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Société

En Côte d’Ivoire, la course au buzz vaut désormais de sérieux ennuis judiciaires

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En Côte d’Ivoire, la course au buzz vaut désormais de sérieux ennuis judiciaires
Entre diffamations, injures publiques, atteintes à la pudeur et exhibition de richesses aux origines douteuses, de nombreux web-influenceurs ivoiriens attirent désormais l’attention des autorités judiciaires.
Ce phénomène croissant a conduit plusieurs d'entre eux derrière les barreaux, illustrant les dérives d’un environnement numérique en pleine expansion mais mal encadré.

Blanchiment de capitaux et cybercriminalité

Le dernier cas en date concerne Stéphane Agbré, connu sous le pseudonyme d’Apoutchou National, et quatre autres personnes, déférées au parquet du Pôle pénal économique et financier. 

Ils sont soupçonnés de blanchiment de capitaux, infractions aux réglementations des relations financières extérieures, paris illégaux et cybercriminalité.

Selon les enquêteurs, une vidéo montrant Apoutchou National exhibant de grosses liasses de billets a éveillé les soupçons sur la provenance de ces fonds. 

Les investigations menées par la Police économique et financière et la Direction de l'informatique et des traces technologiques (DITT) visent à établir si ces fonds sont d’origine licite. 

Ce dossier s’appuie notamment sur la loi et l’ordonnance qui encadrent strictement les flux financiers et la lutte contre les infractions économiques.

Insultes et diffamation : Observateur Ébène en détention

En avril dernier, Florent Kouakou Amany, alias Observateur Ébène, a été condamné à 12 mois de prison, dont six avec sursis, pour injures et diffamation à l’encontre de l’actrice Marie Paule Adjé. 

L’influenceur avait publié une vidéo contenant des propos injurieux et calomnieux, entraînant une enquête approfondie de la Plateforme de Lutte Contre la Cybercriminalité (PLCC).

Ce cas a mis en lumière les pratiques controversées de certains influenceurs, qui n’hésitent pas à ternir l’image d’autrui pour augmenter leur audience et, par conséquent, leurs revenus. 

Observateur Ébène, bien que libéré après deux mois, reste une figure emblématique des limites franchies par certains créateurs de contenu en quête de buzz.

L’affaire de l’influenceur Bicongo, libéré après une brève détention, à la suite de propos controversés sur le ministre Ibrahima Cissé Bacongo, soulève des questions sur les frontières entre liberté d’expression et responsabilité numérique. 

Lors d’un direct TikTok, Bicongo avait tenu des propos jugés irrespectueux par les autorités, suscitant un vif débat sur la proportionnalité de sa sanction.

Si certains observateurs dénoncent un abus de pouvoir, d'autres pointent la nécessité de réguler davantage les discours en ligne, surtout lorsqu’ils visent des personnalités publiques.

Atteinte à la pudeur et incitation au danger 

D’autres influenceuses, à l’instar de Lolo Beauté et de Coach Hamond Chic, se sont retrouvées au cœur de polémiques pour des actes ou propos jugés irresponsables. Lolo Beauté a été interpellée pour atteinte publique à la pudeur après avoir exposé sa nudité dans une vidéo largement diffusée. 

De son côté, Coach Hamond Chic a été rappelée à l’ordre par la Haute autorité de la communication audiovisuelle (HACA) pour avoir recommandé l’utilisation de Bétadine jaune à des fins intimes, une pratique jugée dangereuse par les autorités de santé.

Un cadre légal en renforcement

Face à ces dérives répétées, la justice ivoirienne s’emploie à encadrer les pratiques numériques par des lois et règlements plus stricts. Ces mesures visent à responsabiliser les influenceurs tout en protégeant le public contre les contenus préjudiciables. 

Cependant, la frontière entre régulation et atteinte à la liberté d’expression reste un sujet sensible, nécessitant un équilibre entre sanction et pédagogie. 

Une analyse experte

Selon Jaurès Oué, spécialiste en communication digitale, la seule explication à ces dérives est "la course à la visibilité ». 

« Étant donné que leurs apparitions sur les réseaux sociaux sont rémunérées, ils se voient dans l’obligation de cumuler les meilleures visibilités. Cela est renforcé par la concurrence qu’il y a entre eux. », explique l’expert. 

Il souligne que cette situation est aussi imputable à "l’inculture de la majorité de ces web-influenceurs. Ils n’ont pour la plupart aucune ligne éditoriale. Il n’y a aucune stratégie qui sous-tend leurs publications sur les réseaux sociaux."

De son côté, le sociologue Valentin Zahui explique qu’à "la vérité, Stéphane Agbré alias Apoutchou National n'est pas à son premier forfait. 

À maintes reprises, il a déjà exhibé de l'argent sur les réseaux sociaux. La surprise se justifie par cette réaction prompte du pouvoir judiciaire qui, manifestement jusque-là, faisait le mort."

Il ajoute que ces comportements sont souvent favorisés par la déstructuration de la cellule familiale après des crises socio-politiques, ayant entravé l'éducation de nombreux enfants ; la promotion des contre-valeurs sur les réseaux sociaux, souvent sans réelles conséquences ; une fragilisation de l’autorité communautaire et de la coercition sociale et une ignorance des lois en vigueur.

Impacts sur les jeunes et mesures

Ces comportements, selon Valentin Zahui, "impactent nocivement les esprits fragiles, nourrissant l'idée que l'argent peut se gagner sans effort."

Face à ces dérives, la justice ivoirienne renforce le cadre légal et sensibilise au respect des normes. Si les sanctions judiciaires peuvent sembler sévères, elles restent nécessaires pour restaurer l’harmonie sociale.

 "La prison apparaît comme un outil de (re)socialisation, permettant à certains de reconsidérer l'importance du respect des lois," conclut Valentin Zahui.

Une nécessité de sensibilisation

Alors que les influenceurs continuent de jouer un rôle croissant dans la société ivoirienne, leur responsabilité numérique devient un enjeu majeur. 

Si certains exploitent leur notoriété pour des causes nobles, d’autres, par leurs actes irresponsables, mettent en péril leur liberté et ternissent l’image du secteur. 

Les autorités ivoiriennes, en renforçant le cadre légal et en sensibilisant le public, espèrent freiner ces dérives et promouvoir une citoyenneté numérique exemplaire. 

C’est dans ce cadre que s’inscrit la campagne intitulée : ‘’En ligne, tous responsables’’, lancée par le ministère de la Communication. Cette initiative vise à promouvoir une utilisation éthique et responsable des réseaux sociaux.

Environ 5,1 millions d'Ivoiriens, soit 17,9 % de la population, utilisent les réseaux sociaux.
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