Acte 1. Ce dimanche 18 novembre 2018, le Rassemblement pour la Côte d'Ivoire (Raci) tient son 5e conclave ordinaire, dans une salle comble du palais des congrès du Sofitel Hôtel Ivoire. Guillaume Kigbafori Soro, sans être physiquement présent au conclave, est la principale attraction.
Le président de l'Assemblée nationale est président d'honneur du Raci, un mouvement majoritairement constitué de militants et sympathisants du Rassemblement des républicains. A la tribune, Kanigui Soro, député de Sirasso et président du Raci, lance, conquérant : « Le devoir vous appelle. Il urge pour Soro Guillaume de poser un acte fort. Il s’agit pour lui de libérer le peuple de Côte d’Ivoire en se portant candidat à l’élection présidentielle de 2020 ». Dans la foulée, Kanigui Soro annonce que les députés membres du Raci pourraient bientôt constituer leur propre groupe parlementaire à l'Assemblée nationale.
Le conclave du mouvement pro-Guillaume Soro a eu une envergure internationale. De nombreuses personnalités, ministres ainsi que des parlementaires venus du Sénégal, de la Guinée et du Congo-Brazza, ont fait le déplacement.
Personne-surtout pas les militants du Raci- n'ignore que l'entregent de Guillaume Soro n'est pas étranger à cette présence africaine.
« On n'a plus peur, on ne va plus se cacher », lâche un militant du Raci à l'oreille de notre reporter (In L'inter du lundi 19 novembre 2018). L'ambiance est festive. Tous semblent satisfaits. La démonstration de force a eu lieu. Le coup est presque parfait pour Guillaume Soro qui, stratégiquement, a préféré ne pas se rendre au Sofitel Hôtel Ivoire.
Acte 2. A l'hôtel Gestone, à Cocody-Riviera 2, a lieu, dimanche 25 novembre 2018, l'assemblée générale constitutive de l'Union des anciens de la Fesci (Una-Fesci). L'activité réunit, au même lieu, des figures connues de la politique ivoirienne ayant animé le mouvement syndical : Eugène Djué, Tohou Henri, Jean Blé Guirao, Karamoko Yayoro, Martial Ahipeaud et un certain Guillaume Soro. C'est une tribune idéale pour l'ex-chef des Forces nouvelles. En délicatesse avec son parti, le Rassemblement des républicains, le député de Ferké n'a eu que de rares occasions d'expression publique, ces dernières semaines. « La Côte d'Ivoire nous appartient à tous. Je veux souhaiter que la paix, la réconciliation, soient une réalité pour tous les Ivoiriens. Que tous ceux qui se sont sentis exclus, à un moment donné, puissent se sentir et se convaincre de réintégrer la famille ivoirienne », prêche Guillaume Soro. Il souhaite le retour d'exil de Koffi Serge dit Stt et Damana Pickas, des anciens de la Fesci. Guillaume Soro espère que, « par la grâce de Dieu », Charles Blé Goudé, l'ex-leader des jeunes patriotes, lui aussi ancien du mouvement syndical, sera relaxé par la Cour pénale internationale.
Ce vœu de voir Charles Blé Goudé, un jour, libre, aux côtés de ses amis anciens « fescistes », ne saurait être anodin. Quoiqu'ayant appartenu, tous les deux, au mouvement estudiantin, Guillaume Soro et Charles Blé Goudé se sont livrés une guerre féroce dans les années 2000 : le premier étant chef de la rébellion ; le second chef des jeunes patriotes. En appelant implicitement à la libération du dernier ministre de la Jeunesse de Laurent Gbagbo et en demandant le retour en Côte d'Ivoire de Damana Pickas, Guillaume Soro se pose en réconciliateur et tente de prendre une hauteur...présidentielle.
Acte 3. Lundi 26 novembre 2018, le président de l'Assemblée nationale est allé présenter ses condoléances aux familles biologique et politique d'Abou Drahamane Sangaré, ponte du Front populaire ivoirien, disparu le samedi 3 novembre 2018. Guillaume Soro s'est fait accompagner de quelques lieutenants : les anciens ministres Alain Lobognon et Affoussiata Bamba-Lamine. Quand il prend la parole devant les ténors comme Simone Gbagbo, Laurent Akoun et Koné Boubacar, M. Soro ne se contente pas de vanter les qualités d'homme serein du défunt, il décide de lui présenter son pardon pour la souffrance que ce dernier a pu endurer en raison de sa «gouvernance» et de ses «actions» en tant que Premier ministre. « Aujourd'hui, devant la dépouille, je suis là, je vous demande pardon », dit, l'air contrit, le député de Ferké.
Quelques heures après sa présentation de condoléances, le « pardon » de Guillaume Soro fait le buzz. Entre ceux qui sont assurés d'une attitude de circonstance et ceux qui, au contraire, encouragent l'engagement au service de la réconciliation de l'ancien Premier ministre, le débat est relancé. Sans doute, cela importe peu pour Guillaume Soro. Dans cette ambition présidentielle qui se précise, au fil des semaines, l'ancien leader estudiantin sait qu'il est autant adulé que haï. Son éclatant rapprochement avec Henri Konan Bédié et ses gestes assidus de courtoisie à l'endroit des pro-Gbagbo sont utiles à sa stratégie. Le député de Ferké sait mieux que quiconque que, dans la configuration actuelle, il est loin d'être le favori d'Alassane Ouattara dans le cadre d'un hypothétique ticket du Rhdp. A défaut d'être adoubé par le parti au pouvoir, Guillaume Soro se verrait bien jouer un rôle de premier plan dans une large coalition amenée par le Pdci de Henri Konan Bédié. L'ancien chef des Forces nouvelles croit fermement qu'il y a une carte à jouer.
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