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Afrique

Forcées à se prostituer, violées… La détresse des femmes vivant dans les camps de migrants

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Les femmes qui vivent seules, sans mari, dans les camps de migrants du nord de la France sont particulièrement vulnérables. Elles s’exposent notamment à des risques de viols et de prostitution forcée. A travers des maraudes, les associations tentent de les repérer dans les campements et de les mettre en sécurité.

InfoMigrants prend ses quartiers à Calais. Traversées vers l'Angleterre, campements de migrants, militarisation : la rédaction vous fait vivre la situation inédite sur le littoral nord de la France durant tout le mois de novembre, triste anniversaire du pire naufrage survenu dans la Manche (en 2021).

Adam joue dans la cour avec un petit camion rouge. Khouloud le surveille en fumant sa cigarette un peu plus loin. Agé de seulement deux ans, le garçon a passé toute sa vie sur la route de l’exil. L’histoire de sa mère, d’origine koweitienne et syrienne, est confuse. Ce que l’on comprend, c’est qu’elle n’a plus de nouvelles du père de son enfant, un Syrien rencontré en Turquie. "Il a fui vers l’Allemagne lorsque je lui ai annoncé que j’étais enceinte". La jeune femme de 26 ans a rejoint le nord de la France dans le but d'atteindre le Royaume-Uni. On n’en saura pas plus.

En cet après-midi de novembre, Khouloud est venue se reposer à l’accueil de jour du Secours catholique de Calais. Une aile réservée aux femmes accueille quatre fois par semaine des migrantes de la région. Un refuge pour ces femmes seules, avec ou sans enfant, qui viennent ici trouver du réconfort.

Khouloud en profite pour appeler ses proches pendant que son fils s’amuse avec une bénévole dans les locaux de l’association. Ce qu’aime le plus Adam, c’est le bruit de la caisse enregistreuse dénichée dans un bac à jouets.

"Des situations extrêmement difficiles"
Ce jour-là, elles sont à peine une dizaine à avoir poussé la porte du centre. La plupart est hébergée dans une maison calaisienne gérée par une association. "En ce moment, on reçoit moins de monde mais en septembre et octobre, il pouvait y avoir jusqu’à 60 personnes par jour", explique Mariam du Secours catholique.

Cette Marocaine, installée en France depuis plus de 30 ans, est notamment chargée de récupérer les femmes dans les campements lors de maraudes à Calais et de leur trouver un hébergement dans le réseau associatif ou citoyen. "Je suis confrontée à des situations extrêmement difficiles", admet-elle.

Mariam débite les histoires de ces exilées comme si elle ne voulait rien oublier. Parfois, lorsque les récits sont trop durs, ses yeux se remplissent de larmes. "Quand elles arrivent, les femmes sont rapidement repérées par des passeurs, qui prétendent être leur mari et qui abusent d’elles. Certaines m’ont raconté qu’elles étaient violées tous les soirs dans leur tente, parfois par plusieurs hommes". D’autres sont embrigadées dans des réseaux de traite et forcées de se prostituer pour payer le passage vers l’Angleterre.

"C’est très dur d’être une femme seule ici"
Khouloud a fini de passer ses appels et se trouve désormais attablée avec son fils qui raffole de la pâte à tartiner en libre-service. En face, Halima* grignote un petit morceau de pain tout en divertissant Adam.

La Somalienne dit avoir 20 ans mais elle en paraît cinq de moins. Halima a fui un mariage forcé avec un homme de 70 ans dans son pays. Arrivée dans le nord de la France en septembre, elle a passé un mois et demi dans les camps de Calais avant d’en être extraite par Mariam.

"C’est très dur d’être une femme seule ici", confie-t-elle. Halima ne veut pas entrer dans les détails mais son attitude trahit un quotidien douloureux dans la "jungle" - nom donné par les migrants pour désigner les campements informels. A l’évocation de sa vie à la rue, elle baisse les yeux et se tait. Puis, elle relève la tête et change de sujet : "J’aime bien venir au Secours catholique, j’ai l’impression de reprendre une vie normale".

L’Angleterre à tout prix
Si Halima ne donne pas son véritable âge, c’est sûrement car elle ne veut pas être prise en charge par l’Aide sociale à l’enfance (ASE) en tant que mineure. La Somalienne veut rester au plus près des plages du littoral nord pour rejoindre le Royaume-Uni. Elle a déjà tenté sept fois de prendre la mer sur un bateau de fortune. "La météo n’est pas bonne en ce moment, donc les départs sont à l’arrêt", précise-t-elle.

Les humanitaires affirment recevoir plus de femmes que les années précédentes dans le centre d’accueil de Calais. "Elles n’ont que l’Angleterre en tête, par n’importe quel moyen. Elles sont prêtes à prendre tous les risques", constate Christine, une bénévole septuagénaire, au Secours catholique depuis trois ans. "C’est aussi pour cela qu’elles ne veulent pas trop parler, elles sont concentrées sur leur objectif final et craignent que raconter leur histoire les mettent en danger", renchérit Mariam.

A l’accueil de jour, il n’est pas rare de croiser des femmes ou des familles trempées, après une tentative de traversée échouée. Même sur un bateau, elles restent plus vulnérables que les hommes. Les femmes et les enfants sont souvent installés dans les cales des embarcations. S'il y a un mouvement de foule, elles sont plus exposées aux risques d’être écrasées par les autres passagers.

Mariam se remémore sa rencontre avec une jeune fille du Moyen-Orient : "Elle est arrivée traumatisée avec sa mère. Elle a passé une partie de sa tentative de traversée à essayer de maintenir sa sœur en vie. Ecrasée dans le bateau, elle ne respirait plus. Elle lui a tenu la main jusqu’à l’arrivée des secours. Mais ils n’ont rien pu faire, elle était déjà morte par étouffement".

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