Immigration irrégulière : la Côte d’Ivoire dans le rouge

 Au moment où les autorités Ivoiriennes annoncent des taux de croissance exceptionnels (croissance moyenne de 9 % par an depuis 2012) et des mesures pour mettre fin à certains problèmes sociaux comme la vie chère et le chômage, force est de constater que de nombreux ivoiriens préfèrent regagner l’Europe par des voies illégales.

La Côte d’Ivoire sur la route de l’émergence ne pourra se construire sans sa jeunesse. Et si cette jeunesse préfère tenter la traverser clandestine vers l’Europe, il y a matière à se poser des questions au sein de la classe dirigeante. D’Abidjan à Korhogo en passant par Daloa et Grand Bassam, la seule raison que les jeunes ont évoquée comme étant à la base de leur volonté de départ pour l’Europe est le manque d’emploi, le chômage. En effet, malgré les efforts du Gouvernement ivoirien, le taux de chômage – notamment celui des jeunes – est encore élevé. Il se situe autour de 25% ! Deux raisons l’expliquent. Le secteur primaire de l’emploi, composé en grande partie des offres de la fonction publique qui garantissent une stabilité sur le long terme, ne peut pas absorber tous les jeunes diplômés qui sortent des universités, des grandes écoles et des centres de formation.

« Il faut aussi dire que le secteur primaire est gangréné par la corruption sous toutes ses formes. Droits de cuisage, filières parallèles et payantes des examens et concours sans oublier les listes d’admis qu’on dit venir des ministres ou des barrons qui dirigent le pays » se désole Casmir Kouadio un jeune étudiant.

Les jeunes ivoiriens ne bénéficient pas tous d’une égalité de chance à la recherche d’un emploi et cela n’est en rien lié à la qualité de la formation. Lorsque ces jeunes qui n’ont pas été absorbé par le secteur primaire décident d’entreprendre et de se mettre à leur propre compte, la question du financement se pose. « Si les jeunes n’ont rien à faire au pays que voulez-vous qu’ils fassent ? Ils sont obligés d’aller se chercher en France ou en Italie. Parce qu’un seul jour de « djossi » sur le « bengue » peut permettre à ta famille de mieux vivre pendant un mois au pays » souligne Koné Sinaly un jeune mécanicien qui rêve de « traverser l’eau ».

La Côte d’Ivoire de la 10ème à la 4ème place

Fuir le chômage en passant la méditerranée par des voies clandestines coûte cher ! Il faut débourser entre 750.000 f CFA et 1.500.000 f CFA pour atteindre Lampedusa (Italie) ou Ceuta et Melilla, les enclaves espagnoles en terre africaine. Et concernant les départs clandestins, la Côte d’Ivoire devient de plus en plus une championne ! Les données concernant les arrivées à Lampedusa (Italie) de migrants clandestins font état de 71.000 personnes sur la période de janvier à juin 2016. Sur ce chiffre, 4.970 sont des ivoiriens soit 7% des migrants clandestins. La Côte d’Ivoire détrône ainsi des pays de grand départ comme le Soudan (6%), la Somalie (6%), le Sénégal (6%) ou encore le Mali (5%). Le trio de tête est composé du Nigeria (15%), de l’Erythrée (13%) et de la Gambie (8%). La Côte d’Ivoire passe de la 10ème à la 4ème place rien que pour les côtes italiennes ex æquo avec la Guinée.

Ce nombre de migrants clandestins ivoiriens pourrait être plus élevé si l’on suit la route migratoire par la Lybie, l’Algérie et le Maroc. En effet de nombreux migrants originaires d’Afrique sub-saharienne croupissent dans les geôles des groupes armés incontrôlés en Lybie, dans les forêts du nord marocain dans le froid et la faim sans oublier ceux qui sont devenus prisonniers et esclaves sexuels des réseaux de passeurs. S’ils sont en vie c’est bien une chance !

« Le véritable danger de l’immigration irrégulière reste la perte en vie humaine. Sur ce lot de jeunes africains volontaires au départ, rares sont ceux qui verront l’Europe. Les naufrages de pirogues de fortune sont fréquents et les jeunes doivent le comprendre » indique Issiaka Konaté, le Directeur général de la Direction des Ivoiriens de l’extérieur.

Dans certaines localités de la Côte d’Ivoire, la traversée clandestine de la méditerranée est au cœur du rêve de toute une génération. C’est le cas à Daloa dans le sud-ouest du pays. Soro Mamadou le président de la jeunesse communale de Daloa revient sur les raisons qui poussent les jeunes de sa localité à partir.

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Le manque d’emploi et cette folle envie de vivre en Europe comme les migrants clandestins qui ont réussi la traversée périlleuse de la méditerranée ne doit pas pousser les jeunes à s’aventurer vers une mort certaine. La Côte d’Ivoire est un pays qui offre d’énormes potentialités à qui veut bien les saisir souligne Coulibaly Fanioro, conseiller municipal à Korhogo, une localité du nord de la Côte d’Ivoire. L’élu local, la soixantaine révolue indique « que certains migrants de l’espace CEDEAO sont arrivés avec une simple hache sur l’épaule en Côte d’Ivoire et ont fait fortune ». Ces migrants qui ramassaient hier les ordures dans les quartiers d’Abidjan, qui vivaient du petit commerce ou qui vendaient des brochettes en bordure de route sont ceux qui possèdent aujourd’hui d’importants biens immobiliers.

L’immigration irrégulière gagne du terrain en Côte d’Ivoire avec des réseaux de passeurs. Ces bandes organisées appâtent les jeunes avec des photos d’africains ayant réussi la traversée clandestine via Facebook. Il est important que les jeunes comprennent que de nombreux migrants perdent la vie et les success stories ne peuvent pas voiler l’image des corps en putréfaction sur les plages libyennes. Le Gouvernement ivoirien doit définitivement accentuer la sensibilisation sur l’immigration irrégulière et la lutte contre les réseaux de passeurs non s’en prendre le soin de proposer des solutions sur le long terme à la question du chômage des jeunes.