L’opposition ivoirienne ne pourra pas, dans sa stratégie actuelle, faire fléchir le président Ouattara face à ses revendications. Elle doit donc changer de fusil d’épaule. C’est ce que croit l’ex-prélat, Jean Claude Djéréké. Dans une publication sur les réseaux sociaux destinée à l’opposition, mais plus précisément à "Ensemble pour la démocratie et la souveraineté" (EDS), intitulée « La plateforme EDS doit changer le rapport de force », l’auteur invite cette coalition à revoir ses actions.
"En février dernier, la plate forme "Ensemble pour la démocratie et la souveraineté" (EDS) réclamait une rencontre avec Ouattara afin d’échanger avec lui sur, entre autres choses, la Commission électorale dont même les alliés du RDR (Bédié et Soro) affirment qu’elle est déséquilibrée, partisane et dirigée par un individu qui aurait dû céder la place depuis longtemps à un citoyen libre, sérieux et honnête.
Si nous étions dans un État de droit et si nous avions affaire à un démocrate, Ouattara n’aurait pas opposé une fin de non-recevoir à une telle demande dont la légitimité, du reste, n’est point discutable. Car, dans un pays démocratique, il est normal que parti (s) au pouvoir et partis d’opposition se rencontrent pour discuter et trouver un consensus sur des sujets d’intérêt général. Il arrive même que le chef de l’État convie les opposants à des discussions afin d’avoir leur avis sur des questions qui engagent l’avenir du pays. C’est ainsi que Nicolas Sarkozy, Marine Le Pen, Jean-Luc Mélenchon et François Bayrou furent successivement reçus à l’Élysée par François Hollande pour consultation, le 25 juin 2016, après la victoire du Brexit.
Dans un système totalitaire, les choses se passent différemment: le tyran donne des ordres et les autres citoyens doivent les exécuter sans broncher car, pour lui, il n’y a rien à négocier dans cette Côte d’Ivoire qui aspire de toutes ses forces à figurer sur la “short list” des nations émergentes et s’asseoir autour d’une table avec l’opposition ne ferait qu’exposer le pays qu’il aime tant à deux risques majeurs: 1) perdre du temps et 2) rater le train de l’émergence qui est la nouvelle trouvaille des Occidentaux pour endormir les Nègres naïfs et inconscients et détourner ainsi leur attention du pillage de leurs ressources naturelles par les mêmes Occidentaux.
Tout ce que le dictateur attend donc des opposants, c’est qu’ils obéissent au doigt et à l’œil à ses lubies, caprices et diktats. Et si quelqu’un refuse de se soumettre à sa sainte volonté? Milices, “microbes” et escadrons de la mort seront immédiatement appelés à la rescousse ou en renfort pour faire plier l’affreux récalcitrant, car au commencement du RDR était la violence et la violence était dans le RDR et le RDR introduisit la violence dans la politique ivoirienne.
Le tyran ne discute que s’il y est contraint d’une manière ou d’une autre, c’est-à-dire par les armes ou par la rue. Commençons par les armes. Celles-ci sont un puissant moyen de pression et ce n’est pas Ouattara qui dira le contraire, lui dont le régime faillit être emporté en janvier 2017. De ce malheureux épisode, qui débuta à Bouaké avant de gagner d’autres villes de l’intérieur, on peut retenir que, sans les armes, dont ils se servirent pour troubler la quiétude des populations, les mercenaires recrutés dans la sous-région par Ouattara pour exterminer les Ivoiriens ne seraient jamais entrés en possession de leur dû.
Qu’en est-il de ceux qui ne croient pas aux armes mais aux urnes pour accéder au pouvoir? De quels moyens disposent-ils pour se faire entendre? Peuvent-ils faire pression sur l’autocrate et l’obliger à lâcher du lest? Si Ouattara a jusqu’ici balayé du revers de la main les justes revendications de l’opposition, ce n’est pas seulement parce qu’il méprise ses leaders. Une autre raison tient au fait qu’il considère qu’il est en position de force, ce qui n’est pas faux quand on voit la facilité avec laquelle il arrête et emprisonne les gens de l’opposition.
Pour changer le rapport de force et, donc, pour amener le pouvoir à négocier, EDS doit afficher une force, sinon supérieure, du moins égale à celle du RHDP. Comment arrive-t-on à un tel résultat? Par des grèves dans les secteurs vitaux, autrement dit en paralysant les services publics, en mobilisant et en mettant dans la rue, non pas 500, mais des centaines de milliers d’Ivoiriens à Abidjan et dans les villes environnantes, d’une part et, d’autre part, en ne laissant pas s’écouler trop de temps mort entre les marches de protestation.
Le 27 janvier 2018, Aboudramane Sangaré déclarait ceci: “Le choix du régime Ouattara de passer en force avec une CEI aux ordres ne doit pas s’imposer à la Côte d’Ivoire comme un canon de revolver sur la tempe. Voici donc venu le temps des actions et de la stratégie courageuse. Si nous ne luttons pas en 2018, en 2020, nous devons nous taire à jamais et applaudir Monsieur Ouattara dans son ambition de briguer un troisième mandat ou de se choisir un successeur.”
Je résume la pensée du “gardien du temple” et ce sera ma conclusion: nous devons lutter car, « sans la lutte, vous n’obtiendrez rien, ni aujourd’hui, ni demain », disait Patrice Lumumba à ses compatriotes, mais notre lutte doit s’exprimer davantage dans l’action, c’est-à-dire sur le terrain, que dans les conférences de presse et elle a besoin d’hommes et de femmes courageux."
Jean-Claude DJEREKE
N.B: les titres et chapô sont de la rédaction
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