En Côte d’Ivoire, les premières destructions d’habitations situées trop près de l’aéroport d'Abidjan ont commencé ce jeudi matin, deux semaines après la mort de Laurent Barthélémy Ani Guibahi.
Le jeune garçon aurait en effet escaladé la clôture pour monter dans le train d’atterrissage d'un Boeing d’Air France.
Aérocanal était encore endormi ce jeudi lorsque ses quelques centaines d'habitants ont été réveillés en sursaut par des policiers et gendarmes qui les ont sommés de faire leurs bagages. Ils ont évacué leur logement à la hâte et, quelques dizaines de minutes plus tard, les bulldozers entraient en action.
En fin de matinée, ce petit village situé à l'ouest de l'aéroport d'Abidjan n’était plus qu’un amas de taules, de béton et de tissus. Des vêtements, des ustensiles de cuisine et toutes sortes d’effets personnels sauvés de la destruction étaient rassemblés en tas un peu partout.
Ces destructions font suite à la mort du jeune Laurent Barthélémy Ani Guibahi, dont le corps a été retrouvé au début du mois dans le train d'atterrissage d'un vol Abidjan-Paris à l'aéroport de Roissy-Charles-de-Gaulle.
Selon les premiers éléments de l'enquête, l'adolescent aurait escaladé la clôture de l'aéroport d'Abidjan. Les autorités ivoiriennes avaient alors annoncé la semaine dernière la création d'un périmètre de sécurité de 200 mètres de large autour de ce mur d'enceinte.
« Comme des moutons »
À Aérocanal, beaucoup disent ne pas savoir que la zone était inconstructible. C'est le cas d'Ousmane Traoré qui habitait là depuis trois ans avec sa femme et leurs deux jeunes enfants.
« On se disait qu'on était chez nous et un matin, comme ça, ils sont venus tout détruire. Actuellement, on n'a rien. On va dormir dehors avec nos enfants, comme des moutons. On ne sait pas où aller ».
Comme lui, Fatoumata Cissé s’est installée à Aérocanal il y a quelques années après avoir vu déjà son quartier rasé. Cette fois encore, elle se retrouve à la rue avec ses trois enfants, car aucune solution de relogement n’est proposée.
« S'ils nous avaient laissé six mois, on aurait pu s'organiser. Ce qui me fait mal, ce sont les enfants qui ne peuvent plus aller à l'école. Ils vont faire comment ? »
Comme Aérocanal, d’autres villages ou quartiers vont être rasés dans les jours qui viennent.
Notamment le quartier d’Adjouffou, du côté est de l’aéroport, qui compte 25 000 habitants, des commerces, des lieux de cultes et plusieurs écoles. Une partie de ses habitants, ceux qui ont une solution de repli, ont déjà commencé à partir, ne laissant que les murs de leurs maisons.
Certains sont installés là depuis plus de quatre décennies. À l'époque, l'aéroport n'avait même pas de mur d'enceinte. Alors, le choc est sévère pour Malamine Ouattara, né ici il y a 41 ans.
« On n'a jamais été sensibilisés sur le fait qu'on ne devait pas construire ici. Seule madame le maire, je crois en 1986, a dit que ceux qui étaient les plus proches du mur ne pouvaient pas construire en dur. Depuis, rien. » Malamine Ouattara réclame du respect.
« Après tout, dit-il, nous sommes des citoyens de ce pays. »
Ici, personne ne comprend comment l’acte désespéré d’un gamin de 14 ans peut avoir des conséquences aussi dramatiques pour des milliers de familles.
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