays durablement déstabilisé par une guerre civile qui fit plusieurs milliers de morts. Il reste encore deux jours avant la cérémonie de clôture prévue le 30 juillet mais pour l’heure, en dépit des satisfécits de rigueur, le bilan de l’événement semble plutôt très mitigé. Nombre des compétitions et manifestations ayant réuni près de 4000 athlètes et artistes de 43 pays se sont déroulées devant de bien maigres assistances. A tel point que le 24 juillet les restaurateurs du village des partenaires, monté dans le quartier de Treichville, ont exprimé leur mécontentement dans les rues de la capitale, s’estimant floués par les promesses des organisateurs d’attirer près de 50 000 personnes.
Le régime d’Alassane Ouattara, le tombeur de Laurent Gbagbo, avait pourtant mis les petits plats dans les grands, n’hésitant pas à consacrer des sommes importantes à la rénovation de stades, sites sportifs et infrastructures de base. Mais, comme l’affirme dans l’interview ci-dessous Michel Gbagbo*, fils aîné du président déchu dont le procès se poursuit à La Haye, les Ivoiriens ont peut-être d’autres préoccupations en tête, les chiffres flatteurs d’une croissance paraît-il retrouvée, n’ayant guère amélioré l’ordinaire de l’immense majorité de la population.
De sérieux doutes sur le "miracle ivoirien"
Surtout, bien que réélu en 2015, Ouattara n’a pas su, pu ou voulu mettre en actes la petite musique de la « réconciliation nationale » restée à ce jour, pour l’essentiel, une simple formule destinée à rassurer la fameuse « communauté internationale » qui ne lui avait pas mégoté sur son soutien lors de la crise électorale de 2010. Si les investisseurs étrangers sont bien revenus, certains commencent à douter de la solidité du « miracle ivoirien » à moyen terme. Malgré une pacification apparente, les tensions intercommunautaires restent vives et le clan des vainqueurs de 2011 est lui-même déchiré par les guerres intestines. Depuis des mois ainsi, les ex-rebelles du Nord, alliés décisifs (avec la France…) de Ouattara en 2011, réclament le prix de leur engagement militaire à ses côtés. A la suite de plusieurs mutineries, en janvier et mai dernier, plus de 8000 d’entre eux, intégrés dans les Forces républicaines de Côte d’Ivoire (FRCI) ont finalement touché une prime de 18 000 euros.
Mais ceux qui ont été démobilisés sans autre contrepartie sont à leur tour entrés dans la danse, volant des armes ou attaquant une gendarmerie à la veille même de l’ouverture des Jeux. La présence de 10 000 policiers, gendarmes et militaires pendant toute la durée des Jeux a probablement dissuadé les plus remontés d’entre eux de tenter un coup d’éclat mais qu’en sera-t-il demain ? Nommé à la Défense courant juillet, l’ancien ministre de l’Intérieur Hamed Bakayoko, un des piliers du régime, en a appelé à la « loyauté » et à la « discipline » de l’armée. Même si Ouattara le trouve encore un peu jeune (61 ans…) pour lui succéder, lui songe déjà à la prochaine échéance électorale, la présidentielle de 2020.
L'ambitieux Guillaume Soro
Mais sur la route menant à la fonction suprême un autre ambitieux entend désormais jouer sa propre partition : Guillaume Soro, l’ancien chef de la rébellion anti-Gbagbo et actuel président de l’Assemblée nationale. Soro, que l’on dit plutôt bien vu du côté de l’Elysée, a pris peu à peu ses distances avec la présidence Ouattara et réclame désormais à tue-tête… la libération des prisonniers politiques pro-Gbagbo pour en finir avec « la justice des vainqueurs. » Mieux : celui qui fut l’ennemi mortel de l’ancien président vient il y a peu de lui demander pardon pour les « erreurs » commises en 2002 (la sécession de fait du pays), draguant ouvertement son électorat comme celui du PDCI d’Henri Konan Bédié, le vieux parti fondateur de la Côte d’Ivoire moderne. La guerre de succession ne fait que commencer mais elle sent déjà la poudre."
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