Bien qu’il ait répété à maintes reprises qu’il ne sera pas candidat à sa succession en 2020 pour un 3e mandat à la tête de la Côte d'Ivoire, le président Alassane Ouattara laisse désormais planer le doute sur cette volonté. Sa dernière sortie sur France 24 relative à ce sujet en est la cause et alimente les débats.
En effet, le chef de l’Etat ivoirien a laissé entendre en fin d’interview sur la chaîne française que « en politique, on ne dit jamais non », non sans avoir relevé que l’actuelle constitution lui permet d’être candidat. Auparavant, le président Ouattara a réaffirmé au journaliste qu’il avait dit qu’il ne briguera pas un 3e mandat. Malgré tout, ce bout de phrase du président jette un doute sur sa sincérité. Ce qui suscite des questions, et celles que nous posons sont celle-ci : « Ouattara peut-il oser se présenter pour un 3e mandat, lui qui a de tout temps accusé et accuse toujours son prédécesseur Laurent Gbagbo d’avoir voulu rester longtemps au pouvoir et par tous les moyens ? C’est d’ailleurs l’un des arguments retenus par la CPI contre l’ex-président ivoirien en ce moment en jugement. Le retard de la tenue des élections, les nominations à la tête des institutions de la république, le contrôle de l’armée, tant d’arguments présentés par l’opposition dont Ouattara était une figure de proue pour affirmer que Laurent Gbagbo préparait son maintien au pouvoir, y compris par des élections truquées.
Or cinq ans après son arrivée au pouvoir, pour briguer un deuxième mandat, le président Ouattara a recouru presqu’aux mêmes pratiques pour préparer sa réélection. Le juge Koné Mamadou, acquis à sa cause, a été nommé au Conseil constitutionnel et a fait le travail qu’il fallait avec la trouvaille de la « candidature dérivée ». Youssouf Bakayoko, président de la Commission nationale électorale (CEI) dont la responsabilité est engagée dans la crise électorale de 2010, a été maintenu par Ouattara, contre vents et marées. Les cris des opposants et de la société civile ne l’ont point fait fléchir. La question de l’insécurité avec des FRCI et des dozos qui empêcheraient les opposants de faire aisément campagne dans le nord, dans des zones favorables à Ouattara, n’a pas été réglée.
Conséquences, certains candidats ne sont pas à l’élection, d’autres n’ont jamais fait campagne dans le nord. D’autres ont simplement boycotté le scrutin. Bref ! A la fin, Ouattara a gagné avec un score soviétique. Plus de 83% des suffrages exprimés, avec un taux de participation très controversé. Tout était réuni pour qu’il n’en soit pas autrement.
Une fois réélu, le président Ouattara met en exécution un de ses projets, la révision de la Constitution. Là également, les choses ont été faites selon lui. Les avis des opposants et de la société civile ne sont pas pris en compte. Conséquence, la population a boudé le référendum, (42%) de taux de participation. Au-delà des avancées que cette nouvelle constitution devrait apporter aux populations, surtout sur le plan social, et même politique par la pérennisation du pouvoir exécutif grâce à la création du poste de vice-président de la république, l’on soupçonnait le président Ouattara de faire le lit à son éventuel 3e mandat. Pour cause, les articles de l’ancienne constitution sur la nationalité des candidats, le verrou de l’âge, l’exigence d’une bonne santé des candidats et sur la limitation des mandats ont été modifiés, sinon purement et simplement supprimés.
Au regard de tous ces éléments, et le fait que la nouvelle constitution fait table rase du passé dont ces deux mandats, le président Ouattara peut se présenter, s’il le veut. D’ailleurs, ses partisans ont soulevé le débat juste après l’adoption de la nouvelle constitution. C’est en cela que « en politique, on ne dit pas non », du chef de l’Etat fait craindre qu’il pourrait se représenter en 2020.
Seulement, la déclaration de Ouattara vient après celle qu’il a faite à l’endroit de Robert Mugabe, suite au soulèvement des militaires zimbabwéens qui ont demandé la démission de celui qui a régné sur leur pays pendant 37 ans. Le président ivoirien conseillait Mugabe de partir « dans la dignité » pendant que ce dernier contestait le coup de force de l’armée et voulait rester coûte que coûte. Finalement, guidé par la sagesse, Mugabe a démissionné du pouvoir.
Certes avec un 3e mandat, Ouattara n’aura fait que 15 ans au pouvoir. Mais c’est ainsi qu’ont fait tous les autres pour avoir cette longévité au pouvoir tant décriée. D’un mandat à deux, puis changement de constitution à révision de loi fondamentale pour briguer deux autres mandats, est le modèle utilisé par plusieurs chefs d’Etat africains pour demeurer encore au pouvoir aujourd’hui. Mais la fin humiliante de certains d’entre eux est ce qui devrait attirer l’attention du président Alassane Ouattara, à commencer par Laurent Gbagbo qu’il a critiqué, Blaise Compaoré qu’il héberge. Sans oublier ceux qui souffrent en ce moment de leur volonté de changer la constitution de leur pays pour demeurer au pouvoir. Par exemple, Faure Gnassingbé du Togo, dont Ouattara est un père spirituel.
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