Alors que les championnats européens qui ont décidé de reprendre arrivent à leur terme, plusieurs sont sur le point de reprendre en Afrique. Dans un premier temps, ce sera le Maroc (Botola) ce lundi 27 juillet, suivi de ceux de Tunisie le 2 août et d'Égypte le 6 août, sur fond de poursuite de la pandémie de nouveau coronavirus.
Le 22 juillet dernier en Angleterre, Jordan Henderson brandissait le trophée de la Premier League pour Liverpool, Marcelo Bielsa et ses joueurs, celui de Championship. En Espagne, quelques jours auparavant, déjà, le Real Madrid de Zidane et Benzema fêtait son titre de champion.
En Afrique, contrairement aux championnats français, belge ou encore néerlandais qui avaient décidé d'arrêter leurs championnats respectifs, plusieurs pays ont d'ores et déjà décidé de reprendre, après plusieurs mois d'arrêt. Comme pour toutes les autres ligues européennes qui ont fait ce choix, cela se fera dans un cadre très strict de respect des gestes barrières et surtout à huis clos.
Au Maroc, pays connu pour son derby de Casablanca, entre le Wydad et le Raja, où la place des supporters, et plus précisément, des ultras, est importante, ces mesures peuvent signifier une aliénation d'un sport qui, souvent, dépasse la simple dimension du rectangle vert.
Une reprise intense et des dispositifs inédits
Après une interruption de plus de quatre mois, la Botola reprend ses droits ce lundi 27 juillet. Le Wydad Casablanca, champion en titre, menait la danse au moment de l'arrêt du championnat marocain le 14 mars, avec un point d'avance sur le FUS de Rabat, mais deux matchs de moins. L'épidémie de coronavirus a quelque peu chamboulé le calendrier, si bien que le classement actuel n'est pas vraiment représentatif. Le grand rival du Wydad, le Raja Casablanca n'est, par exemple, que 6e, mais compte 5 matches de moins que le leader.Pour pallier ces retards, un calendrier infernal attend les clubs marocains : ils devront jouer deux matchs par semaine, en sachant qu'une longue interruption induit des retards en termes de préparation. Un rythme effréné qui risque d'entamer le physique des joueurs et plus particulièrement ceux qui ne sont pas habitués à jouer les coupes continentales.
Pour éviter une hécatombe de blessures, la Fédération Royale Marocaine de Football a suivi les recommandations du conseil de l’International Football Association Board (IFAB). Les clubs pourront donc effectuer cinq changements par match, au lieu des trois autorisés habituellement. Les matchs se joueront de 18h à 22h, afin d'éviter les moments de la journée durant lesquels les températures sont les plus élevées.
Un protocole sanitaire strict
Si les matchs se dérouleront bien sans spectateurs dans les travées des stades, joueurs, entraîneurs, staffs et autres institutionnels présents dans les écrins devront respecter un certain nombre de mesures, afin de ne pas créer un nouveau "cluster".Joueurs, entraîneurs, staff techniques, administratifs et arbitres, devront passer un test PCR, deux jours avant la reprise.
Les déplacements se feront par groupes restreints, avec un port obligatoire du masque. Les bus des équipes ne seront utilisés qu'à 50% de leur capacité, afin de permettre une distanciation d'au moins un mètre. Les équipes, elles, logeront dans des chambres individuelles, avec une interdiction des espaces communs et une impossibilité formelle d'avoir des contacts avec une personne étrangère au groupe. Les protocoles habituels d'avant-match seront annulés ou modifiés, afin de minimiser la probabilité d'une diffusion du virus.
Pendant les matchs, les joueurs devront "éviter les embrassades, les accolades, les poignées de main et les rassemblements autour de l'arbitre". Mais aussi une mesure plus complexe à faire respecter, au vu de la sécrétion importante de salive pendant un match, qui fait pourtant partie d'une circulaire de la FIFA : il est interdit aux joueurs de cracher au sol.
Toute cette panoplie de recommandations et interdictions, loin d'être exhaustive tant elles sont nombreuses, indique les conditions bien spéciales dans lesquelles vont se dérouler ces parties. Des circonstances qui, comme en Europe, risquent de donner une tournure toute particulière aux matchs.
Pour Hakim, jeune supporter de 27 ans et ultra du Raja Casablanca, pourtant passionné de football, la reprise des championnats n'est pas forcément pertinente : "J'aime le football et surtout, on a envie de faire notre remontanda et revenir challenger le Wydad... Mais quand on voit que tout va se jouer sans supporters, alors qu'ils sont l'âme du football, je ne sais pas si c'est vraiment une bonne idée. Je regardais tous les matchs, en Allemagne, en Espagne et en Angleterre, c'était vraiment bizarre. Ils ont même été obligés de mettre des fausses ambiances pour que ça soit regardable !".
Un contexte, qui, au-delà des tribunes, peut avoir un impact sur le terrain : "Sur les premiers matchs en Europe, les joueurs avaient beaucoup de mal physiquement, mais en plus, sans supporters, on avait vraiment l'impression d'assister à des matchs amicaux. Le spectacle était sans saveur, les joueurs avaient du mal à se transcender, sans leurs supporters pour les encourager".
Un sentiment qui se vérifie dans les faits. Près d'un mois après la reprise du championnat allemand, il a été constaté que les notions de "match à domicile" et "match à l'extérieur" n'étaient plus pertinentes lorsqu'il s'agissait de parties jouées à huis clos. Les 56 matchs disputés n’avaient débouché que sur 13 victoires à domicile et deux fois plus de victoires des visiteurs. Une tendance inédite, voire opposée à celle observée sur les vingt dernières années.
Mais une telle reprise n'est plus vraiment qu'une question de football, au sens purement sportif du terme. S'il est important de rétablir l'équité sportive au vu des inégalités de matchs joués, les enjeux économiques sont tout aussi, voire plus importants. En France, par exemple, les clubs déplorent les conséquences économiques de l'arrêt du championnat, dû à l'épidémie de coronavirus.
Selon nos confrères de L'Équipe, pour la saison 2019-2020, une étude, commandée par le syndicat Première Ligue, représentatif des clubs de Ligue 1, évalue la perte de revenus pour les clubs à 605 millions d'euros, et la perte de chiffre d'affaires pour l'ensemble de la filière football à 1,27 milliard d'euros !
Des chiffres qui ne seraient pas aussi importants pour le championnat marocain, bien moins médiatisé, mais qui en disent long sur les enjeux économiques et financiers qui entourent le football et l'impact que pourrait avoir un arrêt des championnats avant leur terme.
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