Des risques graves menacent certains patients sous chimiothérapie 5-FU. Un test de dépistage permet d’éviter les complications, mais il n’est pas réalisé dans tous les hôpitaux.
« Si ma femme avait été soignée à Angers, elle serait aujourd’hui à côté de moi. Mais elle a été soignée à Saint-Etienne, et elle est décédée en moins de quinze jours », explique Alain Rivoire, dont l’épouse, atteinte d’un cancer récidivant en septembre 2016, a succombé, après huit jours de coma, à sa cure de chimiothérapie. En une simple phrase, l’époux endeuillé résume ainsi la situation dramatique qui touche certains patients traités par chimiothérapie à base de 5-FU (5-fluorouracile) ou, par voie orale, de capécitabine : tous les hôpitaux ne pratiquent pas le test de dépistage sur l’enzyme DPD avant le démarrage de la cure. Or, si ces molécules anti-cancer sont essentielles dans les traitements, et habituellement bien tolérées, elles comportent des risques de toxicité sévère ou mortelle pour les malades qui ont un déficit d’activité de l’enzyme DPD. Un risque identifié depuis une vingtaine d’années, au point que le Vidal spécifie la contre-indication du traitement en cas d’ « absence complète connue d’activité de l’enzyme DPD ».
Ma femme était condamnée dès la prise du premier comprimé
Alain Rivoire, qui mène le combat à travers l’association de défense des victimes du 5-FU, dénonce « l’omerta des cancérologues ». Expliquant qu’on lui « refuse l’accès au dossier de pharmacovigilance » de son épouse, il confie qu’il lui a fallu neuf mois pour obtenir le résultat du dépistage réalisé sur sa femme, la veille de son décès. « En fait, elle était condamnée dès la prise du premier comprimé. Le test a révélé qu’elle avait un déficit total en DPD. »
Chaque année, 80 000 nouveaux patients sont concernés par ces chimiothérapies à base de 5-FU, qui entrent dans 60% des traitements (cancers colorectaux, digestifs, sein, et ORL). « 10% des patients sont déficitaires partiels en DPD et ont un risque de toxicité qui peut être importante tandis que deux pour mille sont déficitaires complets. Pour ceux-là, il y a un risque de décès », explique le Dr Boisdron-Celle, responsable du département de bio-pathologie à l’Institut de cancérologie de l’Ouest (ICO), à Angers. La particularité des « toxicités aigues », précise-t-elle, est qu’elles surviennent « relativement rapidement », entre deux et cinq jours après la fin de la cure de chimio. En cas de déficit complet de l’enzyme DPD, la biologiste explique que le patient fait une « toxicité polyviscérale », avec diarrhées très importantes (et déshydratation), aplasie (chute des globules blancs), syndrome main-pieds (réactions inflammatoires), chute des cheveux, coma, et décès. »
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