Faire du dépistage un élément important de la stratégie de
riposte est pertinent. Cette stratégie a permis à l’Allemagne de limiter ses
morts par rapport à ses voisins (France, Italie, Espagne) mais surtout à la
Corée du Sud de dominer l’épidémie (250 morts) et de se passer du confinement,
tout en imposant le port de masque obligatoire.
En effet, pour lutter efficacement contre cette maladie dont
la dangerosité provient de son caractère hautement contagieux et de son
évolution foudroyante, il faut identifier le plus rapidement possible le
maximum de personnes contaminées, les isoler et les soigner afin d’éviter
qu’elles ne contaminent des personnes saines.
Que le gouvernement prévoit un nombre conséquent de centres
de prélèvement pour le dépistage est une excellente chose. J’espère seulement
qu’il arrive à se procurer en quantité suffisante les kits de dépistage fiables
quand on sait que beaucoup de pays ont adopté la même démarche ce qui provoque
une tension extrême du marché des kits. Nous avons en mémoire les 600 000 kits
défectueux vendus à un pays européen il y a quelques semaines.
Nous savons que dans le secteur public, seuls l’Institut
Pasteur et le CEDRES sont capables de mesurer la charge virale d’un malade. Il
y a des laboratoires privés à Abidjan qui pourraient, le cas échéant, avec un
renforcement de capacité, contribuer à analyser les prélèvements que le
Ministère de la Santé et de l’Hygiène Publique effectue sur le Territoire
National. Ces laboratoires ont-ils étés invités à participer à l’effort
National de lutte contre le COVID-19 ?
Si ce n’est pas le cas, la Côte d’Ivoire gagnerait à les
solliciter immédiatement. Nous voyons qu’en Europe, même les laboratoires de
biologie vétérinaires sont mis à contribution.
Faire du dépistage un axe important de la stratégie de lutte
contre le COVID-19 est très judicieux, mais le gouvernement doit se donner les
moyens d’en faire une réalité concrète. La mobilisation de tous nos
biologistes, qu’ils soient Pharmaciens, Médecins, Vétérinaires, autour des responsables
de l’Institut Pasteur d’Abidjan pour identifier à travers le monde, les tests
les plus fiables, les plus rapides, les plus accessibles, adaptés à telle ou
telle situation, portera des fruits forcement. Il faut créer le cadre de la
discussion avec un cahier de charges précis et le reste suivra.
Dans le cadre de la coopération sud-sud, un pays ami comme
le Maroc, qui semble avoir très bien anticipé, peut aider à renforcer nos
capacités en la matière. Nous avons eu écho par les media d’un entretien entre
les deux chefs d’États sur la question du COVID-19. Au-delà de la coopération
sud-sud, la Corée du Sud semble le pays qui a démontré son savoir-faire en la
matière. Si ce n’est déjà fait, nous devons solliciter leur assistance
technique.
Au-delà du secteur de la biologie, c’est l’implication de
tout le secteur privé de notre système de santé qu’il faut enclencher si ce
n'est pas déjà fait.
Tous, nous espérons que l’épidémie de COVID-19 sera contenue
comme c’est le cas actuellement jusqu’à ce qu’elle disparaisse. Cependant, fort
de l’expérience des autres pays où la maladie a connu une progression mesurée
au début avant d’exploser, nous devons anticiper cette explosion en mobilisant
par avance tout notre Arsenal de Riposte. Le secteur privé du système de santé
est un élément important de cet Arsenal et doit être associé au plus vite. Le
retard dans la mobilisation du secteur privé a fait l’objet de vives critiques
dans certains pays Européens. Il faut éviter cela.
C’est au vu de tout cela que, si ce n’est déjà fait, une
réflexion approfondie, à froid, pendant que la situation semble encore sous
contrôle doit se faire pour déterminer le positionnement du secteur privé dans
notre stratégie de lutte contre le COVID-19.
Les ordres, les Syndicats, les Sociétés Savantes doivent
être sollicités pour cette réflexion.
Tout cela doit aboutir à la mise en ordre de bataille de
cette partie importante de notre système de Santé. Ainsi on pourra sélectionner
les structures, connaitre leur capacité du moment, leurs insuffisances et les
corriger au mieux. Tous les financements que le gouvernement annonce permettront
ces renforcements de capacité.
La centralisation actuelle de la gestion du COVID-19, si
elle se justifiait dans les premiers moments, doit évoluer vers plus
d’ouverture car il y a aussi des effets indésirables.
Il nous revient, qu’avec la centralisation de la prise en
charge, des malades asymptomatiques peuvent être reçus et même hospitalisés
dans des cliniques avant que l’on ne découvre leur statut quelques jours plus
tard avec les risques de contamination que l’on sait. Or ces structures doivent
continuer à recevoir les malades souffrants d’autres pathologies. Comment le
faire en les préservant du risque au COVID-19 ?
Ce sont toutes ces questions qui seront résolues par
l’association et la participation de tout le Secteur Privé.
Le Secteur Privé pharmaceutique doit également être associé
afin que les prescripteurs et les dispensateurs renforcent les moyens de
juguler totalement l’automédication dans le traitement du COVID-19.
En tout état de cause, le Secteur Privé de notre système de
Santé contribue significativement à l’offre de soin en Côte d’Ivoire et surtout
à Abidjan qui est l’épicentre de l’Épidémie. Avec toutes les compétences
diverses et variées, Infrastructures et plateaux techniques disponibles dans le
Secteur Privé, il est absolument nécessaire de l'impliquer.
Que le cadre de discussion soit créé avec des objectifs
clairs et le reste suivra : l’articulation Secteur Privé-Secteur Public sera
rapidement définie et des solutions concrètes seront trouvées. Il y a trop de
compétence, d’expérience et d’intelligence dans ce milieu pour qu’il n’en soit
pas ainsi.
Le Ministre Rémi ALLAH-KOUADIO
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