Y a-t-il, dans le procès conjoint Laurent Gbagbo-Charles Blé Goudé, qui se joue à la Cour pénale internationale, des « erreurs » de traduction ?
C'est bien ce que pense Nicoletta Fagiolo, journaliste d'origine italienne, réputée proche des réseaux pro-Gbagbo, et ayant participé à l'ouvrage collectif « Le président Gbagbo à la Cpi, justice ou imposture ? ». Dans une série de publications sur facebook, la journaliste dénonce des omissions et de mauvaises traductions. Sa démarche consiste en une mise en évidence des transcripts et s'applique davantage à la dernière partie du procès, conclue le jeudi 22 novembre 2018.
Dans un argumentaire des équipes de défense, démontre Nicoletta Fagiolo, la phrase-ci n'apparaît pas dans la version anglaise : « Nous savons que l'hôtel du golf était une base rebelle pendant la crise post-électorale ». La journaliste italienne soutient sa publication par des captures d'écran des versions « française » et « anglaise ». Sur une toute autre séquence, elle note que le groupe de mots « tous les témoins » est traduit par un « témoin ». Particulièrement critique, Nicoletta Fagiolo proteste contre une traduction « incompréhensible » et « pas digne d'un procès international ».
La journaliste explique que « souvent », des références sont omises au niveau des citations, en ce qui concerne les équipes de défense. Elle fait ce commentaire : « comment les retrouver vu que les numéros de lignes de la version française ne correspondent pas à la version française ».
Pour sortir de « l'impasse de la mauvaise traduction », Nicoletta Fagiolo suggère que le juge-président de la Chambre de première instance 1, Cuno Tarfusser, soit le seul, parmi les trois juges, à décider du sort de Laurent Gbagbo et de Charles Blé Goudé. La journaliste s'explique : l'Italien est le seul, dans le trio, à comprendre le français, et donc le « seul » qui a pu, depuis le début, apprécier le contenu du procès.
Cette proposition de Nicoletta Fagiolo appellera, sans doute, des commentaires. Moins en raison des origines communes de la journaliste et du magistrat qu'en raison du fait que le juge Cuno ait été souvent le seul à opposer un avis dissident quand il a été question de trancher certaines questions. Le dernier cas en date remonte au jeudi 22 novembre dernier. Charles Blé Goudé avait souhaité prendre la parole, à la suite de ses avocats, pour une déclaration. La Procureure Fatou Bensouda s'y est opposée, priant les juges de ne pas autoriser «une déclaration sans serment ». La décision finale est tombée : la Chambre, à la majorité, a refusé de donner l’autorisation à Blé Goudé de prononcer une déclaration non assermentée. Cuno Tarfusser est le seul à avoir émis une «opiniondissidente». Mieux, il a jugé qu'il y avait «une violation d’un droit» de l'accusé et que «s’adresser à (un) juge est un droit inaliénable». Selon le juge-président, le procureur aurait dû « se féliciter du fait qu’un accusé choisisse de présenter sa propre perspective des événements ».
La séquence s'est refermée sans que Charles Blé Goudé ne prenne la parole. Mais personne ne peut oublier « l'opinion dissidente » du juge-président Cuno Tarfusser.
L'idée de Nicoletta Fagiolo de voir le seul juge italien décider du sort des deux accusés ivoiriens devrait rester au stade de suggestion, pour des raisons qui tiennent au fonctionnement classique d'une cour de justice.
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