Au moment où les Ivoiriens se réjouissent, avec les autres Africains de vivre l’épilogue du procès de Gbagbo Laurent à la CPI, ils ne peuvent s’empêcher d’être traversés de menus questionnements qui, parfois, dérangent.
Ainsi, que compte la Côte d’Ivoire et que pèsent les Ivoiriens en ce monde pour qu’après une guerre civile, qui aura couté officiellement 3 000 vies, (mais réellement jusqu’à 15 000), il ait été décidé d’engager hors du territoire, une action judiciaire qui, après dix longues années, se délite d’elle-même aux yeux de tous ?
Cette surpuissante autorité mondiale pourra-t-elle annoncer bientôt l’ouverture de la seconde phase du procès, celle de toutes les forces politiques et militaires qui, lors de cette crise post électorale, ont eu à faire face au camp Gbagbo-LREM ?
Et si cela arrivait, pendant combien d’années pourrait-on encore servir des épisodes et les rebondissements de roman feuilleton à une opinion générale qui, à coup sûr, s’en désintéresserait bien vite, plus d’une décennie après les faits ?
La Côte d’Ivoire retiendra-t-elle gloire ou humiliation, dans les livres de son histoire, d’avoir eu un de ses anciens chefs d’état placé en détention et jugé sur dix longues années, sans qu’il puisse sortir de cette montagne politico-juridique un message fort pour la suite de son destin ?
Peut-on imaginer de voir se succéder à la barre, aux lointains Pays Bas, d’autres figures connues, et peut-être-même emblématiques pour certaines de la scène publique Ivoirienne ?
Et même si c’est la logique dure et implacable du droit universel qui devait l’imposer, que subsisterait-il de l’image de la Côte d’ivoire que ce procès a déjà classé dans les républiquettes tropicales auxquelles ce genre de régime mérite d’être infligé ?
Tout cela, Ivoiriennes et Ivoiriens, pour revenir sur l’appel lancinant et inlassable de toutes les bonnes volontés à nous battre pour réaliser notre réconciliation et ne plus revivre, le cauchemar de cette crise de 2010/2011.
L’ordre constitutionnel républicain nous mande de tenir des élections générales fin 2020, et nous nous devons tous de nous y préparer ; ce qui est heureusement en cours pour tous, tous bords politiques confondus.
Mais est-il intellectuellement et pour le simple principe possible d’imaginer que des élections organisées par l’organe qu’est la CEI actuelle puissent aboutir à des résultats de consensus ?
L’avis défavorable de la CADHP, même si, de toute évidence, il ne porte pas force de coercition sur le gouvernement en place, a un relent d’appel prophétique à éviter une autre apocalypse.
L’insistance de tous les partis politiques, ONG et autorités religieuses et traditionnelles, à ne pas sauter ce mauvais pas, ne devrait pas continuer à être considéré par les frères du RHDP comme un signe de faiblesse ou un refus d’engager une compétition perdue d’avance. Non, c’est simplement par devoir de conscience vis-à-vis du pays et de la nation, toujours en regard de l’intermède douloureux et avilissant de 2010-2011.
C’est le lieu d’interpeller le candidat du bloc RHDP au pouvoir, déjà sonné favori et vainqueur par toutes les trompettes de la République, sur le retard qu’il met à s’imposer à lui-même la réaction barrière de la loyauté positive et de la justice.
Que pourrait valoir une victoire, au niveau politique suprême, si elle devait se bâtir sur un terrain imprégné des cendres de la suspicion, de la frustration, et de la haine ?
Ne serait-ce pas entériner et assumer que la Côte d’Ivoire est désormais constituée de deux blocs engagés en un affrontement irréductible ?
Le Grand Candidat qui est celui qui a conduit les entretiens et les échanges entre pouvoir et forces de l’opposition, n’est-t-il pas le mieux placé pour demander leur reprise quitte à passer le flambeau de leur coordination à d’autres responsables, choisis dans les deux camps, ou sans étiquette ?
En dehors de la CEI et sur un tout autre registre, nous demeurons tous perturbés par le soupçon lourd, et récurrent de fraude organisée à grande échelle sur l’accès à la citoyenneté Ivoirienne. Il est certainement encore plus urgent et important à dévider que tout, parce qu’il constitue à lui seul une justification à reporter toute élection.
Ivoiriennes et Ivoiriens un regard sur notre récente histoire et notre responsabilité à tous dans ses errements devrait nous imposer à tous, désormais, humilité et souci d’œuvrer pour l’union et la convivialité. Nul n’est grand, aucun groupe ne devrait prétendre à la domination, et la belle image du pays imprimée par le Président Houphouet est aujourd’hui en lambeaux.
Oui nous sommes pressés d’aller aux élections de fin Octobre 2020, mais la Côte d’Ivoire est encore plus pressée et fébrile de les voir se tenir propres et sans frustrations, en un contexte de réconciliation et de fraternité vraie.
Fait le 3 juin 2020, Le Président du MFA Kobena Anaky
Politique
Elections 2020/ Anaki Kobéna : « Il est encore temps de se parler et de se réconcilier » (Déclaration)
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