La sécheresse vaginale liée à des thérapies contre le cancer ou à la ménopause est fréquente. Des traitements sont aujourd’hui possibles, comme l’explique le Dr Michel Mouly*.
Paris Match. Quels sont les signes d’une sécheresse vaginale ?
Dr Michel Mouly. Principal symptôme du syndrome génito-urinaire (SGU), elle entraîne une irritation du vagin et/ou de la vulve à type de brûlures, démangeaisons, dérangements mictionnels, pertes inhabituelles avec mauvaise odeur. Ces troubles impactent la vie intime de la femme, les rapports sexuels et le désir ; ils sont vécus comme un vieillissement.
Est-ce fréquent ?
Plus de 40 % des femmes en sont affectées. Elles ne sont que 25 % à demander de l’aide, car l’évocation de ces troubles reste taboue.
Quelles en sont les causes ?
Qu’il s’agisse d’une ménopause naturelle ou induite par l’ablation des ovaires ou de traitements anticancéreux altérant la fonction ovarienne, la cause première est la disparition des œstrogènes. Elle entraîne une baisse du glycogène, sucre qui permet au lactobacille (LB) –?une bactérie équilibrant et acidifiant le vagin?– d’exister. Quand le vagin devient basique, le LB disparaît. Les anti-œstrogènes donnés pour un cancer hormonodépendant aggravent cette sécheresse.
Quels sont les traitements standards ?
Le meilleur reste le traitement hormonal de la ménopause (THM), qui n’exclut pas un traitement local associé. Cependant, le THM est contre-indiqué en cas de cancers hormonodépendants (du sein, de l’endomètre…). L’arrêt du tabac, qui contribue à la diminution des œstrogènes, est souhaitable, de même que la pratique régulière d’exercices du plancher pelvien et le maintien d’une activité sexuelle, bénéfique à la circulation et à l’élasticité vaginale. Les lubrifiants et crèmes hydratantes ne corrigent la sécheresse que temporairement au prix d’écoulements gênants. Les œstrogènes locaux (ovule ou anneau vaginal) sont utiles chez celles qui refusent le THM, mais sont à éviter en cas de cancer hormonodépendant.
De nouveaux traitements existent-ils ?
1. L’acide hyaluronique a un effet volumateur et hydratant qui dure environ neuf mois. Il est injecté en cabinet sous anesthésie locale dans la partie basse du vagin. 2. La radiofréquence thermo-contrôlée consiste à chauffer pendant trente?minutes la muqueuse à une température n’excédant pas 47?°C, lors de trois séances espacées d’un mois, puis ensuite d’une par an. Elle stimule la formation du collagène et tonifie le vagin. 3. Le lipofilling, inspiré des techniques de comblement tissulaire par de la graisse, est réalisé au bloc opératoire en cas de séquelles majeures liées à une radiothérapie surtout. 4. En 2013, j’ai introduit en France le laser CO2 vaginal mis au point par l’équipe du Pr Salvatore, à Milan. Ce laser induit dans le tissu conjonctif vaginal –?sans aller en profondeur et donc sans risque pour la vessie et le rectum?– un choc thermique stimulant une protéine (HSP47) qui réactive les fibroblastes, les cellules produisant le collagène. La muqueuse vaginale s’épaissit, retrouve son pH acide et ses?LB. Trois ou quatre séances à un mois d’intervalle sont nécessaires. La procédure est quasiment indolore et dure dix minutes : un appareil stérile est conduit dans le vagin par le praticien qui, sans anesthésie, traite toute la paroi. La reprise d’activité est immédiate. Le taux de complication est nul. L’indice de satisfaction est de 90 % en moyenne à 6 mois, 72 % à 12?mois, 25 % à 24 mois, d’où la nécessité d’une séance annuelle de rappel et, parfois, d’un complément par l’acide hyaluronique.
Le laser est-il toujours applicable ?
Je mène, avec l’Institut Gustave-Roussy de Villejuif, une étude pour évaluer l’intérêt de cette technique en soins de support chez les patientes atteintes de cancer.
* Chirurgien, gynécologue, oncologue à Paris
0 Commentaires
Participer à la Discussion
Commentez cet article