L’ONU vient de rendre public son rapport sur les violences commises dans le grand Kasaï en République démocratique du Congo. Trois experts du Haut-Commissariat aux droits de l'homme des Nations unies ont enquêté pendant un an à travers les cinq provinces théâtre de violence et d'une répression de l'armée entre 2016 et 2017. Les experts devaient déterminer les faits concernant d'éventuelles violations des droits de l'homme. Selon eux, les forces de sécurité et les milices ont commis des crimes de guerre et des crimes contre l'humanité dans la région.
Après s'être rendus sur place, avoir interrogé 524 victimes, témoins et auteurs présumés, et examiné des photos et des vidéos, les trois experts confirment un niveau extrêmement élevé de la violence pendant plus d'un an dans cette zone. Le rapport se veut le plus factuel et détaillé possible sur les atrocités commises dans le grand Kasaï durant cette période. Des actes, qui selon eux, peuvent être qualifiés de « crimes de guerre » et de « crimes contre l'humanité ». Entre autres parce que les attaques menées contre les populations civiles l'ont été « avec un caractère généralisé ou systématique » « et dans la poursuite de la politique d'un Etat ou d'une organisation ayant pour but une telle attaque ».
La liste des exactions et atrocités est longue : meurtres, mutilations, viols, pillages, décapitation, attaques contre des bâtiments religieux, école et hôpitaux, et beaucoup de cas d'enrôlement forcé d'enfants de moins de 15 ans dans ces attaques.
Résultat, les experts appellent au désarmement urgent des milices pour éviter une nouvelle flambée de violence, mais aussi à la tenue de procès pour éviter l'impunité qui est de rigueur actuellement. Ce qui est plus surprenant par contre c'est que les experts ne font aucune hiérarchie, aucune différenciation sur le niveau de responsabilité des uns et des autres que ce soit l’armée ou les miliciens.
Armée et milices renvoyées dos à dos
L'armée congolaise, la milice Bana Mura, considérée comme un supplétif de l'armée, et la milice Kamuina Nsapu sont renvoyées dos à dos. Toutes sont accusées de crimes de guerre et de crimes contre l'humanité. La milice Kamuina Nsapu est ainsi décrite comme très structurée et organisée par les experts de l'ONU. Pour les experts de l'ONU, il n'y a eu qu'un groupe armé et non pas plusieurs petites insurrections.
La milice Kamuina Nsapu, organisée en unités et pilotée par les proches du défunt chef du même nom, aurait été capable de s'implanter les cinq provinces de l'espace kasaïen en à peine six mois et aurait généralisé dans ses tshiotas (les rituels) la pratique du cannibalisme et des décapitations. Dans le Lomami, tous les habitants réfractaires, même les enfants, auraient été systématiquement décapités. Les experts ne disent ni où ni quand, ni combien. Une image qui ne correspond pas à celle décrite par les observateurs locaux qui parlent de petites milices qui se sont agglomérées en réaction à un Etat jugé absent ou répressif.
Pour ce qui est de l'armée congolaise par contre, la mention « d'usage excessif de la force » dans la répression de la milice Kamuina Nsapu a disparu. La répression est qualifiée de simplement « brutale » même si les experts évoquent des exactions systématiques commises par l'armée congolaise, y compris sur des enfants désarmés ou endormis. Enfin, autre élément qui a disparu : les fosses communes. Quatre-vingts fosses communes que le Haut-Commissariat attribuait auparavant à l'armée.
Plus question non plus d'insister sur le bilan des atrocités commises par les uns ou les autres Il n'y a pas non plus de décompte précis du nombre de victimes. Les acteurs sont tous renvoyés dos à dos, les enfants Kamuina Nsapu avec leurs bâtons, leurs couteaux et les quelques fusils de chasse traditionnels et les FARDC avec leurs kalachnikovs et lance-roquettes.
Il manque donc à ce rapport la détermination des responsabilités. Est-ce à dire que ces trois acteurs sont tous responsables au même titre de la violence et des terribles exactions qui ont fait plus de 3000 morts et près d'un million et demi de déplacé au Kasai ? Non répond Bacre Waky Ndiaye, l'un des trois experts qui a rédigé ce rapport. Les experts disent avoir voulu constituer avant tout une base pour pouvoir enclencher des poursuites.
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